Parmi les chantiers les plus marquants de Bétons Feidt: celui du tramway auquel il a participé et qui passe désormais à Howald, juste devant le site de l’entreprise.  (Photo: Maëlle Hamma/Paperjam)

Parmi les chantiers les plus marquants de Bétons Feidt: celui du tramway auquel il a participé et qui passe désormais à Howald, juste devant le site de l’entreprise.  (Photo: Maëlle Hamma/Paperjam)

Entreprise familiale de plus de 50 ans qui produit et exploite un matériau utilisé depuis encore bien plus longtemps, Bétons Feidt veut avancer avec son temps. Son CEO, Ferd Feidt, de la deuxième génération, mise sur l’économie circulaire, l’optimisation des ressources et l’ouverture à de nouveaux systèmes de construction. «Nous devons revoir nos standards», insiste-t-il. 

«Tous les 20 kilomètres environ, vous trouverez une centrale à béton Bétons Feidt.» Pour le CEO, Ferd Feidt, l’entreprise familiale née au Luxembourg dans les années 1950 sous le nom Feidt Frères a su faire de certains défis sa force. La clé de la longévité et du succès. Reconnaissable à ses engins bleus et blancs, l’entreprise a officiellement vu le jour en 1969, et est aujourd’hui implantée dans trois pays, dans lesquels sont répartis 14 sites. Un maillage territorial nécessaire lorsque l’on sait que le béton prêt à l’emploi doit être utilisé dans les 90 minutes qui suivent sa fabrication. Bétons Feidt en a justement fait sa force. «Nous avons globalement deux grandes activités: le béton prêt à l’emploi et la préfabrication. Pour le béton prêt à l’emploi, la proximité aux chantiers est un facteur très important. Nous avons donc toujours veillé à avoir un réseau, un peu comme les stations essence», sourit Ferd Feidt, qui emploie 381 salariés dans les trois pays. 

Elle s’approvisionne même en cailloux à travers une autre entreprise de son groupe, Carrières Feidt, déployée sur deux sites. «Cette proximité est un facteur qui joue très fortement dans notre métier. Et c’est d’ailleurs ce qui fait notre force: parvenir à travailler en respectant les normes et les standards de chaque pays».

Autre point fort de l’entreprise: sa capacité à être présente dans les différents champs d’application du béton, autant pour bâtir des ponts que des immeubles. «Aujourd’hui, nous travaillons sur les aspects de durabilité», précise le patron. 

Des nouveaux ciments et bétons hybrides

«Cela passe en premier lieu par une diminution du clinker dans le ciment qui génère une quantité de CO2 très conséquente, avec un impact de 7 à 8 % sur les émissions globales de CO2 dans le monde. Mais il faut aussi se rendre à l’évidence que le béton reste très important dans le développement de nos sociétés. Ce sont des efforts que doivent faire les cimentiers et les bétonniers», insiste Ferd Feidt.  

Le Luxembourg dispose tout de même d’une petite longueur d’avance en la matière. «Nous, ici, nous avons la tradition d’utiliser du laitier», glisse le CEO. Il s’agit d’une autre matière première utilisée dans la fabrication des ciments, constituée de silicates de calcium et de magnésium vitrifiés obtenus par refroidissement rapide du laitier fondu qui est séparé lors de l’élaboration de fonte dans un haut fourneau. «Le laitier est moins énergivore», ajoute-t-il. Bétons Feidt a ainsi recours à un nouveau ciment, produit par la Cimenterie d’Esch, «dont l’émission de CO2 est dimunuée de deux tiers. La partie restante des émissions devra être éliminée grâce à des systèmes de capture ou la compensation par des certificats offset».

Il cite aussi les bétons réalisés à base de copeaux ou de miscanthus (herbe à éléphant) comme des alternatives intéressantes. Des modèles innovants que l’entreprise s’attache à développer de la façon la plus poussée possible. «Nous nous positionnons également sur des modèles hybrides, nous avons embauché du personnel pour développer des concepts nouveaux basés sur le BIM (building information modeling ndlr).» 

Pour construire plus durable, Ferd Feidt mise aussi sur le recyclage du béton et l’économie circulaire. «La cour du Lycée Michel-Lucius construite avec des agrégats émanant à 100 % d’une ancienne aile de l’école en est un bon exemple. Mais pour que cela soit possible, cette logique circulaire doit débuter dès la phase de conception, en prévoyant déjà quels matériaux seront utilisés et pourront être repris et réutilisés.» Selon lui, cette logique pourra et devra même s’appliquer à de nombreux chantiers. 

