À nos lecteurs, nous avons décidé de republier l’interview d’un des pâtissiers les plus célèbres rencontré à l’occasion de l’ouverture de sa boutique à Luxembourg.
Le macaron est devenu votre gâteau emblématique. Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur cette pâtisserie?
Pierre Hermé. – «C’est un long cheminement sur un certain nombre d’années. Quand j’ai appris à faire le macaron, au milieu des années 1970, je n’aimais pas ce gâteau. Je ne le trouvais pas assez savoureux, trop sucré. Mais chemin faisant, j’ai commencé à faire des macarons pour moi-même. Pour leur donner plus de goût, j’y ai mis davantage de garniture, mais la moins sucrée possible, car la coque contient déjà du sucre qu’on ne peut pas retirer sans perdre les propriétés physiques du biscuit.
Aussi, à cette époque-là, il n’existait que des macarons au chocolat, à la vanille, au café ou à la framboise. Je me suis alors dit qu’il y avait d’autres parfums à travailler et que le macaron pourrait devenir un terrain d’exploration intéressant. J’ai commencé par interpréter les saveurs qu’on avait en pâtisserie. Par la suite, le cheminement inverse a eu lieu. Ce que je découvrais avec mes macarons se retrouvait dans mes pâtisseries. C’est aussi un produit qu’on peut facilement transporter, conserver et qui permet donc une diffusion aisée. En même temps, nous avons travaillé des emballages spécifiques qui permettent d’envisager le macaron comme un cadeau à offrir quand on est invité chez des gens.
Vous y avez donc vu un potentiel commercial, au-delà de la simple mignardise.
«J’ai imaginé un potentiel développement complémentaire à l’activité pâtisserie et chocolat que nous avions déjà.
Le Luxembourg a une histoire bien spécifique avec le macaron. Pouvez-vous nous l’expliquer?
«Oh que oui, et pas qu’un peu! J’ai fait beaucoup de recherches sur l’histoire du macaron et ce n’est que très tardivement, vers 2015 ou 2016, que j’ai découvert que le père du macaron tel qu’on le connaît aujourd’hui est en fait le Luxembourgeois Camille Studer (qui est aussi le fondateur de la Provençale et des supermarchés Cactus, ndlr). Il travaillait dans les années 1950 comme pâtissier chez Sprüngli à Zurich où il a proposé des macarons qui s’appelaient alors des Luxemburgerli. C’est en fait l’ancêtre de nos macarons, j’en suis désormais convaincu. Contrairement à ce que j’ai pu moi-même écrire au moment où j’étais consultant chez Ladurée et où je pensais que c’était Louis Ernest Ladurée qui avait eu l’idée du macaron. C’est Pit Oberweis qui m’a mis sur cette piste.
Car vous connaissez aussi la famille Oberweis depuis plusieurs années…
«Effectivement, j’ai habité à Luxembourg pendant un an, en 1995, quand j’étais chef pâtissier pour l’ouverture de l’hôtel InterContinental à Dommeldange (actuel DoubleTree by Hilton, ndlr). C’est à cette occasion que j’ai fait la connaissance de Pit Oberweis qui m’a aidé dans ce moment de ma carrière en m’indiquant des fournisseurs, où trouver du matériel… J’ai une grande reconnaissance et amitié pour lui, et je suis resté ami avec la famille Oberweis depuis. Jeff Oberweis, son fils, a travaillé avec moi chez Fauchon à Paris.
Qu’est-ce qu’un bon gâteau pour vous, Pierre Hermé?
«Un bon gâteau doit provoquer des émotions chez celui qui le mange. Le reste, c’est de la littérature. Je pourrais vous répondre: il doit être fait avec de bons ingrédients, il doit être frais… mais cela tombe sous le sens. Donner des émotions, c’est l’essence même de mon métier.
Comment sont composées vos collections de macarons?
«Dans la maison, vous avez les macarons que j’ai appelés «Infiniment»: Infiniment Pistache, Infiniment Chocolat, Infiniment Noisette… Et il y a les saveurs que j’ai créées au fil des années, comme Ispahan (à la rose, litchi et framboise, ndlr), Mogador (chocolat au lait et fruit de la passion, ndlr). Il y a aussi la collection Jardin et les dernières créations qui sont éphémères, comme feuille de tomate, ambre et caramel, velouté figue… Il y a toujours un équilibre entre les Infiniment, les saveurs fétiches de la maison, et les macarons créations et saisonniers.
Ces créations ont parfois des goûts très étonnants, comme le macaron à la feuille de tomate que vous venez de citer. Comment construisez-vous ces saveurs?
