François Bausch, ministre de la Mobilité et des Travaux publics, défend le coût de construction de la future passerelle entre Belval et Esch-sur-Alzette. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

François Bausch, ministre de la Mobilité et des Travaux publics, défend le coût de construction de la future passerelle entre Belval et Esch-sur-Alzette. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

François Bausch (déi Gréng), le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, justifie le coût des transports en commun pour le contribuable et envisage quelques pistes pour financer à long terme la mobilité luxembourgeoise. Notamment en faisant davantage participer les entreprises.

Les transports en commun gratuits coûteront 800 millions d’euros en 2023. C’est bien cela le prix de la gratuité, et pas seulement les 41 millions que représentent les titres de transport qui ne sont plus vendus?

. – «, c’est le coût d’exploitation de l’ensemble des modes de transport de notre réseau de transport en commun. C’est-à-dire le tram, les bus RGTR et les chemins de fer pour l’année prochaine. Une somme entièrement payée par l’État. Lorsque l’on a décidé de la gratuité des transports en commun, en mars 2020, le taux de couverture de la vente des tickets au Luxembourg, 41 millions d’euros, était d’environ 8% du coût d’exploitation, qui devait osciller autour des 600 à 650 millions d’euros. Ce qui a facilité la décision concernant la gratuité définitive.

C’est un coût assez élevé, non?

«Je pense qu’il faut regarder cette gratuité avec une vue plus globale. Il faut considérer le gain qu’apporte un réseau de transport en commun urbain sur l’économie en général.

Lorsque les travaux en gare de Luxembourg et sur la ligne vers Bettembourg seront totalement terminés, d’ici à 2028, il y aura aux heures de pointe un train toutes les 7 minutes.
François Bausch

François Bauschministre de la Mobilité et des Travaux publics 

En Belgique, en 2021, la Fédération des entreprises belges a estimé le coût des embouteillages à près de 4,5 milliards d’euros, soit 1,03% du PIB annuel. Peut-on mettre nous aussi un chiffre sur le gain pour l’économie de pays grâce aux investissements en matière de mobilité?

«C’est effectivement la bonne manière de regarder les choses. Nous n’avons pas encore quantifié le gain de nos investissements dans la mobilité sur l’économie du Luxembourg. Mais cela se fera très prochainement avec la création d’un observatoire de la mobilité. Depuis trois ans, mon équipe mobilité travaille sur la mise en place de cet observatoire qui sera digital et en open data. Son rôle sera de récolter un grand nombre de données sur la mobilité, les mouvements ou encore les flux. Nous travaillons déjà avec Post pour que l’on puisse utiliser les données mobiles. J’espère qu’au printemps prochain, la loi sera votée dans le but d’avoir un observatoire de la mobilité opérationnel en 2024.

Revenons sur ce chiffre de 800 millions d’euros. C’est une enveloppe importante au sein du budget du ministère de la Mobilité et des Travaux publics. Devrait-elle rester stable, diminuer ou augmenter dans les années à venir?

«Ce budget sera en augmentation. Dans la loi de financement des CFL qui prendra effet en 2025 pour une durée de 15 ans, nous avons prévu des augmentations comme les indexations, mais également une augmentation de 5% des dépenses par an. Tout simplement, car nous avons prévu d’augmenter les capacités de service sur le rail et continuer à investir dans le matériel roulant. D’ailleurs, . Lorsque les travaux en gare de Luxembourg et sur la ligne vers Bettembourg seront totalement terminés, d’ici à 2028, il y aura aux heures de pointe un train toutes les 7 minutes. Ce sera donc une augmentation substantielle de la capacité.

Par rapport à l’année dernière, le budget a augmenté d’un peu plus de 100 millions d’euros en raison de l’augmentation des capacités et des cadences sur le réseau des transports en commun, tant sur le rail que sur le tram et les bus RGTR. Dans les années à venir, avec les extensions du tram, et la grande réorganisation du réseau RGTR que nous souhaitons faire dans le sud du pays, le budget des transports en commun sera donc en augmentation dans la mesure où nous avons un énorme programme de mobilité à l’horizon 2035.


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Aujourd’hui, cela coûte 800 millions d’euros, on peut donc penser que dans les années à venir, les transports en commun coûteront plus d’un milliard d’euros par an à l’État… Qui devra être le seul à assumer?

