Interview avec Vincent Galand,  Associate Partner chez EY Luxembourg (Crédit Photo: EY Luxembourg)

Interview avec Vincent Galand, Associate Partner chez EY Luxembourg (Crédit Photo: EY Luxembourg)

Dans le cadre de la nouvelle circulaire CSSF 20/753 sur l’ICAAP/ ILAAP établie habituellement par les banques au cours du premier trimestre de chaque exercice, Vincent Galand d’EY évoque les contraintes et les risques de cette réglementation, mais aussi certaines recommandations pertinentes pour faciliter son établissement.

À quoi correspondent les acronymes ICAAP/ILAAP?

Ce sont les abréviations de «Internal Capital» respectivement «Liquidity Adequacy Assessment Process», désignant l’exercice d’auto-évaluation par les banques de leurs risques financiers, afin de s’assurer qu’elles disposent d’assez de fonds propres et de liquidités pour la conduite de leurs activités. Le résultat en est transmis annuellement aux autorités compétentes (la CSSF, notamment) sous forme d’un rapport dûment validé par les organes de direction. À travers toute l’Union européenne, ces rapports font l’objet d’une revue attentive par les autorités en charge de la supervision prudentielle, qui en évaluent non seulement les résultats, mais aussi le caractère objectif et complet. Si le format et les méthodes à utiliser sont libres, le contenu est encadré par différents requis réglementaires, dont, à Luxembourg, principalement la nouvelle circulaire CSSF 20/753.

Pourquoi les autorités prudentielles accordent-elles une telle importance à cette auto-évaluation, alors qu’elles disposent déjà d’un grand nombre d’indicateurs précis?

D’une part, parce qu’il est admis que ces indicateurs prudentiels – aussi sophistiqués soient-ils – ne peuvent mesurer précisément tous les risques auxquels un établissement bancaire particulier pourrait devoir faire face. Nul autre que le banquier lui-même n’est en principe mieux placé pour en faire l’évaluation. La méthodologie de supervision s’appuie d’ailleurs sur cette auto-évaluation pour ajuster au cas par cas les ratios minimaux à observer en matière de capital et de liquidités.

D’autre part, l’exercice est considéré essentiel à une conduite éclairée de l’activité par le management, sous l’angle de la gouvernance interne et de l’aide à la décision. Le ‘P’ comme ‘Process’ dans les acronymes ICAAP/ILAAP confirme d’ailleurs que le régulateur bancaire exige davantage une veille méthodique et continue de l’état des risques et de leur évolution qu’un constat annuel élaboré. L’attention de la CSSF et de la Banque centrale européenne s’est d’ailleurs portée récemment davantage sur la bonne compréhension et l’utilisation de l’ICAAP/ILAAP, par l’ensemble des organes de direction, que sur le travail technique des experts qui y contribuent. Gérer une banque sans un ICAAP/ILAAP clair et fiable s’apparente à une navigation sans visibilité ni instruments.

Quelles sont les difficultés généralement rencontrées par les banques dans l’établissement de leur ICAAP/ILAAP?

La première difficulté est de s’assurer d’une identification exhaustive de tous les risques véritablement matériels, y compris les risques émergents liés aux activités nouvelles ou aux modifications de l’environnement dans lequel opère la banque. Le COVID offre un bon exemple. Outre les impacts économiques inhérents à la crise, chaque banque a dû rapidement adapter sa façon de travailler, que ce soit par le recours au travail à domicile ou l’utilisation accrue de la technologie dans ses relations avec sa clientèle, s’exposant ainsi à des risques nouveaux.

Un autre défi est d’arriver à une quantification pertinente et réaliste des conséquences de tous les risques mis sur la table, sans complaisance ni catastrophisme. Certains établissements sont intimidés par la transparence de l’ICAAP/ILAAP vis-à-vis de l’autorité, et parfois tentés de donner une image partielle ou embellie de la situation.

Enfin, il y a la charge de travail que représente l’exercice pour les experts internes, les contraignant souvent à se limiter à une mise à jour routinière, sans avoir la possibilité d’explorer suffisamment les ajustements éventuellement nécessaires à établir une évaluation objective et complète de l’ensemble des risques que la banque pourrait rencontrer.

Quelles sont les recommandations d’EY par rapport à ces défis, dans le contexte de la nouvelle circulaire CSSF 20/753?

Nous rappelons aux professionnels du secteur bancaire que leur ICAAP/ILAAP doit avant tout leur rester utile et pratique.  À ce titre, la transparence, l’exhaustivité et l’objectivité des constats servent d’abord les intérêts de la banque: on n’arrête pas la fièvre en bridant le thermomètre. Admettre être exposé à un risque important est le premier pas vers sa maîtrise.

Ensuite, l’ICAAP/ILAAP doit rester lisible et suffisamment facile à maintenir, afin de pouvoir informer régulièrement la direction et réellement l’aider à la prise de décision. Des indicateurs trop compliqués ou lents à rafraîchir aident rarement à la manœuvre, aussi pertinents soient-ils.

Enfin, cultiver un débat ouvert sur l’approche utilisée, tant en interne en invitant toutes les fonctions concernées à contribuer à l’évaluation des risques, en encourageant l’esprit critique et l’initiative, qu’en sollicitant régulièrement des avis externes et des revues indépendantes.

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