«C’est de l’ordre de l’intuition. L’idée de la feuille de tomate m’est venue dans les jardins de La Mamounia à Marrakech, où il y avait encore des plants de tomates. J’ai froissé une feuille dans ma main et cela m’a rappelé l’odeur d’une bougie parfumée créée par le fleuriste parisien Christian Tortu et que j’avais chez moi. J’ai cherché à reproduire le goût de cette feuille de tomate. Dans ce macaron, on a à la fois le côté végétal et le goût du fruit. De même, pour le macaron ambre et caramel: l’ambre vient de l’univers de la parfumerie, avec une odeur puissante et profonde, comme le caramel. D’où l’envie de les associer.
Travaillez-vous votre goût, comme un musicien ou un sportif doit régulièrement s’entraîner?
«Pour nous, c’est facile de s’entraîner, car on mange tous les jours. Je suis curieux et goûte beaucoup. Ce travail se fait de manière quotidienne et est aussi complété par un travail de recherche pour des saveurs spécifiques. En ce moment, par exemple, je travaille sur le goût du pain grillé. Et si on l’associe au praliné, cela donne encore une autre saveur.
C’est un exercice que je fais spontanément et qui correspond plus à un état d’esprit qu’à un entraînement. Les odeurs m’inspirent beaucoup aussi. Ce que peu de gens savent d’ailleurs, c’est que j’ai aussi créé 17 parfums pour L’Occitane. J’ai fait cela en parallèle de mon métier de pâtissier et j’ai trouvé ça très enrichissant, pour la connaissance des matières. Goût et odeur sont étroitement liés.
Envisagez-vous de créer un macaron qui serait plus spécifique au Luxembourg?
«C’est effectivement prévu. En général, quand nous ouvrons une nouvelle boutique, nous le faisons avec les collections existantes qui sont déjà riches. Puis en discutant avec l’équipe de la boutique et en m’appuyant sur mes connaissances du pays, nous allons certainement développer une nouvelle saveur.
Quelle place donnez-vous à l’aspect visuel dans vos pâtisseries?
«Vous savez qu’on dit qu’«on mange avec les yeux». Mais cela mérite une nuance. Le produit doit être appétissant, susciter l’envie d’être mangé. Quand on passe devant une pâtisserie, on n’achète pas tout de suite. On regarde d’abord. C’est donc important que nos produits soient soignés, appétissants, mais le plus important est qu’ils soient bons.
L’intérieur de vos boutiques est très travaillé également, ce qui a fait partie des éléments qui vous ont distingué de vos confrères.
«C’est effectivement quelque chose que j’ai travaillé dès les années 1997-1998 et qu’on a mis en place dans notre première boutique à Tokyo et à Paris, rue Bonaparte. Je voulais un seul niveau de pâtisserie en vitrine, et non pas deux ou trois comme on pouvait le voir parfois. Ce dispositif prend plus de place, mais il offre une meilleure lecture de l’offre. Et il faut de beaux matériaux. C’est entre autres pour cela qu’on a qualifié mon travail de «haute pâtisserie», complété par l’attention au service, au détail, de très beaux emballages et, bien entendu, la qualité des ingrédients pour une haute qualité de fabrication.
Quelles sont les caractéristiques incontournables d’une pâtisserie Pierre Hermé?
«Le goût. C’est banal, mais c’est cela.
Alors comment définiriez-vous le goût Pierre Hermé?
«Il n’y a pas une définition, mais des milliers. Le goût est toujours marqué, travaillé, réfléchi. Je suis à l’origine de tous les produits, donc tout ce qui sort de nos ateliers est à mon goût.
Pouvez-vous nous expliquer ce cheminement de création et de production?
«J’ai un atelier de création où l’on travaille avec 12 à 18 mois d’avance sur les différents thèmes annuels – Pâques, fête des Mères, Saint-Valentin... En parallèle, on travaille aussi sans objet précis. Et c’est souvent ce qui rapporte le plus. Dernièrement, on a travaillé sur un macaron qui reprend l’idée d’une tartine de pain avec du chocolat. Je l’ai fait à la demande d’une amie. Ce n’est pas un macaron que nous allons forcément commercialiser, mais en effectuant ce travail j’apprends de nouvelles choses. Car la demande est incongrue, inhabituelle. Ce travail m’aide à nous différencier de nos confrères.
