Emmanuel Macron doit continuer de creuser son sillon s’il ne veut pas tomber dans les écueils de ses prédécesseurs. (Photo: capture d'écran / Twitter)

Emmanuel Macron doit continuer de creuser son sillon s’il ne veut pas tomber dans les écueils de ses prédécesseurs. (Photo: capture d'écran / Twitter)

Entre droite et gauche. Et vice versa. Hormis l’exception de 2002, il n’y avait jamais eu un tel scénario pour le second tour de l’élection présidentielle française. 15 ans après l’arrivée de Jean-Marie Le Pen à ce stade face à Jacques Chirac, Marine Le Pen et donc le Front national se hissent de nouveau à une marche du perron de l’Élysée. Entre le père et la fille, les styles changent, mais les idées de repli sur soi et de rejet de l’autre, surtout lorsqu’il est étranger, restent les mêmes. Il suffisait d’entendre les déclarations lors des derniers meetings de campagne de Marine Le Pen autour de l’instauration d’un moratoire sur l’immigration légale pour songer que le fonds de commerce se base sur des ressorts semblables d’une génération à l’autre de la famille Le Pen. 

Il n’empêche, peut-on continuer de parler d’un vote de protestation lorsque, scrutin après scrutin, le Front national apparaît comme un parti vers lequel les électeurs se tournent pour manifester un sentiment, voire un choix? Probablement celui du changement, quitte à le faire passer par l’extrême droite. Plus que jamais, les partis traditionnels doivent trouver une réponse aux maux français que le Front national veut traiter, n’hésitant pas à mélanger les causes et conséquences pour semer la confusion et proposer des solutions sous forme de raccourcis. 

Ce premier tour de l’élection présidentielle 2017 laisse en tout cas apparaître le pari réussi d’Emmanuel Macron - inconnu du grand public avant sa courte expérience de ministre de l’Économie de François Hollande, mais néanmoins habitué du sérail politique – qui a décidé, il y a un an, de lancer son mouvement En Marche.

Les deux grands blocs, l’UMP, devenue Les Républicains, et le Parti socialiste doivent eux aussi se remettre en marche. Et rapidement. Au risque de sombrer dans la dislocation et l’oubli. Les réunions internes des prochains jours au sein de ces deux partis risquent de s’annoncer houleuses. Les affaires et son positionnement droitier n’ont pas permis à François Fillon de convaincre au-delà de son socle électoral (néanmoins non négligeable à 19%). Quant à l’ancien frondeur du PS, Benoît Hamon, il n’a pas réussi à rassembler autour de lui. Au-delà de la responsabilité propre aux deux candidats battus, ce sont deux grands partis battus qui se partageaient le pouvoir présidentiel en France qui doivent désormais profondément repenser leur offre politique et leur fonctionnement.

Des socles qui bougent

Au soir du 23 avril 2017, on ne peut ignorer certaines formes de protestation, comme lorsque près de 5% des électeurs votent pour Nicolas Dupont-Aignan, qui avait d’ailleurs déclaré jeudi soir sur France 2 que la France était un grand pays, contrairement à l’Irlande et au Luxembourg. Le fantasque souverainiste n’est pas très significatif sur le plan national, contrairement à la place acquise par Jean-Luc Mélenchon. Arrivé à la quatrième place de la présidentielle de 2012 avec quelque 11% des voix, le leader de cette France qui se veut insoumise confirme sa position et progresse même avec un score de 19% (il passe de 4 à 7 millions de voix), titillant François Fillon. Il y a là aussi une forme de protestation, de manifestation d’une autre vision de la France à l’extrême gauche. 

Alors que les leaders des partis traditionnels se ralliaient derrière le candidat d’En Marche dès dimanche soir pour faire barrage à l’extrême droite, Emmanuel Macron, à qui les sondages prédisent déjà une victoire le 7 mai, doit d’ores et déjà envisager sa responsabilité à l’Élysée dans une République que beaucoup d’électeurs veulent considérer sous un nouveau jour. Pour rester un politique «ni de droite, ni de gauche», Emmanuel Macron doit éviter l’écueil d’attirer vers lui les «professionnels de la politique» et continuer à tracer son sillon qui semble lui réussir. 

Plus que de voix émanant de ses partisans et du front républicain, le probable prochain président de la France a besoin d’une assise parlementaire qui passera par un succès aux législatives de juin prochain. C’est la condition sine qua non pour réformer ce si beau pays voisin qui en a bien besoin. Emmanuel Macron veut se donner l’envergure de chef de ce vaste chantier. Pourvu qu’il délivre les réponses à la hauteur de ses promesses. Et dans les temps.