«Désormais, un prélèvement de 20% sur les revenus et plus-values générés par un bien immobilier luxembourgeois détenu par le FIS est directement effectué», explique Jamal Afakir.  (Photo: Atoz)

«Désormais, un prélèvement de 20% sur les revenus et plus-values générés par un bien immobilier luxembourgeois détenu par le FIS est directement effectué», explique Jamal Afakir.  (Photo: Atoz)

Depuis 2021, le régime fiscal des FIS investissant dans l’immobilier au Luxembourg a été réformé. Si cette mesure corrige une injustice, ses effets devraient être limités. Elle ne constitue certainement pas une réponse à la hauteur des problématiques d’accès au logement que connaît le Luxembourg.

Fin 2020, le gouvernement adoptait une réforme relative à l’utilisation du régime fiscal applicable aux Fonds d’investissement spécialisés (FIS) dans le secteur immobilier au Luxembourg. Si ce dossier a fait couler beaucoup d’encre, quels effets cette réforme produit-elle à l’échelle du marché?

«Cette réforme a fait l’objet de nombreux débats pendant plusieurs années. Or, elle concerne une problématique qui est très limitée», commente Jamal Afakir, partner au sein du cabinet Atoz, spécialisé notamment dans le domaine immobilier. «Si bien que son impact sur les recettes fiscales générées devrait être marginal. Si l’on considère la problématique du point de vue de l’équité fiscale, elle a le mérite de corriger un dispositif qui aurait été, pour certains acteurs, une opportunité d’optimiser l’impôt généré sur le revenu de biens immobiliers.»

Afin de bien comprendre les enjeux inhérents à cette réforme de la fiscalité autour de l’utilisation du FIS pour investir dans l’immobilier, il convient de remettre les choses en perspective. Un fonds d’investissement spécialisé est un véhicule, comme son nom l’indique, permettant de collecter de l’épargne d’investisseurs pour l’investir dans divers actifs, et notamment des biens immobiliers. «Ce n’est pas un véhicule propre au Luxembourg. Dans la plupart des pays, on retrouve des structures équivalentes utilisées par les investisseurs», poursuit Jamal Afakir. «La réforme adoptée en 2020, en outre, ne ­s’applique pas à l’ensemble des FIS, mais uniquement à ceux qui investissent dans l’immobilier au Luxembourg, en ligne directe ou à travers une société transparente. Jusqu’à présent, la fiscalité sur ces véhicules se limitait à une taxe d’abonnement de 0,01% des actifs nets détenus par le fonds.» 

Les revenus d’un FIS ou d’autres véhicules ­d’investissement, au Luxembourg comme ailleurs, n’ont pas vocation à être imposés au niveau du fonds lui-même, mais au niveau de ses investisseurs.
Jamal Afakir

Jamal AfakirpartnerCabinet Atoz

À ce niveau non plus, il n’y a pas d’exception luxembourgeoise. La fiscalité sur les véhicules d’investissement, que ce soit au Luxembourg ou dans d’autres pays, se veut nulle ou quasi nulle. En la matière, l’impôt sur les plus-values réalisées par l’investisseur s’applique au moment du versement des dividendes ou de la cession des parts du fonds. «C’est la fiscalité du pays de résidence de l’investisseur qui s’applique alors. Ce principe permet en effet d’éviter une double imposition des investisseurs», précise Jamal ­Afakir. «Les revenus d’un FIS ou d’autres véhicules ­d’investissement, au Luxembourg comme ailleurs, n’ont pas vocation à être imposés au niveau du fonds lui-même, mais au niveau de ses investisseurs.»

À l’abri de l’impôt

Or, la réforme du FIS adopté au Luxembourg a introduit une imposition des revenus générés par des biens immobiliers luxembourgeois détenus au sein de tels véhicules. Dans un contexte de crise du logement, la possibilité offerte aux investisseurs de capitaliser à long terme au départ de tels véhicules a crispé une part des élus et de leurs électeurs. La réforme, principalement, entendait éviter que des acteurs, et notamment quelques familles et grands promoteurs luxembourgeois, spéculent sur l’immobilier au ­Luxembourg. En effet, certains acteurs ­pouvaient maintenir des actifs, comme des terrains et des biens immobiliers, dans un FIS, et même ­réinvestir les revenus qu’ils gèrent sans être à aucun moment imposés. 

Tant que l’investisseur ne ressentait pas le besoin de récupérer des liquidités, en se versant des dividendes ou en vendant des parts, l’impôt inhérent au revenu immobilier ne pouvait être perçu. «Désormais, un prélèvement de 20% sur les revenus et plus-values générés par un bien immobilier luxembourgeois détenu par le FIS est directement effectué», explique Jamal Afakir. 

Recettes marginales

Si les recettes fiscales engrangées restaient marginales, c’est que cette pratique spéculative était limitée. D’autre part, si certains avaient recours au FIS dans une optique de capitalisation exonérée d’impôt à long terme, il est probable qu’ils se soient réorganisés autrement pour éviter d’être exposés à ce nouveau régime fiscal. C’est notamment ce qui a motivé la dissolution du FIS Cluster détenu par les frères Giorgetti et quelques autres familles luxembourgeoises fin 2020. Il semble cependant que le nombre d’acteurs concernés soit très limité. 

La mesure est-elle de nature à nuire à ­l’attractivité de l’immobilier luxembourgeois à l’égard des investisseurs? À ce niveau aussi, ­l’impact devrait être minime, estime l’expert, et pas de nature à faire se détourner les investisseurs du Luxembourg. Cette réforme, comme précisé, est née d’un sentiment d’injustice, de la supposition que des investisseurs profitaient d’un tel outil pour spéculer sur l’immobilier luxembourgeois. Or, si l’on en croit les observateurs du marché, la plupart des investisseurs dans l’immobilier s’inscrivent dans une démarche de rendement sûr et récurrent plus que dans une approche de spéculation. 

D’autres réponses  à apporter à la crise

Le législateur, avec cette réforme, a donc voulu faire preuve d’équité, corrigeant une possibilité d’injustice fiscale avérée. Si l’objectif était d’apporter une réponse efficiente à la crise du logement, aux yeux de Jamal Afakir, il y avait sans doute d’autres mesures à envisager. «Cette réforme du FIS apparaît au final comme étant de nature très symbolique. Si elle a fortement cristallisé l’attention, elle ne constitue pas une réelle réponse à une crise du logement de plus en plus problématique au Luxembourg», commente l’associé.

Aujourd’hui, cette crise concerne l’ensemble de la population, aussi bien les résidents que les frontaliers, les travailleurs aisés et moins aisés, suscitant inquiétudes et frustration. Les discussions autour de la réforme du FIS s’apparentent, avec du recul, à une tempête dans un verre d’eau. La mesure, finalement, ne vient pas répondre concrètement aux problèmes d’accès au logement pour l’ensemble des catégories de travailleurs au Luxembourg. «Les autorités ne pourront pas se décharger éternellement de leurs responsabilités en la matière, et certainement pas avec ce genre de mesure», ajoute Jamal Afakir.

«L’État et les communes disposent pourtant du pouvoir de prendre des mesures plus structurelles autour de ces problématiques, notamment autour d’une plus grande densification du logement, pour minimiser l’impact du foncier sur le prix d’une unité de logement, ou en exigeant la création d’un plus grand nombre de logements sociaux.» 

Cet article a été rédigé pour paru le 23 février 2022 avec  Le contenu du supplément est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

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