Thomas Dominique, directeur de l’IGSS, et Claude Haagen, ministre de la Sécurité sociale, ont présenté le bilan du système général des pensions.    (Photo: ministère de la Sécurité sociale)

Thomas Dominique, directeur de l’IGSS, et Claude Haagen, ministre de la Sécurité sociale, ont présenté le bilan du système général des pensions.    (Photo: ministère de la Sécurité sociale)

La différence entre le nombre de pensionnés et de travailleurs qui cotisent augmente, et cela va continuer dans les années à venir. Si le régime des pensions reste équilibré, le taux de cotisation permettant de couvrir les charges sans recourir à la réserve devrait dépasser les 24% (le taux actuel) en 2027. La réserve pourrait, quant à elle, s’épuiser d’ici 2045.

«Globalement, le régime général d’assurance pension se trouve dans une situation financière confortable et permet de faire face à des changements démographiques à moyen terme. Sur le long et le très long terme, les évolutions économique, financière et démographique devront cependant être surveillées de près.»

Telle est la conclusion du bilan technique du régime général d’assurance pension présenté par le ministère de la Sécurité sociale et l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS), ce mardi 26 avril. Ce bilan doit être effectué pour chaque période de couverture et sert de base à la détermination du taux de cotisation. Depuis la réforme de l’assurance pension du 1er janvier 2013, la période est passée de 7 à 10 ans. Celle en cours va jusqu’à fin 2022. L’IGSS s’est cependant basée sur les chiffres de l’année 2020, l’exercice comptable 2021 n’étant «pas encore clôturé».

461.345 assurés, 194.441 bénéficiaires

Résultat: le nombre de bénéficiaires a augmenté de 153.080 à 194.441 en sept ans (+27%). Plus vite que le nombre d’assurés, qui est passé de 374.925 en 2013 à 461.345 en 2020 (+23%). Ce qui a donné lieu à des recettes en hausse de 44% et des dépenses en hausse de 47%.

Le coefficient de charge, soit le rapport entre le nombre moyen de pensions et le nombre moyen d’affiliés à l’assurance pension, est passé à 42,1 pensions sur 100 assurés en 2020, en progression de 3%.

Le régime reste cependant excédentaire, assure l’IGSS. «La réserve accumulée génère également des recettes de placement qui contribuent à l’accroissement de cette même réserve.» Elle s’élevait à 23,8 milliards d’euros au 31 décembre 2020, soit 4,8 fois le niveau des prestations annuelles (le seuil minimal légal étant de 1,5 fois). Elle a augmenté de 88% sur la période 2013-2020. Pour un taux de rendement moyen (résultat de la comparaison entre son revenu net et l’évolution de son niveau) de 5,5%.

La «prime de répartition pure» a augmenté, de 21,56% à 22,05%. Elle indique le «taux de cotisation théorique permettant de couvrir les charges du régime général sans recourir à la réserve». Elle reste cependant sous le taux actuel, de 24%.

Une cotisation inchangée…

Inchangé depuis 1990, le taux de cotisation va-t-il augmenter pour faire face à de nouvelles dépenses? L’IGSS détaille, dans son rapport, ses projections pour 2020-2070. Elle prévoit que les dépenses pour les pensions continueront d’augmenter plus vite que les recettes en cotisations, à cause de l’évolution démographique. Le nombre projeté d’assurés devrait s’élever à 630.000 en 2070, pour 605.000 pensions. La réserve pourrait passer sous le seuil légal de 1,5 fois le montant des prestations annuelles en 2041, pour s’épuiser en 2047. Dans un scénario pessimiste, elle se viderait même en 2045.

Pas d’impact sur la prochaine période de couverture, donc, mais à plus long terme. Pour 2023-2032, le conseil de gouvernement a ainsi décidé de garder le taux de cotisation du régime général d’assurance pension à 24%. Qui ne devrait cependant plus suffire à couvrir les pensions sans puiser dans la réserve dès 2027, selon les prévisions de l’IGSS.

, CEO de la Chambre de commerce, alerte sur le risque d’une trop grande confiance des auteurs du rapport, sur lequel s’appuie l’État, dans les prévisions optimistes qu’ils envisagent, sans forcément être alarmistes. «Il y a d’autres scénarios possibles, et il faut agir avec la plus grande prudence et de manière concertée, avant d’être dos au mur. Le temps n’est pas encore aux mesures drastiques, comme avec l’indexation des salaires. Face à l’évolution inquiétante de l’inflation, rien n’est acquis. La soutenabilité du régime des pensions semble assurée à moyen terme, mais on sait déjà que la réserve sera complètement épuisée en 2045-2048.»

Si les rendements ont été élevés en 2019 et 2020 grâce à un environnement macroéconomique favorable, notamment grâce à des taux bas, selon Carlo Thelen, «les années qui arrivent seront bien différentes, car le contexte macroéconomique est très volatile, les taux remontent et l’inflation reste haute, ce qui crée une situation délicate et imprévisible». Il s’interroge également sur le taux de productivité moyen de 1,2% envisagé à l’horizon 2070, «est-il réaliste sachant qu’il a stagné au cours des 20 dernières années?», et sur la capacité de l’État à continuer à financer et à ajuster les pensions les plus élevées, «alors que les années de cotisation n’augmentent pas en conséquence».

«Le taux de répartition de 24% risque de devoir augmenter sous peu, ce qui ouvrira des discussions urgentes et animées sur le financement, sachant que les taux de sécurité sociale relativement bas sont un des seuls atouts de compétitivité qui subsistent pour nos entreprises face à la concurrence internationale. De manière générale, le niveau des dépenses des prestations augmente plus rapidement que les recettes. Ceci est inquiétant, notamment au regard du fait que le réservoir de frontaliers n’est pas inépuisable.»

… pour le moment

«L’évolution démographique est semblable à celle de nombreux autres pays, et la croissance de l’emploi ne pourra pas compenser cette évolution à l’infini», analyse, pour sa part,  (LSAP), ministre de la Sécurité sociale. Le gouvernement demande donc au Conseil économique et social (CES) de suggérer des pistes garantissant la pérennité financière du régime à long terme.

Questionnée à ce sujet lors de la présentation de son avis 2022, . D’autres pays, comme la France, ont opté pour un report de l’âge de départ à la retraite. Il est déjà fixé à 65 ans au Luxembourg. Une autre option pourrait être d’augmenter les cotisations. Aujourd’hui, 8% sont payés par le patron, 8% par le salarié et 8% par l’État.

Les données présentées par l’IGSS ne concernent que le régime général et ne couvrent pas les régimes spécifiques, comme dans la fonction publique. Les données relatives aux régimes spécifiques feront partie des nombreux chiffres qui doivent être communiqués ce mercredi 27 avril lors de la présentation du Programme national de réforme (PNR) et du Programme de stabilité et de croissance (PSC). Une obligation européenne qui vise à vérifier si les finances des États membres respectent ou respecteront les critères définis par Bruxelles.