Michel Reckinger: «Parler de risque de pauvreté en relation avec un salaire de 2.640 euros est un affront pour tous les salariés qui ne font pas partie de la fonction publique ou du secteur financier!» (Photo: Fédération des artisans)

Michel Reckinger: «Parler de risque de pauvreté en relation avec un salaire de 2.640 euros est un affront pour tous les salariés qui ne font pas partie de la fonction publique ou du secteur financier!» (Photo: Fédération des artisans)

Une discussion, reprise par plusieurs médias luxembourgeois, m’a interpelé ces temps-ci.  

La discussion en question a été lancée par la Chambre des salariés qui a publié une statistique sur le risque de pauvreté en Europe et qui conclut que le Luxembourg connaît le risque de pauvreté le plus élevé de l’UE28, ceci notamment devant des pays en crise tels que la Grèce, l’Italie ou l’Espagne. En conséquence de cette publication, l’OGBL revendique une hausse du salaire minimum de l’ordre de 10%!

En réfléchissant un bref instant à cette affirmation et à la revendication de l’OGBL, on doit venir à la conclusion que le monde syndical est apparemment complètement décroché de la réalité de l’économie luxembourgeoise.

Un salaire médian de 4.400 euros

La règle statistique qui est à la base de cette réflexion est celle qui fixe le risque de pauvreté à 60% du salaire médian. Le revenu médian est défini tel que la moitié des ménages gagne moins et l’autre moitié plus. Or, en regardant de près ces chiffres, il devient évident que cette règle n’est que difficilement applicable au Luxembourg.

Au Luxembourg, le salaire médian s’élève à quelque 4.400 euros. Le seuil de risque de pauvreté serait donc défini à 2.640 euros. Parler de risque de pauvreté en relation avec un salaire de 2.640 euros est un affront pour tous les salariés qui ne font pas partie de la fonction publique ou du secteur financier! Le salaire médian luxembourgeois est de plus ou moins 70% supérieur aux niveaux atteints dans les pays limitrophes.

Avec la mise en application de l’accord salarial dans la fonction publique, le salaire médian augmentera automatiquement et davantage de salariés du bas de l’échelle vont se retrouver exposés au risque de pauvreté alors que leur situation personnelle n’aura en rien changé. De même, l’implantation de la troisième banque chinoise sur la place financière luxembourgeoise avec une soixantaine d’employés touchant un salaire supérieur au salaire médian aura pour résultat que soixante autres salariés tomberont sous le seuil du risque de pauvreté sans que leur propre situation n’ait évolué négativement. Quelle aberration!

Réorganiser l'ITM

Essayer d’utiliser l’abstraction statistique du risque de pauvreté dans le cadre de revendications salariales est irréaliste et même irresponsable. Il est important de savoir que la différence entre le salaire minimum luxembourgeois et ceux des pays limitrophes représente déjà aujourd’hui un des plus grands fardeaux qui pèse sur la productivité des entreprises artisanales. Nous savons pertinemment qu’une bonne partie des entreprises étrangères, actives sur le territoire luxembourgeois, ne garantissent pas à leurs salariés les revenus que les contrats collectifs luxembourgeois leur imposent. La réorganisation de l’ITM doit donc se faire au plus vite afin de réagir à ce fléau.

Vers des dépenses logement proportionnées

La principale raison des difficultés financières que connaissent les ménages du bas de l’échelle salariale est essentiellement liée aux dépenses de logement disproportionnées, c’est-à-dire au niveau excessif des prix du terrain. Or, il n’est pas concevable que la problématique des coûts de l’immobilier et du logement soit résolue sur le dos des entreprises par le biais d’une augmentation du salaire minimum.

Arrêtons ce cirque et faisons équipe pour résoudre ce problème de façon constructive!

Il faut que la politique se donne les moyens d’agir. Dans ce contexte, la Fédération des artisans a fait des propositions concrètes afin d’accélérer la création de logements à des prix abordables. Des solutions existent; il faut que le gouvernement se décide à prendre les décisions qui s’imposent et à passer à l’action afin de mettre en place les solutions adéquates!