Quand on travaille contraint par un calendrier, la production d’idées est souvent moins puissante que lorsqu’on travaille librement. C’est un travail qui se rapproche de la recherche fondamentale. Actuellement par exemple, on travaille sur des infusions par ultrasons avec un chercheur de l’université de Paris-Saclay. Par ce procédé, on obtient des infusions avec des goûts beaucoup plus justes et puissants, car il n’y a pas de déformation par la chaleur. Ces expériences prennent du temps avant d’arriver à un produit commercialisable, mais elles enrichissent notre patrimoine de savoir-faire, ce qui est très important.
Cela demande d’être toujours ouvert à d’autres disciplines, d’autres domaines…
«C’est notre travail. Depuis plus de 30 ans, je mène des dialogues avec des artistes, des artisans. C’est très enrichissant. À chaque fois, on produit des schémas différents. Cela m’enrichit personnellement, ainsi que le patrimoine de l’entreprise.
Comment se déroule la production une fois la création réalisée?
«Une fois que la recette est testée et validée, les chefs pâtissiers de l’équipe Recherche et Développement écrivent les recettes, geste par geste, avec les poids de tous les ingrédients, pour que celui qui va la reproduire ait un référent permanent. Puis l’équipe R&D assiste aux premières fabrications avec les chefs pâtissiers à l’atelier et les accompagne pour la mise en œuvre de ces recettes.
Vous avez des points de vente partout dans le monde. Où sont situés vos ateliers?
«On fabrique les macarons, les chocolats et les cakes à la manufacture de Wittenheim en Alsace pour le monde entier. Tout part de cette manufacture. Les macarons qui sont vendus à Luxembourg sont exactement les mêmes que ceux vendus à Paris. Pour la pâtisserie, c’est différent. Partout où nous vendons de la pâtisserie, nous avons un laboratoire. Nous en avons à Tokyo, Marrakech, Doha, Istanbul… Il y a alors un sourcing avec des produits importés pour certains et des produits locaux pour d’autres. J’ai une équipe de chefs qui accompagnent les chefs sur place. Par la suite, il y a une équipe qui les accompagne au quotidien.
La pâtisserie a-t-elle toujours été votre premier choix professionnel?
«Je suis né dedans. Je suis la quatrième génération de pâtissiers, et dès 9 ans, je savais que je voulais faire ce métier. J’avais un grand-père jardinier et un oncle architecte, deux disciplines que j’aimais aussi beaucoup, mais je préférais quand même la pâtisserie. L’architecture m’a toujours fasciné pour le fait de pouvoir imaginer des structures dans lesquelles les gens vont pouvoir vivre, se déplacer… Je parle souvent d’architecture du goût, mais cela n’a rien à voir avec la construction.
Vous avez écrit avec Linda Vongdara un livre intitulé Pâtisserie végétale aux Éditions Solar. C’est l’avenir de la pâtisserie?
«Dans le salé, aujourd’hui il n’y a plus un restaurant qui ne propose pas un plat végétarien. Si on me demande si c’est quelque chose qui va toucher la pâtisserie, oui, j’en suis persuadé. Mais il y a une condition à cela: que les gâteaux soient aussi bons et aussi beaux que n’importe quelle autre pâtisserie. C’est juste que cela fait appel à d’autres ingrédients, d’autres techniques parfois. Mais vous allez me dire: ‘Dans la brioche, je ne retrouve pas le goût du beurre…’ Oui, évidemment. Vous n’aurez pas le goût du beurre, mais il y a la texture de la brioche. Je trouve absurde de rechercher dans le végan la même chose que lorsqu’on fait une pâtisserie classique. Dans notre assortiment de pâtisseries, on propose toujours au moins une alternative de pâtisserie végétale et une pâtisserie gourmandise raisonnée.
Il est important de toujours chercher à se différencier.
Qu’est-ce qu’une pâtisserie gourmandise raisonnée?
«C’est une pâtisserie qui est plus faible en calories. Pour moi, ce sont des axes d’avenir. La plupart du temps, les gens résument le fait de faire une pâtisserie légère à mettre moins de sucre. Mais si on met moins de sucre, on met plus de gras… La pâtisserie raisonnée vise à réduire les glucides et les lipides. Aujourd’hui, on dispose d’une dizaine de recettes ‘gourmandise raisonnée’. Personne ne m’a demandé de le faire, mais c’est un angle de travail très intéressant.
Quand on est Pierre Hermé, à quoi ressemblent les journées?
«Il n’y a pas deux journées qui se ressemblent (rires).
Vous voyagez beaucoup?
«Oui, pas mal. Mais je reste quand même principalement à Paris.
Est-ce que vous vous imposez une certaine discipline dans votre emploi du temps?
«Oui, c’est nécessaire. J’ai toujours des moments préservés pour mes chefs. L’atelier de R&D est juste en dessous de mon bureau, donc les échanges sont très faciles et spontanés.
