Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne)

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne)

La variation des taux gouvernementaux à long terme peut impacter l’économie réelle au travers de son incidence sur le coût du crédit pour les agents économiques. Les taux d’intérêt influencent la croissance économique par leur effet sur le marché immobilier, l’investissement des entreprises et le crédit à la consommation. Depuis le début d’année, le rendement sur les obligations à 10 ans d’État américain a progressé de 2,40% à un peu moins de 2,90% aujourd’hui. Toutefois, cette hausse reste modérée, et n’a pour l’instant pas de conséquence négative sur l’économie américaine dans son ensemble.

Toute évolution importante des taux d’emprunt d’État peut aussi influencer les marchés boursiers. En effet, le rendement des obligations américaines à 10 ans est perçu comme étant le taux sans risque pour le marché actions américain. Dans leurs décisions d’investissement, les investisseurs comparent ce rendement à celui qu’ils estiment pouvoir obtenir du marché actions sur le même horizon de placement. Or, cette dernière mesure a diminué au cours des dernières années pour le marché américain, suite à la forte progression des cours boursiers et des multiples de valorisation. Néanmoins, ce différentiel de rendement reste positif. La hausse des taux longs de ce début d’année a d’ailleurs été l’élément déclencheur de l’épisode récent de volatilité des marchés actions. Une progression forte du taux sans risque peut être de nature à fragiliser les marchés financiers, en diminuant l’attractivité relative des actions par rapport aux obligations.

L’ennemi, c’est l’inflation

Mais qu’est-ce qui fait monter les rendements obligataires? L’ennemi numéro un des obligations, c’est l’inflation. Les obligations d’État classiques distribuent un coupon fixe au détenteur de l’obligation, ainsi que le montant du capital prêté à maturité. Si l’inflation augmente, le pouvoir d’achat de ces flux monétaires diminue. D’un autre point de vue, face à une hausse non anticipée de l’inflation, les investisseurs exigent un rendement supplémentaire pour compenser cette déperdition de valeur. En d’autres termes, le prix des obligations baisse, et leur rendement augmente.

Aujourd’hui, l’environnement reste favorable à une hausse modérée de l’inflation aux États-Unis. De par la situation actuelle de plein emploi, les entreprises font face à une difficulté croissante d’embaucher de la main-d’œuvre qualifiée. Ces tensions sur le marché du travail devraient redonner du pouvoir de négociation aux salariés, et sont donc un élément positif pour l’évolution des salaires. De plus, la relance budgétaire fraîchement approuvée pourrait ajouter de la pression sur les facteurs de production déjà hautement utilisés. Un troisième élément est la dépréciation récente du dollar, qui renchérit les importations, ce qui devrait se répercuter avec un certain délai dans les prix de vente.

La Fed sur la réserve

L’équilibre offre-demande affecte également le marché obligataire. Alors que le besoin de financement de l’État américain va augmenter suite à la réforme fiscale et au budget qui prévoit des dépenses supplémentaires, un acheteur important d’obligations d’État se retire progressivement du marché. De fait, la Réserve fédérale a commencé à réduire la taille de son bilan en octobre passé. Autrement dit, l’offre de bons du trésor américain va croître à un moment où la demande d’un acteur principal est en train de reculer.

Aux niveaux actuels, les rendements des obligations d’État américain ne constituent pas un risque pour la croissance économique des États-Unis. Mais il est clair qu’au vu de leur importance pour l’économie et les marchés boursiers, nous devons rester attentifs à leur évolution future.