Les deux cofondatrices du cabinet d’avocats poursuivent leur longue collaboration et font évoluer leur aventure entrepreneuriale en mode «start-up».  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Les deux cofondatrices du cabinet d’avocats poursuivent leur longue collaboration et font évoluer leur aventure entrepreneuriale en mode «start-up».  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Marielle Stevenot et Cindy Arces viennent de lancer leur cabinet d’avocats d’expertise en droit social: Unalome Legal. Cindy Arces en détaille la vision stratégique et l’approche d’une matière souvent liée à un volet émotionnel important.

Pourquoi avoir choisi le nom d’Unalome Legal?

 – «Nous l’avons emprunté à la tradition bouddhiste où le symbole Unalome représente le chemin de vie d’une personne, parsemé de réussites, de succès, mais aussi de doutes voire d’échecs qui font évoluer et progresser. Ce symbole fait écho à notre propre chemin de vie professionnelle et il correspond à notre état d’esprit. Il illustre notre volonté d’accompagner nos clients sur l’ensemble de leur parcours entrepreneurial afin de leur permettre d’atteindre leurs objectifs.

Quelle est la vision d’Unalome Legal?

– «Nous sommes tout d’abord un cabinet d’expertise en droit social qui a pour volonté de créer une relation de long terme avec chacun de ses clients. Chacun d’entre eux peut en effet se retrouver – à différents moments de l’évolution de leur entreprisse – dans une situation de doute et d’instabilité autour de problématiques liées au droit du travail, une matière complexe et qui s’accompagne souvent de volets émotionnel et psychologique non négligeables. J’ajoute que le contexte que nous vivons depuis de nombreux mois multiplie les facteurs d’incertitude.

M.S.: «Notre vision est celle de pouvoir accompagner nos clients chefs d’entreprise et responsables de ressources humaines afin de leur permettre de naviguer au travers de la spirale réglementaire et ainsi de les éclairer sur le chemin le plus efficace à suivre par rapport à leur stratégie. Cela passe par une relation de confiance, de proximité et d’implication en amont dans la réflexion et le déploiement de leurs stratégies RH.

Le contexte actuel entraîne un besoin de retisser du lien de proximité avec les clients.
Cindy Arces

Cindy Arcesmanaging partnerUnalome Legal

Vous visez une approche relationnelle différente, entre informel et conseils à proprement parler. Comment différencier le conseil informel et la relation du conseil qui sera facturé? Vous devez naturellement rentabiliser votre activité…

C.A.: «La relation sur le long terme et les échanges informels ne sont pas contradictoires avec une rentabilité nécessaire. Bien au contraire. Les échanges informels nous permettent de gagner en efficacité et en pertinence dans le conseil au client. Ici aussi, le contexte actuel entraîne un besoin de retisser du lien de proximité avec les clients. Nous remarquons par ailleurs que de plus en plus de clients veulent sortir du modèle traditionnel de facturation liée à du temps presté et qu’ils sont davantage attentifs à la valeur du conseil donné.

Comment se différencier des plus grands cabinets d’une part et des quelques autres cabinets dans cette niche d’autre part?

M.S.: «L’essence même de notre projet est contenue dans la vision que nous évoquions. La qualité technique des services est une évidence, mais dès qu’un certain nombre de situations ou d’émotions sont engagées, c’est la relation de confiance et l’accompagnement dans la recherche de la solution qui prend le dessus. En cela, une petite structure peut être plus accessible pour le client. Par ailleurs, un cabinet comme le nôtre pourra être plus agile et aussi plus ‘cost effective’ que des grandes structures. C.A.: «Par rapport aux cabinets spécialisés en droit du travail, nous avons voulu développer une offre de services spécifique, fruit de notre expérience à la fois en tant qu’expertes et en tant que dirigeantes d’entreprises. Nous pensons notamment aux questions de gouvernance et de partnership que nous couvrons, de même que les aspects de risque et de compliance puisque l’évolution de l’environnement réglementaire pousse à toujours plus de contrôles et de sanctions. Nous proposerons ainsi une assistance aux clients sur les questions de contrôle administratif et de droit pénal du travail, mais aussi dans la gestion des signalements en lien avec le projet de loi sur la protection des lanceurs d’alerte.

Pourquoi avoir choisi une maison nichée dans la nature comme écrin pour vos activités?

C.A.: «Cette maison est un coup de cœur pour sa localisation et son ambiance, mais elle reflète surtout l’ADN de notre projet et la vision que nous avons du monde du travail d’aujourd’hui. Le lieu nous permet d’articuler notre organisation entre des espaces communs, de rencontre et de créativité d’une part et des bureaux individuels d’autre part. Nous sommes comme à la maison pour accueillir nos clients dans une ambiance chaleureuse pour échanger sur leurs problématiques, leur actualité et celle du droit social.

