Pour l’AGE (administration de la gestion de l’eau), «le risque “inondation” est le premier risque naturel au Luxembourg, tant par l’importance des dommages qu’il provoque que par le nombre des communes concernées». Selon les assureurs (ACA-12/2021), les dégâts lors des crues de mi-juillet 2021 ont dépassé les 120 millions d’euros, faisant de cette catastrophe «la plus coûteuse de l’histoire de l’assurance luxembourgeoise».
«Les inondations mènent à des dommages lorsque des biens ou des personnes sont affectés. (…) Le nombre de biens et d’activités situés dans des zones sujettes à inondations a fortement augmenté. Bâtiments de plus en plus élaborés, équipements haut de gamme et installations même dans les sous-sols et dans les étages inférieurs ont fait croître le potentiel de dégâts» explique l’AGE dans son «Guide pour les projets de construction à l’intérieur des zones inondables».
La question de la construction est en effet à appréhender avec réalisme. Car il y a des droits existants – si un projet est en zone potentiellement inondable, il doit être possible. Et le pays a besoin d’espaces aménagés (logement, zones économiques, services publics…). De quoi anticiper en cherchant des solutions praticables.
Depuis la transposition de la directive européenne 2007/60/CE «Inondations» en droit national en 2008, des mesures ont été prises pour améliorer la prévention, la protection et l’information (plan gestion des risques, cartes des zones inondables et du danger de crues subites, système d’alerte), selon les différents scénarios (HQ10 – crue décennale, inondation fréquente – HQ100 – événement rare, crue centennale – ou HQext – crue millénaire).
Prévoir, changer et convaincre
Guy Antony, ingénieur en chef – Eau et Assainissement chez Schroeder & Associés, explique: «l’AGE peut imposer des conditions pour construire ou aménager en zone inondable, des mesures pour éviter la perte de volume de rétention en scénario HQ100. L’objectif est notamment de ne pas aggraver la situation d’inondation pour des riverains».
Dans une planification avec vision globale (gérer les eaux de pluie, ralentir l’écoulement, calculer des bassins de rétention, renaturer des cours d’eau, végétaliser les espaces urbains), «notre rôle est de proposer des solutions adaptées à l’occupation des sols. Il faut convaincre et justifier les investissements, évalués sur un cycle complet. Ce qui paraît un peu plus cher aujourd’hui peut permettre d’éviter de coûteux dommages demain…».
Comment faire alors? «Construire sur pilotis ou sur vide sanitaire peut être une stratégie. Dans un quartier existant, on peut empêcher l’eau d’entrer dans un bâtiment, pour autant que la structure s’y prête et que son utilisation normale reste possible. Un changement de l’utilisation des parties affectées peut aussi contribuer à réduire les dommages».
S’orienter aux niveaux HQ extrêmes
«Depuis 30 ans, le Luxembourg connaît des crues de plus en plus fréquentes, sur tous les cours d’eaux. Et le changement climatique promet une augmentation de la cadence et de l’ampleur. Déjà, l’événement de juillet 2021 a été particulièrement intense sur la Sûre inférieure, dépassant les niveaux d’une crue centennale. Résultat, on a vu hall sportif et piscine à Echternach devenir inutilisables, une ancienne école hors service et la nouvelle tout juste non inondée grâce aux niveaux imposés par l’AGE, le hall polyvalent à Born condamné… »
Aller au-delà des conditions minima dictées par l’AGE? « Nous devons faire le plus possible pour protéger les futurs utilisateurs et éviter des dégâts importants. On peut s’orienter aux niveaux de HQ extrêmes, concevoir les bâtiments et alentours pour permettre leur utilisation même pendant la crue, sans qu’une évacuation soit nécessaire, ce qui implique que le fonctionnement des réseaux primaires – eau potable, électricité… – reste garanti; concevoir des locaux secondaires inondables de sorte qu’ils puissent être remis aisément en service ou encore privilégier des parkings à étages. Tout ceci demande une collaboration étroite entre les parties prenantes, pour obtenir des solutions viables à long terme et bien intégrées dans le tissu existant. Certaines communes autorisent déjà en zone inondable la réalisation d’un étage en plus pour compenser la “perte” d’un niveau en sous-sol. Et certains développeurs ont compris qu’un appartement avec vue sur rivière, sans risque de dégâts ou de non accessibilité en période de crue, c’est un argument de vente ».
Les experts proposent des pistes adaptables et des solutions praticables. Pour réfléchir, investir… et ne pas abandonner le terrain aux dégâts.
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