Êtes-vous plutôt enclin à travailler sept jours sur sept ou savez-vous vous préserver des moments où vous ne travaillez pas?
«En fait, j’ai l’impression de ne jamais travailler (rires). Car mon métier est une passion et je ne crois pas avoir besoin de faire d’effort pour travailler. Bien entendu, j’aime m’aménager des moments pour faire autre chose. Je m’intéresse à l’art contemporain, je suis un passionné de vins, j’aime aller au théâtre, à l’opéra, j’aime l’univers de la mode. Et surtout, j’ai beaucoup de copains, donc je prends du temps pour eux.
Comment faites-vous pour ne pas vous faire dépasser par vos confrères et concurrents?
«Dans le travail, il est important de toujours chercher à se différencier. Pour cela, il ne faut pas suivre les tendances, les modes. Je préfère les créer que les subir.
Vous êtes chef pâtissier, mais aussi chef d’entreprise: comment faites-vous pour garder l’équilibre entre les deux?
«En fait, j’ai créé cette entreprise pour faire ce métier comme j’ai envie de le faire. C’est ce qui m’a toujours guidé. Ce n’est pas la volonté d’entreprendre. J’ai organisé l’entreprise de manière à toujours avoir une connaissance de ce qui s’y passe, mais sans être au four et au moulin. Je préfère rester au four.
En 2021, après le confinement, la société Pierre Hermé a connu un nouvel élan avec l’arrivée de Walter Butler qui a racheté la majorité du capital que possédait LOG Investment. Vous avez gardé le reste des actions de la société. Qu’a apporté l’arrivée de ce nouvel associé?
«J’ai toujours eu un associé, dès le début, pour pouvoir rester concentré sur mon métier de pâtissier. Walter Butler et son équipe ont permis de continuer le développement de la maison en ouvrant de nouvelles boutiques en France, dans les centres-villes, mais aussi dans des boutiques de gares et d’aéroports. Nous travaillons aussi sur un développement international, avec des zones de prédilection qui sont le Moyen-Orient comme à Dubaï ou Abou Dhabi, l’Asie, hors Japon où nous sommes déjà, à Singapour, Jakarta.
Quand vous ouvrez à l’international, le faites-vous en propre ou avec des partenaires?
«En propre pour la France, le Japon, en Angleterre et à Hong Kong. Dans les autres pays, nous travaillons avec des partenaires locaux, comme c’est le cas pour Luxembourg.
Avec cette expansion qui est assez forte, n’avez-vous pas peur que trop de Pierre Hermé tue Pierre Hermé?
«Si je le pensais, j’arrêterais de continuer à développer! Ce qui est important avant tout, c’est d’avoir les hommes pour assurer ce développement.
Un bon gâteau doit provoquer des émotions chez celui qui le mange.
La rareté pour vous n’apporte pas de valeur?
«Demandez à Hermès ou à Dior si, pour eux, c’est intéressant…
Vous avez associé votre nom avec de grandes marques, comme Nespresso. Vous n’avez pas craint de perdre votre âme en acceptant cette association?
«Si on prend l’exemple du partenariat avec Nespresso, il a été très intéressant. J’ai une passion pour le café et c’est un métier que j’ai développé dans la maison. Je me suis demandé ce que je pourrais apporter à Nespresso. On a travaillé pendant près de trois ans sur la mise au point de trois cafés et je suis allé jusqu’au bout de la démarche. Je ne me suis pas contenté de signer des cafés: je suis allé avec eux en Colombie, on a travaillé sur la sélection des grains, la torréfaction, la mouture, et on a fait un café de pure origine qui est vraiment bon.
De leur côté, ils voulaient faire des cafés parfumés. Je leur ai proposé de travailler des cafés framboise et noisette. Au premier rendez-vous, je suis venu avec des noisettes du Piémont torréfiées et des framboises fraîches. Et je leur ai dit que tant qu’on n’aurait pas le goût de ces produits-là, on ne sortirait pas le café. Et nous y sommes parvenus. Ce qui compte quand on fait un partenariat avec une grosse marque comme Nespresso, c’est de faire un travail qui permette de proposer autre chose que de juste signer une collection.
En ce moment, on fait un partenariat avec La Poste pour sortir des timbres pour la Saint-Valentin, et les timbres vont être beaux et vont sentir bon, ils seront parfumés. J’ai fait aussi un partenariat avec la Monnaie de Paris qui a abouti à une pièce de monnaie à l’image d’un macaron. Et faire une pièce de monnaie en volume n’avait jamais été fait. Il a donc fallu complètement innover, ce qui nous a d’ailleurs valu un prix de l’innovation sur la monnaie aux États-Unis. Chaque nouveau partenariat est l’occasion d’expérimenter.
