Jackson Hole (Wyoming) où se tient une des plus anciennes conférences sur la politique économique des banques centrales au monde, l’«Economic Policy Symposium». Le théâtre chaque année d’annonces importantes impactant tout un chacun. (Photo: Shutterstock)

Jackson Hole (Wyoming) où se tient une des plus anciennes conférences sur la politique économique des banques centrales au monde, l’«Economic Policy Symposium». Le théâtre chaque année d’annonces importantes impactant tout un chacun. (Photo: Shutterstock)

Jusqu’où les banques centrales peuvent-elles remplacer les politiques? Où est leur légitimité? À l’heure où on leur demande de faire toujours plus et où on critique leur action dans la lutte contre l’inflation, elles auraient tout à gagner d’une onction démocratique qui leur fait cruellement défaut.

Combattre l’inflation en tuant la croissance. C’est une méthode…

C’est la méthode qu’entendent bien suivre les principales banques centrales du monde. En admettant, comme Jerome Powell, que cette politique causera des dégâts collatéraux.

Et c’est tout! Circulez, il n’y a rien à voir.

Rien à voir?

Chez les économistes, la pertinence d’une remontée des taux fait débat. Tout comme fait débat le fait de savoir si .

Du côté du monde politique, on s’émeut des conséquences de la remontée des taux sur l’activité économique et sur les effets sur le marché du crédit.

On s’émeut…

Si dans le monde diplomatique, la différence entre un pincement de nez et un froncement de sourcil est lourde de sens, pour l’opinion publique, cela ne veut rien dire. Juste le constat que le politique s’efface derrière les banquiers centraux.

On pourra argumenter, dans le cas de la Banque centrale européenne, que la mutualisation de la souveraineté en matière monétaire a conduit chaque pays participant à être plus souverain. C’est totalement contre-intuitif, mais cela se vérifie sur le terrain. Sans l’euro, les économies des pays membres auraient été mortellement touchées par les crises qui se succèdent depuis 2008.

Les origines de l’indépendance

Cette mutualisation des souverainetés monétaires s’est incarnée dans la Banque centrale européenne et repose sur son indépendance.

Selon le principe suivant: l’indépendance des banques centrales constitue le meilleur garant de la stabilité des prix qui constitue leur objectif principal. Ce principe s’est forgé sur le terrain dans les années 70 et a fait consensus chez les économistes comme chez les politiques.

Des politiques finalement peu rancuniers, car ce principe repose sur la crainte que face à chaque échéance électorale, ils ne fassent tourner la planche à billets pour faire rêver l’électeur…

Mais la donne a changé. Depuis 2008, la lutte contre l’inflation est apparue comme subsidiaire.

Face à l’impuissance budgétaire des politiques, les banques ont pris le relais pour préserver la stabilité du système financier et soutenir les économies. Et elles l’ont d’ailleurs tellement bien fait qu’on leur demande désormais de participer à la lutte contre le réchauffement climatique…

On savourera cependant l’ironie selon laquelle les banques centrales ont dû faire montre de trésors d’ingéniosité pour stimuler l’inflation pour lutter contre les menaces que faisait peser la déflation sur les économies. Des stimulations qui n’ont pas réussi à porter l’inflation au-delà de 2%… Et comment du coup ne pas sourire aujourd’hui face à l’impuissance qui les frappe pour l’instant à faire redescendre l’inflation sous la barre des 2%?

Le nécessaire contrôle

Mais maintenant que la situation les amène à prendre des décisions politiques, ne doivent-elles pas être soumises à un contrôle des citoyens. Ceux-là mêmes que Jerome Powell est prêt à sacrifier sur l’autel de la lutte contre l’inflation? D’autant qu’elles ne sont pas infaillibles…

Il ne s’agit pas de leur retirer leur indépendance. L’exemple de Liz Truss qui remettait en question l’indépendance de la Banque d’Angleterre au nom de son volontarisme politique règle ce débat pour quelques années. Sans la Banque d’Angleterre, les velléités politiques de l’ex-Première ministre auraient mis à genou l’économie anglaise. Et exit miss planche à billets…

On voit bien tout l’intérêt de préserver l’indépendance des banques centrales. Mais il apparaît désormais inévitable de les soumettre à un contrôle démocratique afin d’insuffler de la légitimité à l’action, faute de quoi, elles seront condamnées à échouer.

Comment? En repensant leurs liens avec le politique. En développant par exemple leurs liens avec les parlementaires européens.

En 2024 – demain donc –, on élira les députés européens. Voici un thème de campagne qu’ils seraient bien inspirés de s’approprier.

C’est cadeau.