Guy Castegnaro, Founding & Managing Partner, Castegnaro Ius-Laboris Crédits : Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg

Guy Castegnaro, Founding & Managing Partner, Castegnaro Ius-Laboris Crédits : Castegnaro-Ius Laboris Luxembourg

La relation intime entre deux salariés peut-elle être dissimulée en cas de conflit d’intérêts?

En 2019, aux États-Unis, McDonald’s avait licencié son PDG. Ce dernier, divorcé et père de deux enfants, avait été démis de ses fonctions après s’être engagé dans une relation consensuelle avec une employée, en violation de la politique de l’entreprise et plus particulièrement de son code de bonne conduite («Standards of Business Conduct»).

Par la suite, il avait déclaré qu’il était «profondément reconnaissant» pour le temps qu’il a passé chez McDonald’s et qu’il «reconnaissait son erreur de jugement».

Reste à savoir si la romance sur le lieu de travail était la seule raison de ce surprenant licenciement.

Comme McDonald’s, beaucoup d’entreprises interdisent encore actuellement les relations amoureuses entre collaborateurs dans leurs règlements internes ou codes éthiques en utilisant par exemple les termes suivants:

«Il vous est interdit d’entretenir une relation romantique avec un ou une collègue qui est dans un rapport hiérarchique direct ou indirect avec vous.».

Une juridiction allemande a entretemps estimé que de telles règles étaient contraires aux droits fondamentaux et qu’elles étaient d’emblée inefficaces.

Il semble que les juges luxembourgeois n’aient pas encore été confrontés à une telle situation, mais devraient en cas de litige se rallier aux raisonnements de leurs collègues voisins.

Les relations amoureuses entre collègues sont-elles mieux protégées en Europe?

En principe, le droit européen reconnaît et protège le droit fondamental au libre épanouissement de la personnalité. Toutefois, la paix au sein de l’entreprise peut facilement être perturbée, ce qui pourrait avoir des conséquences en droit du travail.

Une relation amoureuse peut-elle constituer un motif de licenciement?

La Cour de cassation française a récemment confirmé le licenciement d’un DRH qui n’a pas informé l’employeur de sa relation avec une représentante du personnel.

Vie privée versus intérêts de l’entreprise

La Cour a d’abord rappelé qu’en principe, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Un licenciement peut aussi être justifié si un fait tiré de la vie personnelle peut se rattacher à la vie professionnelle.

Il ne fait aucun doute que l’existence d’une relation intime entre salariés relève de leur vie personnelle, même s’ils travaillent dans la même entreprise.

Mais si cette relation intime se rattache à leur vie professionnelle, en raison de leurs fonctions respectives qui, par exemple, les amènent à participer à des réunions au cours desquelles sont discutés des sujets sensibles pour l’entreprise, et est de nature à affecter le bon exercice de leur activité professionnelle, le licenciement peut être jugé fondé.

Ainsi, en dissimulant sa relation amoureuse à l’employeur, le salarié aurait manqué à son obligation de loyauté.

Quid en cas de divulgation volontaire de la relation amoureuse par le salarié?

Dans ce cas, l’employeur n’aurait probablement pas pu sanctionner le salarié, puisque le manquement à l’obligation de loyauté aurait disparu. Il aurait vraisemblablement pu lui retirer sa délégation de pouvoir pour éviter tout conflit d’intérêts, mais aurait-il choisi de maintenir à son poste un DRH dépourvu d’une telle délégation? 

Quid en cas d’absence de préjudice pour l’employeur?

Il semble importer peu qu’un préjudice pour l’employeur ou pour l’entreprise soit établi ou non. Le manquement du salarié à l’obligation de loyauté rendrait à lui seul impossible son maintien dans l’entreprise.

Le respect de la vie privée du salarié cède-t-il devant l’intérêt de l’entreprise?

Deux principes se sont heurtés dans cette affaire: d’une part, l’obligation pour l’employeur de respecter la vie privée du salarié et, d’autre part, l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, qui s’impose à l’employeur comme au salarié.

Or, dans cette affaire, l’intérêt de l’entreprise a primé sur cette liberté fondamentale du salarié.

Il est clair qu’une relation amoureuse en tant que telle ne peut pas être un motif de licenciement.

Cacher une relation amoureuse qui affecte le bon exercice des fonctions professionnelles est cependant risqué et peut signifier la fin d’une relation de travail.

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