La sidérurgie européenne menacée d'une crise venue d'Extrême-Orient. (Photo: David Laurent / archives)

La sidérurgie européenne menacée d'une crise venue d'Extrême-Orient. (Photo: David Laurent / archives)

Il faut que l’heure soit grave pour que patrons et ouvriers de la sidérurgie défilent côte à côte dans les rues. C’est pourtant la situation vécue ce lundi matin, à Bruxelles, à la suite d’un appel des fédérations patronales européennes de l’acier.

Plusieurs milliers de sidérurgistes, cols bleus et blancs réunis, s’étaient donné rendez-vous devant les bâtiments de la Commission européenne, lui faisant comprendre que, cette fois, c’était à elle d’agir. La cible? La Chine, accusée de dumping et de déstabilisation du marché européen de l’acier.

Avec 823 millions de tonnes d’acier produites en 2014, la Chine est de loin le premier acteur mondial. Mais son économie ralentit et est désormais en surproduction. Selon les experts, 340 millions de tonnes ne trouveraient plus acquéreur.

Pour s’en sortir, les Chinois ont donc décidé d’envoyer une part de cette production excédentaire vers le Vieux Continent à prix bradés. On parle de 4,5 millions de tonnes qui viendraient s’ajouter aux 177 millions assurées par les producteurs européens. Un volume suffisant pour déstabiliser l’ensemble du marché. La preuve par les résultats du leader mondial, ArcelorMittal, qui a récemment annoncé une baisse de près de 20% de son chiffre d’affaires en 2015, consécutive à une chute des prix de vente de l’acier de 19,7%.

Après de longues décennies de crise, la sidérurgie européenne a remonté la pente à force d’innovation. Mais aujourd’hui, une nouvelle menace se précise. Pas plus tard que la semaine dernière, les gouvernements allemand, français, britannique, luxembourgeois, belge, italien et polonais ont envoyé une lettre à la Commission et au Conseil européens pour leur demander d’agir face à cette crise qui couve.

Savoir dire «non»

Que peut l’Europe? À défaut de sauver le secteur, les sidérurgistes veulent la voir en tout cas refuser le statut d’économie de marché à Pékin au niveau de l’Organisation mondiale du commerce. 15 ans après l’entrée de l’Empire du Milieu à l’OMC sous le statut d’économie non marchande – un terme qui admet qu’elle octroie des subventions à ses industries -, les «Vingt-huit» doivent se prononcer sur ce changement de statut d’ici la fin de l’année.

C’est la crainte principale. Si elle obtient ce nouveau statut, la Chine verra ses droits de douane diminuer et pourra d’autant plus inonder le marché européen de ses produits bradés.

L’Europe devra donc faire acte de courage face au géant asiatique. Vendredi dernier, la commissaire au Commerce, Cécilia Malmström, a posé un geste en ce sens en annonçant l’ouverture d’enquêtes concernant trois produits en acier en provenance de Chine. C’est un début.

Mais il faudra aller plus loin. Et dire carrément «stop!» aux Chinois… alors que la Commission espère d’eux qu’ils apportent entre 5 et 10 milliards dans le Fonds européen pour les investissements stratégiques, soit le Plan Juncker. Pas simple pour une Europe qui a pris l’habitude de se placer sur la défensive sans pouvoir admettre qu’à ce jeu, elle se faisait déborder de tous les côtés.