«Dans notre projet Modu (, ndlr), nous avons défini quatre acteurs faisant partie de la mobilité, à savoir: l’individu, l’État, les communes et les entreprises. Au cours de la prochaine législature, il faudra effectivement réfléchir à la fiscalité et à la responsabilité des entreprises en ce qui concerne le financement de la mobilité. Comme à l’introduction d’une taxe transport pour les entreprises. Similaire à ce qui existe en France où les entreprises sont soumises à une taxe très minime dont la recette sert uniquement au financement des transports en commun. C’est un modèle que je trouve intéressant, parmi d’autres modèles, qu’il faudra adapter au modèle luxembourgeois avec peut-être des seuils pour les petites entreprises de moins de 50 personnes. Cela passera évidemment par des discussions et des débats afin de créer un système de mobilité performant.

Est-ce que le Luxembourg a les moyens de ses ambitions en matière de mobilité alors que le gouvernement ne souhaite pas voir augmenter son endettement?

«C’est toujours une question de priorité politique. Quand on n’a plus les moyens financiers, il faut faire des choix. Mais si on commence à ne plus voir une priorité dans la mobilité, c’est une erreur fatale. Cela ira au détriment de l’attractivité du pays et de sa qualité de vie. Pour moi, il y a des domaines où on ne peut pas faire d’économies: la santé, l’éducation, la sécurité sociale, le logement et la mobilité. Rajoutons la culture qui est également un domaine important, mais nécessite un budget souvent moins conséquent. Faire des économies dans ces domaines, c’est finalement diriger le pays vers un déficit encore plus grand, car cela va impacter négativement l’économie du pays.

Je suis convaincu que le rendement de cette passerelle sera extraordinaire. Elle va connecter Esch-sur-Alzette à Belval où, pour le moment, la population n’a aucune possibilité de faire ce chemin à pied ou à vélo, à moins de prendre des risques.
François Bausch

François Bauschministre de la Mobilité et des Travaux publics 

Une pétition a été ouverte demandant le retour des transports en commun payants afin de garantir aux usagers le respect des horaires sur le réseau. Qu’en pensez-vous?

«Honnêtement, je ne comprends pas les arguments avancés dans . Même si demain je rends les transports en commun payants, cela ne changera rien à la ponctualité des différents transports. Les horaires de bus seront respectés lorsque nous aurons assez de couloirs de bus. lorsque les chantiers de modernisation seront terminés, qui vont permettre une augmentation de la capacité. Le tram est ponctuel. La qualité des transports en commun n’a rien à voir avec le manque à gagner de 41 millions d’euros provenant de la vente de tickets. En optant pour la gratuité, nous n’avons pas réduit l’offre de transport, au contraire. Nous sommes les champions du monde en matière d’investissement dans les transports en commun. Le problème est que l’on a attendu beaucoup trop longtemps pour le faire. Si nous avions réduit la qualité de notre réseau de transport, alors je pourrais comprendre que des personnes préfèrent payer pour une certaine qualité de transport. Mais nous avons fait l’inverse. 

Est-ce que le coût de certaines infrastructures n’est pas trop élevé? Prenons l’exemple de la future passerelle entre Belval et Esch-sur-Alzette, 47,5 millions d’euros, pour 1,9km de piste cyclable, dont une passerelle de 1,2 km, soit 25 millions d’euros le kilomètre…

«On ne pose jamais cette question lorsqu’il s’agit de la construction d’un pont pour des voitures individuelles. . Elle va connecter Esch-sur-Alzette à Belval où, pour le moment, la population n’a aucune possibilité de faire ce chemin à pied ou à vélo, à moins de prendre des risques. On a construit une université à Belval et les étudiants n’ont pas la possibilité de se rendre facilement à Esch-sur-Alzette. Cette passerelle sera un formidable atout pour le développement économique d’Esch et elle donnera encore une fois une très belle image du Luxembourg en matière d’architecture et de mobilité, comme pour  (le Footbridge Award dans la catégorie New Life, ndlr). D’ailleurs, le prix au mètre carré de cette passerelle est le double de celle qui reliera Belval et Esch (6,2 millions d’euros pour une longueur de 200 mètres, ndlr).»

En 2020, la gratuité des transports en commun avait attiré des médias du monde entier. Est-ce toujours le cas?

«Oui, et l’on me demande encore souvent d’intervenir pour parler du concept de mobilité luxembourgeois. Mais j’insiste toujours pour préciser qu’il s’agit d’un réseau de transport en commun urbain, car il ne pourrait pas être transposé sur l’ensemble d’un territoire comme la France ou l’Allemagne, où les distances sont parfois très grandes. Mais je pense qu’à l’échelle d’une grande agglomération comme Berlin, Francfort ou Paris, des villes avec les mêmes problématiques et spécificités que le Luxembourg qui est un grand espace urbain avec une densité de population importante et une forte attractivité, notre projet de mobilité devient un atout indéniable pour l’attractivité du pays.»