Jeff Jackson, initiateur de la plateforme SelecTV, se sera battu jusqu'au bout pour la sauver.   (Photo: Frédéric Di Girolamo / archives)

Jeff Jackson, initiateur de la plateforme SelecTV, se sera battu jusqu'au bout pour la sauver.  (Photo: Frédéric Di Girolamo / archives)

À la fin du siècle dernier, l’émergence d’internet et des débits de connexion toujours plus importants – quoique semblant ridicules comparés à aujourd’hui – ouvre des possibilités déjà qualifiées d’infinies en matière de services et de technologies.

Très tôt, le Luxembourg s’est positionné comme étant très avancé en matière d’équipements: en 2000, la moitié des ménages du pays possède un ordinateur et un quart dispose d’un accès à internet… En France, par exemple, ce taux d’accès à internet n’est que de 12%.

Pour autant, les grands développements se font un peu attendre et ce n’est qu’à l’automne 2000 qu’est lancée, en test, SelecTV, la première plateforme de télévision numérique développée par la société Aurora Investments, avec, dans un premier temps, le soutien éphémère de Dexia-Bil, puis celui de 3i, qui est alors la société d’investissement en capital-risque la plus en vue en Europe. Derrière ce projet, monté conjointement avec l’Entreprise des P&T (qui détient, au démarrage, 35% du capital d’Aurora Media Services, le bras commercial du projet, constitué en 1999, et place Paul Helminger au conseil d’administration), se trouvent un Américain, Jeff Jackson, ancien producteur de clips musicaux (par ailleurs associé avec Paul Helminger et Hubert Clasen dans une autre société audiovisuelle, Festival Broadcasting Services) et André Heinen, directeur technique issu tout droit des studios de RTL.       

Victime, entre autres, de la bulle internet

Basée dans une maison de maître rue Heine, à l’ombre du château de ce qui est encore l’Arbed, Aurora propose aux abonnés un bouquet d’une trentaine de programmes, au départ (plus de 70 sont planifiés à terme), choisis dans l’idée de séduire un maximum de publics: chaînes grand public, programmes pour enfants, documentaires, business…

Le démarrage prend plus de temps que prévu, en raison de la difficulté à la fois politique et technique de s’allier aux nombreux (plus de 150) réseaux de câblodistribution qui courent à travers le pays. Pourtant, une fois l’offre commerciale officiellement lancée à l’automne 2000, les premiers pas sont très prometteurs, puisqu’en quelques semaines, le stock de décodeurs fond comme neige au soleil, avec, d’emblée, près de 2.000 abonnés.

À ce stade-là, Aurora n’en est qu’à la première étape d’un plan en quatre phases qui prévoit, ensuite, la convergence TV-internet, puis un développement vers la Belgique et l’Allemagne avant, enfin, de viser plus large. 3i a déjà injecté quelque 6 millions d’euros sur les 40 que le groupe planifie de consacrer à ce projet ambitieux.

Mais après ce lancement en fanfare, rien ne se passe vraiment comme prévu et les embûches se succèdent sur la voie devant mener au succès: le bouquet de chaînes, pour des questions de droit, ne reprend que très peu de programmes allemands; puis le développement du décodeur devant permettre la convergence TV-internet prend du retard et, surtout, 3i subit de plein fouet l’éclatement de la bulle internet, avec des pertes se chiffrant à 85% des quelque 2 milliards d’euros de son portefeuille; des investissements abandonnés du jour au lendemain; des licenciements massifs…

Liquidation volontaire

En novembre 2001, 3i retire ses billes du projet Aurora, laissant Jeff Jackson seul actionnaire, en plein marasme économique post-septembre 2001 et, de surcroît, avec un commissaire aux comptes – Arthur Andersen – qui va, lui aussi, disparaître du paysage… En dépit d’un dernier sursaut début 2002, avec le soutien de Deloitte, la société se met en liquidation volontaire au cours de l’été 2002, dans le sillage de la publication d’articles révélant la situation financière intenable du groupe. Trois sociétés sont concernées: le holding faîtier, Aurora Investments, et ses deux bras technologique, Aurora Media technologies, et commercial, Aurora Media Services.

Dans le même temps, le site internet de la société propose toujours de s'abonner à l’un des bouquets de programme SelecTV et met en avant un film accessible en VOD: «La fin des temps»…

La clôture de la liquidation n’intervient qu’au printemps 2003, en dépit d’un passif relativement modéré, évalué à 1,5 million d’euros pour l’ensemble des trois sociétés.