Quel peut être l’impact positif d’une bonne gestion du droit du travail?

C.A.: «Le droit social est souvent rattaché à une notion de gestion de crise ou de ses conséquences. Nous voulons justement placer notre démarche dans une autre approche, plus positive, centrée sur le long terme et sur la stratégie et la gouvernance de l’entreprise. Nous voulons être impliqués à ce niveau pour les conseiller dans leurs choix et participer à une croissance pérenne de l’entreprise.

Il est évident que la réalité du terrain et les besoins des chefs d’entreprise évoluent plus rapidement que le cadre réglementaire.
Marielle Stevenot

Marielle Stevenot managing partnerUnalome Legal

La pérennisation d’une entreprise passe par l’attraction de talents et leur rétention, notamment via des «incentives». Le droit du travail est-il encore suffisamment outillé par rapport aux évolutions de la vie des entreprises et des différents métiers?

M.S.: «Il est évident que la réalité du terrain et les besoins des chefs d’entreprise évoluent plus rapidement que le cadre réglementaire. Un certain nombre de règles sont inadaptées ou désuètes par rapport à une économie digitalisée, mondialisée et qui génère de nouvelles formes de travail. Le télétravail, dont il est beaucoup question depuis deux ans, et qui comprend des problématiques fiscales, de sécurité sociale et du droit du travail, est un bon exemple. Ce retour d’expérience montre que les décideurs politiques pourraient prendre en compte un statut européen du travail frontalier. Un autre cas relève du carcan de la durée légale du travail qui n’est plus adaptée ni au fonctionnement des entreprises ni au souhait de leurs salariés.

Faut-il envisager une grande réforme du droit du travail ou peut-on continuer à le modifier épisodiquement?

M.S.: «Une approche pragmatique encouragerait des modifications par touches successives plus rapides, mais une grande réforme – même si elle impliquerait un certain délai – aurait le mérite de gagner en cohérence et d’éviter que les modifications ponctuelles aboutissent sur des contradictions avec des éléments en place ou laissent de trop grandes zones d’interprétation. J’ajoute que le droit du travail ne couvre pas les situations des personnes qui travaillent pour des plateformes digitales avec un statut hybride, ayant le choix d’effectuer ou non une prestation.

Or, l’élément retenu pour établir l’existence d’une relation de travail est le lien de subordination qui plus flou dans ce cas. Notre droit n’est pas adapté pour régler ce cas de figure et offrir les protections et garanties nécessaires à chaque partie. Une réflexion de fond devrait être menée à ce sujet.

Qu’est-ce qui vous donne confiance dans l’économie du pays pour oser lancer votre propre structure?

A.C.: «On en revient à des fondamentaux, mais la stabilité politique, la promotion de la croissance des entreprises et plus récemment les aides proposées durant la crise montrent que – même si tout n’est pas parfait – nous restons au Luxembourg dans un environnement probusiness et un contexte social privilégié qui alimentent un cercle vertueux propice à l’arrivée de nouveaux acteurs, à la création d’emplois et donc à la fourniture de service de support aux dirigeants d’entreprises.

La création de ce cabinet est aussi une manière pour vous de revenir à une prise directe avec les dossiers en tant qu’associée?

M.S.: «Nous étions déjà impliquées dans les dossiers chez PwC Legal, mais la gestion quotidienne de l’entreprise nous demandait également de nous investir dans ce volet de l’activité. La taille de notre nouveau cabinet nous permet de nous recentrer sur le service au client, tout en participant activement au développement de nos collaborateurs.

Qu’est-ce qui change entre intrapreneur et entrepreneur?

A.C.: «Nous avons découvert à la fois toute la difficulté et toute la beauté de faire sortir de terre un projet à partir de son stade zéro. Nous le vivons sereinement, en mode start-up, avec beaucoup de choses à faire en parallèle, de la finalisation du bureau à la communication tout en assurant le service à nos clients. Chaque jour, nous voyons les pas que nous faisons et les retours positifs nous incitent bien entendu à poursuivre sur ce chemin!»

Quel est le secret pour rester partenaires en affaires sur le long terme?

M.S.: «Nous sommes très alignées dans notre vision de l’entreprise et très différentes en termes de personnalités. Cette diversité autour d’un projet commun doublée d’une confiance et une estime réciproque forment certainement les conditions de la durée de vie d’un couple au travail!»