Selon Olivier Portenseigne, la blockchain réduit les coûts liés à la distribution des fonds.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Selon Olivier Portenseigne, la blockchain réduit les coûts liés à la distribution des fonds.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le modèle de distribution des fonds qui prévaut actuellement est archaïque et coûteux, nous dit Olivier Portenseigne, CEO de FundsDLT. En réponse, la technologie blockchain permet désormais de simplifier le processus, de rapprocher les acteurs, de réduire les frictions et les coûts. L’enjeu est de repenser l’approche pour que tout le monde soit gagnant.

FundsDLT entend simplifier la distribution des fonds d’investissement. En quoi le modèle actuel est-il problématique?

– «L’écosystème qui soutient la distribution des fonds est, il faut le reconnaître, archaïque, relativement inefficient, constitué de nombreux intermédiaires et intégrant une grande diversité de fonctions. Les tâches et opérations effectuées par les différents acteurs sont redondantes. L’ensemble se révèle, dès lors, coûteux. Entre le gestionnaire d’actifs et l’investisseur se trouve toute une série d’acteurs, comme la banque, le dépositaire central, l’agent de transfert… Chacun, au cœur de cette chaîne de valeur, doit composer avec des obligations, notamment en matière de réconciliation des informations, en veillant à se rémunérer pour le service qu’il preste. Souvent, le concepteur d’un produit financier n’entretient qu’un lien distant et surtout indirect avec son client. Les nouvelles technologies, la blockchain et d’autres solutions portées par les acteurs de la fintech, doivent contribuer à fluidifier les échanges, à accélérer le traitement des opérations tout au long de la chaîne de distribution et, in fine, à réduire les coûts.

Quels sont les principaux facteurs qui poussent à la transformation de ce vieux modèle?

«Avec les développements technologiques, le monde a changé à bien des égards. Aujourd’hui, chacun de nous s’attend à pouvoir profiter d’une expérience utilisateur qualitative, quel que soit le service proposé. Nous vivons à l’ère de l’instantanéité, nous souhaitons du “temps réel”. Enfin, et surtout, nous souhaitons en avoir pour notre argent. Or, la chaîne de distribution, comme elle est organisée actuellement, a tendance à manger la performance associée aux produits d’investissement proposés. Chaque acteur devant se rémunérer pour le service proposé grignote sur la valeur générée. Enfin, les acteurs opèrent au départ de systèmes qui étaient les plus récents… il y a 20 ans de cela. Non seulement la partie visible des utilisateurs, à savoir les interfaces front-end, n’est pas à la hauteur des attentes, mais les systèmes opérationnels, en arrière-plan, ne sont pas efficients.

En quoi l’amélioration de la distribution contribue-t-elle à soutenirle développement de l’industrie des fonds?

«C’est un enjeu-clé pour l’industrie et l’économie. Les fonds d’investissement ont un rôle capital à jouer au service d’un développement économique durable. L’un des défis, pour demain, est de parvenir à mobiliser plus facilement l’épargne des citoyens pour la mettre au service des défis qui nous occupent tous. À ce titre, il faut rendre les produits financiers beaucoup plus accessibles qu’ils ne le sont actuellement, et ce notamment en limitant les coûts inhérents à la distribution.


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Si les autorités européennes cherchent en effet à mobiliser l’épargne pour soutenir l’économie, et notamment la transition vers une société plus durable, n’est-ce pas la réglementation elle-même, en imposant un ensemble de fonctions, qui rend la distribution des fonds particulièrement lourde?

«S’il y a des frictions tout au long de la chaîne de valeur, je ne pense pas qu’il faille remettre en cause la réglementation. Celle-ci est là pour répondre à des enjeux de protection des investisseurs et pour lutter contre la fraude. Il ne s’agit pas de s’en affranchir, au contraire, mais de trouver les moyens de fluidifier et d’accélérer les processus en recourant aux possibilités offertes par la technologie.

Comment se positionne le modèle de FundsDLT dans cette perspective?

«Nous recourons à la technologie blockchain notamment pour réduire les points de friction et limiter la redondance des opérations tout au long de la chaîne de valeur. Au départ d’un registre distribué, considéré comme infalsifiable, l’ensemble des acteurs peuvent plus facilement partager une même information pour mener à bien les fonctions dont ils assument la responsabilité.

Comment le modèle fonctionne-t-il?

