Béatrice Martin revient sur les conséquences de l’absentéisme au travail. (Photo: Maison moderne / archives)

Béatrice Martin revient sur les conséquences de l’absentéisme au travail. (Photo: Maison moderne / archives)

En 2015, l'absentéisme a coûté 573 millions aux employeurs. En coût direct pour les entreprises (source Union des entreprises luxembourgeoises).

Au-delà de l’incidence financière des absences du personnel pour des raisons de santé – que d’aucuns appellent des «congés» de maladie, ce qui en dit long sur les distorsions de compréhension à cet égard – les absences impromptues couvertes par des certificats de complaisance constituent surtout le désespoir du petit patron. 

Les médecins généralistes sont généralement de bonne volonté, mais ils ont plus appris à soigner des maladies que des malades, ils ne sont pas formés à la relation d’aide et, à moins d’être fils ou fille d’indépendants, ils ne connaissent rien au monde de l’entreprise. Leur arsenal thérapeutique est limité aux médicaments et aux arrêts de travail que parfois, ils prescrivent très – trop - vite.

Ce faisant, ils contribuent à la désorganisation des services, ils obèrent la rentabilité des entreprises et ils surchargent la tâche des salariés fidèles au poste, fragilisant ainsi les meilleures volontés et érodant les motivations. Car les absences de complaisance sans conséquence mettent en évidence une certaine vanité de l’engagement au travail.

À la formation des généralistes, il y aurait à ajouter des actions éducatives 'de finition' à mener vis-à-vis de beaucoup d’adultes qui arrivent immatures au monde professionnel.

Béatrice Martin

Sans toujours réaliser la portée d’une ordonnance rédigée pour répondre à la demande (quelquefois implicite) d’une personne qui les touche ou dont ils n’ont pas bien saisi la problématique, beaucoup de médecins généralistes se substituent à d’autres instances qui pourraient intervenir plus utilement sur des questions de fond.

Il est vrai qu’à la formation des généralistes, il y aurait à ajouter des actions éducatives «de finition» à mener vis-à-vis de beaucoup d’adultes qui arrivent immatures au monde professionnel, prenant leur médecin pour une nounou dont ils attendent un soulagement de surface, provoquant une ordonnance d’arrêt derrière laquelle ils se retranchent ensuite pour éviter d’avoir à assumer la responsabilité de leur demande. 

Il est tout aussi vrai qu’il existe des chefs et des patrons pervers, des emplois vides de sens et je ne nie pas ici la difficulté de l’être humain à se laisser couler dans un moule qui ne correspond probablement pas à sa nature, mais, en attendant de faire évoluer notre monde post-moderne, il faut déjà se préoccuper de la double contrainte qui écrase les patron(ne)s de PME lorsqu’ils sont obligés d’assumer les conséquences de décisions sur lesquelles ils n’ont aucune prise. Car ils se voient, de facto, assigner des responsabilités qui ne devraient pas être les leurs et ils supportent des pressions qui feraient basculer vers le burn-out beaucoup de salariés. 

Nous savons que nos règles et nos usages sont les fruits de notre histoire, mais il n’en reste pas moins que nous ne sommes plus au début du 20e siècle industriel, à une époque où la protection médicale était le seul rempart contre les traitements inhumains et les licenciements abusifs. Il est dès lors tout à fait surprenant de constater que les pouvoirs publics accordent encore une telle faculté d’ingérence dans les entreprises (qu’ils prétendent par ailleurs soutenir) à des tiers qui sont formés à d’autres fins. 

Trop d’abus dans le système tue le système!

Je plaide pour que notre pays ait le courage de décortiquer et de regarder en face un sujet d’autant plus complexe qu’il traverse nos frontières et qu’il est alourdi de crispations corporatistes dans un environnement de plus en plus procédurier.

Comme piste de lancement, je propose que toutes les parties liées à la question de l’absentéisme au travail aillent gratter du côté de la structure d’un montage administratif et social qui permet le détournement d’une protection légitiment due aux personnes réellement vulnérables au profit de tire-au-flanc! 

Je gage que celles et ceux qui auront le courage de se coller au chapitre ne seront pas déçus de l’exercice et de ce qu’il révèlera…

Entrepreneuse et cheffe d'entreprise, Béatrice Martin a fondé le réseau de crèches KidsCare.