De nombreux Britanniques regrettent déjà d’avoir voté pour le départ du pays. (Photo: Flickr)

De nombreux Britanniques regrettent déjà d’avoir voté pour le départ du pays. (Photo: Flickr)

En quatre jours, tout ou presque a été dit sur le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’avenir nous dira s’il fallait blâmer le Premier ministre David Cameron et l’ancien maire de Londres, Boris Johnson, pour le drôle de jeu mené vis-à-vis de leurs partenaires européens ou, au contraire, les remercier d’avoir enfin permis à l’Union européenne de fonctionner plus efficacement. En attendant, c’est la classe politique dans son ensemble qui devra tirer des leçons de ce tremblement de terre. Contentons-nous donc de lancer quelques pistes de réflexion.

Le bon sens n’est plus de mise. Le Brexit restera sans aucun doute un événement dont la portée ira bien au-delà du seul départ des Britanniques de l’Union européenne. Le vote un peu inconscient de la population britannique remet en cause les notions de bon sens, voire de sagesse, des nations qui faisait, jusqu’ici, que le pire ne pouvait pas arriver. Mais il faut désormais compter avec un véritable ras-le-bol des électeurs face à une classe politique faite de professionnels pour qui le prochain scrutin correspond à un contrat à renouveler. Désormais, tout semble pouvoir arriver, la sortie des Anglais comme l’élection de Donald Trump aux États-Unis ou de Marine Le Pen en France et, pourquoi pas, l’entrée de l’Écosse pour refaire une Europe à 28.

Le référendum reste un jeu dangereux. Considéré comme le stade ultime de la démocratie, en donnant directement la parole à la population, le référendum est souvent mal utilisé par cette même population. Parfois parce que les questions sont mal posées, souvent parce qu’elle n’en maîtrise pas le véritable enjeu ou, comme ce fut apparemment le cas jeudi dernier, parce qu’elle le détourne en un vote de protestation contre la majorité au pouvoir ou la classe politique dans son ensemble. Lorsque chaque voix compte, il est essentiel de bien utiliser la sienne.

L’Europe doit retrouver le contact avec ses citoyens. À 28 États (bientôt 27 donc), l’UE est devenue un monde à part auquel le citoyen lambda ne se sent plus connecté. Il sait qu’il doit voter pour élire un parlement tous les cinq ans, mais à part cela, son fonctionnement entre Conseil et Commission lui échappe de plus en plus, alors que les décisions prises à Bruxelles comptent de plus en plus dans sa vie. Pire, bien souvent les politiciens nationaux lui font porter le chapeau de décisions impopulaires.

Trouver des pères réformateurs après les fondateurs. Après un demi-siècle d’atrocités, une poignée d’hommes politiques européens se sont réunis autour d’un ambitieux «plus jamais ça» qui a mené au traité de Rome, en mars 1957. Il y aura donc 60 ans l’an prochain et, depuis, admettons-le, les ambitions de paix continentale des Adenauer, Monnet ou Schuman ont tenu bon. Mais il est temps que l’Europe retrouve quelques vraies pointures d’hommes d’État pour la remettre sur les rails. Or, que voyons-nous? De plus en plus de politiciens version Cameron qui jouent à la roulette russe leur appartenance au projet étoilé pour rester au pouvoir, d’autres qui, comme Nigel Farage, en font la source de tous les maux. Le leader du parti anti-européen Ukip n’a pas hésité à prétendre que le Royaume-Uni devait «envoyer», chaque semaine, quelque 350 millions de livres sterling (plus de 400 millions d’euros) à l’Union européenne avant de parler d’une «erreur» une fois le «leave» acquis.

Renforcer la logique fédérale. Nostalgiques de leur ancien empire, les Britanniques n’ont jamais prétendu accorder la moindre parcelle de pouvoir régalien à l’espace européen. Leur départ sera donc peut-être l’occasion d’enfin donner un poids politique réel à l’Union en créant des structures communes et en boostant l’harmonisation des législations dans des domaines comme la défense et la sécurité, la justice ou la fiscalité. Mais il faudra pour cela que les autres chefs d’État et de gouvernement parmi les «27» admettent eux aussi de voir l’Europe comme une réelle entité supranationale à laquelle ils remettront une partie de leurs prérogatives nationales. Pas certain cependant que les egos soient suffisamment mûrs...