«La technologie blockchain permet de répondre à certaines obligations, une fois pour toutes et pour tous les acteurs de la chaîne. Les données relatives au client final, grâce à une combinaison de certains partenaires et des bases de données distribuées (et non plus blockchain), peuvent être partagées avec l’ensemble des acteurs et intermédiaires prenant part au processus de distribution. Les opérations de réconciliation sont communes à tous les acteurs. Cela évite à chacun de devoir mener ces opérations de son côté. On peut dès lors réduire considérablement la complexité liée à une démarche d’investissement. Cela n’est pas anodin. Récemment, dans le cadre du recrutement de jeunes universitaires, nous avons posé la question de leur intérêt à l’égard d’une démarche d’investissement. Lorsqu’on leur a demandé s’ils avaient déjà investi dans des fonds, beaucoup ont répondu négativement, soulignant que cela était trop complexe. Ces mêmes universitaires ont préféré investir dans les cryptos, plus directement accessibles.

La blockchain et les bases de données distribuées logées dans le cloud permettent à tous les acteurs d’accéder au même niveau d’information.
Olivier Portenseigne

Olivier PortenseigneCEOFundsDLT

Comment décririez-vous la proposition de valeur de votre plateforme?

«Tout d’abord, la blockchain permet un gain d’efficacité opérationnelle et contribue à la réduction des coûts. Surtout, elle permet de gagner beaucoup de temps. Plusieurs opérations peuvent être réalisées de manière simultanée, et plus uniquement les unes à la suite des autres. Au-delà de cela, le modèle permet d’envisager de nouveaux services, et ce grâce à une meilleure compréhension des attentes des clients par l’ensemble des acteurs. Avec une approche traditionnelle, comme nous l’évoquions, le gestionnaire d’actifs ne dispose pas d’une connaissance approfondie du client final. Souvent, il ne sait pas qui il est. La blockchain et les bases de données distribuées logées dans le cloud permettent à tous les acteurs d’accéder au même niveau d’information. Cela doit permettre au gestionnaire d’envisager la création de produits plus en phase avec les attentes de l’investisseur final, de pouvoir proposer des approches plus personnalisées. L’asset manager, grâce à la tokénisation des actifs au niveau de la blockchain, peut aussi envisager de nouveaux canaux de distribution, à travers des banques numériques ou des plateformes cryptos.

Certains intermédiaires, avec cette technologie, pourraient ne plus avoir de raison d’être?

«Nous ne prônons pas la désintermédiation. Nous pensons qu’au sein de la chaîne de valeur, chacun a un rôle à jouer, une expertise à faire valoir. Cependant, au regard des obligations auxquelles chacun doit répondre, les intermédiaires consacrent parfois beaucoup de temps à des choses pour lesquelles ils n’ont pas de valeur ajoutée. Un conseiller en investissement, proche de l’investisseur, aura toujours une raison d’être. Le temps qu’il ne passe pas sur des aspects administratifs, il peut le consacrer à l’écoute de ses clients.

En s’appuyant sur la blockchain, les possibilités qu’offre la technologie en matière d’automatisation ne risquent-elles pas de rendre certaines fonctions obsolètes?

«Certaines fonctions, au niveau du back-­office, pourront être entièrement automatisées grâce à la technologie. C’est évident. Mais c’est une bonne chose pour l’ensemble de l’industrie. À l’avenir, les acteurs n’auront plus qu’à gérer ce qui ne va pas, les exceptions qui pourraient survenir au cœur de la chaîne de distribution. Si certaines fonctions pourraient disparaître, de nouvelles opportunités vont aussi émerger dans l’objectif de mieux servir l’investisseur final.

La plateforme FundsDLT, demain, pourrait-elle devenir une infrastructure de distribution paneuropéenne?

«C’est l’ambition à long terme. Les perspectives, en outre, ne se limitent pas au marché européen. Il y a un intérêt pour la technologie qui émane notamment d’Asie. Toutefois, les défis sont nombreux. Actuellement, le marché européen est encore fragmenté, avec des divergences au niveau des réglementations entre pays qu’il nous faut pouvoir appréhender, en adaptant parfois la plateforme à certains marchés, mais le cœur reste identique. Nous sommes là pour soutenir le changement, accompagner les acteurs en créant des solutions nouvelles. Il s’agit de protéger l’investisseur, de réduire les coûts, d’améliorer les processus…»

Cette interview a été rédigée pour le supplément  de l’édition de  parue le 28 février 2023. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.

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