Et si finalement, on passait la frontière à pieds? (Photo: Shutterstock)

Et si finalement, on passait la frontière à pieds? (Photo: Shutterstock)

Pour quelques milliers de watts en plus, on pourrait rêver de prendre le train à Bruxelles, Namur ou Libramont et arriver en gare de Luxembourg frais et reposé après un voyage sans histoire. Mais désormais, entre la Belgique et le Luxembourg, le différentiel en électrons a créé une nouvelle barrière qui fait de ce «no man’s land» entre Arlon et Kleinbettingen un mur aussi compliqué à franchir que la frontière étasunienne pour un mexicain ou le rideau de fer hongrois pour un migrant slave.

Pas simple de construire cette Europe commune quand même les compagnies nationales de chemin de fer – un moyen de déplacement pourtant d’usage depuis la première révolution industrielle – ne parviennent pas à s’accorder sur la puissance électrique des réseaux.

Et la route, me direz-vous? À franchement parler, ce n’est hélas guère mieux mon cher monsieur. Venant de Belgique, je ne peux parler que de ce que je connais. Et côté macadam, ce sont mes compatriotes qui ont cette fois déployé les grands moyens pour nous offrir une autoroute à trois voies. L’objectif est louable, il consiste à accorder une bande de faveurs à tous ceux qui ont décidé de partager le trajet à plus de deux occupants par voiture. On applaudit des deux mains, sauf qu’une fois atteinte cette fichue frontière, on repassera à deux voies. Et là nos covoiturants auront trois fois plus de larmes pour rager sur les nouveaux bouchons en formation.

Ce n’est pas grave, me direz-vous, à l’heure du digital et d’un ciel encombré de satellites, la plupart des gens peuvent assurer une partie de leur travail en charentaises depuis leur living. Je ne vous donne pas tort de raisonner ainsi, mais le fisc si. Le «jus soli» restant visiblement la norme en matière d’impôts, en faisant le choix de ne pas émettre trop de CO2 ni d’encombrer les villes, vous ne pourrez plus profiter du régime le plus favorable, soit celui de Luxembourg.

On nous promet là aussi des améliorations – une tolérance plus large du nombre de jours prestés de l’autre côté du rideau fiscal. Mais si l’on veut vraiment bâtir une Europe solide et crédible, il faudrait sans doute songer rapidement à ouvrir aussi plus largement les hérissons tchèques de l’impôt, voire à carrément les enlever. Ne serait-ce que pour sauver l’air que l’on respire, chasser le ridicule au profit du bon sens et glisser du peu enviable statut de frontalier à celui de travailleur sans frontière.