Mais construire plus vert signifie-t-il construire plus cher? Pas forcément selon Ferd Feidt. «Le recyclage de béton est aussi un processus qui demande beaucoup de ressources: il faut démolir, puis trier les matériaux de façon très précise, avant de pouvoir refaire du béton. Alors oui le béton recyclé a un surcoût, mais je crois qu’il est absolument surmontable, et il ne doit pas nous faire perdre de vue l’importance de ce défi pour notre futur», plaide celui selon qui il n’est pas vraiment possible de se passer entièrement du béton, «ne serait-ce que pour des raisons de sécurité incendie par exemple». Pour pouvoir développer son activité de recyclage, Bétons Feidt a prévu de déménager à Cessange (*). 

Aussi liée à la durabilité, la réduction du CO2 dans le transport du béton est aussi un point d’attention pour l’entreprise. «Nous transportons d’énormes quantités. L’électrification du parc mobile est un grand sujet pour nous. Nous étions les premiers à avoir les prototypes des toutes premières toupies électriques Liebherr en Europe. Une belle innovation. L’hydrogène pourra aussi être une solution. Mais selon moi, l’avenir résidera dans des systèmes combinés et optimisés. Toutes ces questions se poseront de toute façon dans le cadre de la directive CSRD qui obligera les sociétés à faire leur audit écologique et à trouver des solutions», pense le patron de Bétons Feidt. 

Une baisse de 40 % du volume produit

Autant de défis, sur le plan de la durabilité, que Bétons Feidt doit conjuguer avec les spécificités du marché luxembourgeois. «Si à l’avenir nous devons accueillir un million d’habitants, il faudra les loger, et réaliser les infrastructures nécessaires. Le tramway, qui a été un chantier très important pour nous, est un des changements conséquents dans notre vie urbaine de tous les jours.» 

Bétons Feidt compte six sites au Luxembourg, dont celui d’Howald, dont l’entreprise espère déménager dans les prochaines années.  (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

Bétons Feidt compte six sites au Luxembourg, dont celui d’Howald, dont l’entreprise espère déménager dans les prochaines années.  (Photo: Maëlle Hamma/Maison Moderne)

Un autre enjeu sera celui de la main-d’œuvre, notamment «lorsque toute la génération des «baby-boomers”  Portugais partira en retraite et que 30 % des effectifs dans le bâtiment seront perdus». L’entreprise est en effet intimement liée au secteur de la construction, duquel elle ressent les fluctuations de l’activité, avec un impact négatif de l’ordre de 40 % sur les volumes produits. Mais «cette crise offre aussi de nouvelles chances de faire mieux, de se repositionner. Face au défi de la main-d’œuvre, je suis persuadé qu’on s’orientera de plus en plus vers des systèmes préfabriqués, usinés, puis assemblés sur le chantier. Ce qui permettra d’avoir des systèmes de plus en plus performants, prédéfinis et détaillés», entrevoit-il. Un atout pour construire plus vite, et de façon plus flexible. 

«Au Luxembourg, nous sommes sur un marché de forte concentration. On peut tout à fait comparer le pays à Dubaï, dans ses années fastes. Nous faisons ainsi partie des plus grands consommateurs de béton par habitant, qui est le deuxième matériau le plus utilisé dans le monde après l’eau», rappelle Ferd Feidt. 

«Nous devons revoir nos standards»

Mais pour le CEO de Bétons Feidt, ces innovations ne suffiront pas à elles seules. «Ce qu’il faut pour le futur, c’est utiliser le béton d’une manière plus intelligente, plus optimisée. De façon à diminuer la consommation de béton de l’ordre de 30 %. Pour cela, il faut aller vers des structures plus complexes, avec des bétons de plus haute performance. On a déjà vu des chantiers qui sont dans cette démarche, comme celui de la Bibliothèque nationale», illustre Ferd Feidt. Cet architecte de formation plaide pour un nouvel élan dans la conception, «une conception qui doit être faite de manière plus intelligente, au niveau du building information modeling (Bim), selon les besoins spécifiques de ceux qui occuperont le bâtiment, défend-il. Selon lui, l’arrivée dans le secteur des nouvelles générations va contribuer à un changement de paradigme en matière d’optimisation des bâtiments, et surtout des tailles des surfaces. 

«Nous aurons toujours pour obligation de construire des toits au-dessus de la tête des gens. Et ça, pour le moment, ce n’est pas assuré… Nous devons aujourd’hui revoir nos standards, notamment la taille des appartements. Les logements prennent trop de surface. Nous devons adapter nos concepts urbains aux besoins nouveaux. Ce processus prendra du temps et nous devons être à même de proposer un logement à des prix abordables à toute personne qui aura choisi de venir travailler au Luxembourg.»

(*) Dans un second article qui paraîtra ce mardi 29 octobre, le CEO de Bétons Feidt évoquera une autre ambition de l’entreprise: déménager, pour développer l’activité recyclage. Une relocalisation à Cessange, qui peine à se concrétiser…