Comme dans toute vie, il y a des victoires… et des échecs. Quel est celui dont vous avez le plus appris?
«Je le connais bien celui-là! (rires) Quand on a créé l’entreprise avec Charles Znaty, on cherchait des fonds. Au bout de trois ans, on n’avait toujours rien trouvé. C’est les années 1997-2000, tout le monde créait des sites internet et ne comprenait pas le principe de notre pâtisserie.
À un moment donné, j’ai eu l’opportunité de nous associer avec Jean-Luc Delarue qui voulait créer un groupe dans l’univers de la restauration. On s’est associé pour ouvrir la boutique à Paris en 2001. Début 2002, on a fait l’émission Envoyé spécial, et dès le lendemain, on avait 50 mètres de queue devant la boutique. C’était un grand succès. Mais nos associés ont eu des soucis dans leurs affaires et n’ont pas investi comme promis. En plus, ils ont creusé notre dette, car on leur fournissait des pâtisseries pour leurs restaurants, marchandise qu’ils n’ont jamais payée. Cette situation nous a amenés à devoir déposer le bilan.
On était une trentaine d’employés dans la maison, avec des gens qui m’avaient suivi depuis Fauchon. Un matin, je me suis retrouvé devant eux, à devoir leur dire qu’on avait un problème et qu’on devait déposer le bilan. Mais aussi qu’on allait se battre et qu’on allait y arriver. C’était une situation vraiment difficile. J’ai dû expliquer la situation à tous nos fournisseurs. Là, vraiment, vous apprenez la vie. Heureusement, on s’en est sorti, on a remboursé nos dettes et on a pu continuer l’entreprise. Dans ces circonstances, avec un effet très factuel comme celui-là, vous apprenez beaucoup, je vous assure.
Vous êtes plus méfiant désormais dans vos associations?
«Oui, il faut l’être. Mais à l’époque, on n’avait pas d’autres solutions. Aujourd’hui, la mariée est bien plus belle, donc ça permet d’être plus rigoureux.
La question de la transmission, c’est un sujet qui vous occupe?
«Dans notre métier, c’est fondamental! Dans la maison on forme beaucoup d’apprentis. C’est un devoir.
Une école Pierre Hermé, ça vous dirait?
«On y réfléchit et y travaille. Pour le moment, je parraine l’Institut culinaire de France à Bordeaux pour lequel je travaille au comité pédagogique et sur le contenu de l’enseignement.
Quel est votre prochain défi professionnel?
«Cette transmission de goût par ultrasons m’intéresse beaucoup. Nous venons d’acquérir la machine. Nous l’avons vu faire à Saclay chez Raphaël Haumont, mais maintenant on va faire nos tests et essayer de trouver une autre méthode pour donner encore plus de goût à nos produits.»
La Maison Pierre Hermé
La Maison de Haute Pâtisserie imaginée par Pierre Hermé est fondée en 1997 avec Charles Znaty, qui est aujourd’hui encore président de la Maison. En 1998, la première boutique est ouverte, à Tokyo. Ce n’est qu’en 2001 qu’une pâtisserie est ouverte à Paris, au 72 rue Bonaparte à Saint-Germain. En 2016, Pierre Hermé est élu «meilleur pâtissier du monde» par l’Académie des World’s 50 Best Restaurants. Dans une démarche permanente de promotion du savoir-faire français, Pierre Hermé est membre de plusieurs associations, dont le Comité Colbert et les Relais Desserts. La Maison Pierre Hermé Paris est également partenaire des groupes Ritz-Carlton, Park Hyatt, La Mamounia, New Otani, Oetker Collection… Depuis décembre 2021, Butler Industries est actionnaire majoritaire de la Maison, après avoir racheté le capital détenu jusque-là par LOG Investment (holding de L’Occitane). Pierre Hermé possède le reste de la société. Elle compte plus de 70 points de vente, répartis dans douze pays, et un effectif de près de 600 collaborateurs.
La boutique à Luxembourg
La boutique Pierre Hermé Paris à Luxembourg se situe au 6 rue Aldringen. Y sont vendus bien évidemment des macarons, mais aussi des chocolats, cakes, glaces, confitures, thés. La franchise à Luxembourg est dirigée par Mattéo Cambou et emploie sept personnes. L’aménagement intérieur a été réalisé par l’architecte d’intérieur Laura Gonzalez.