À l’image du football, le recrutement est tout sauf une science exacte. Le parallèle a tout pour plaire à Tun Di Bari, et grand amateur de ballon rond. Comparaison, surtout, convoquant le souvenir de sa toute première rencontre avec Christelle Noel, sa cheffe de projet marketing et RH. C’était il y a six ans. Et c’est une chouette histoire.
Anthropologue de formation, celle qui n’était pas encore l’une de ses plus précieuses collaboratrices l’avait sollicité, sans le connaître, sans savoir quel professionnel il était, en vue d’un entretien dans le cadre d’une étude menée pour le compte de la Chambre de commerce. «Timée» pour une durée de 45 minutes, l’interview s’étirera durant deux heures pleines finalement. À un moment, Tun Di Bari, interloqué, souffle à son hôte: «J’aurais besoin de quelqu’un comme vous.» Elle le rappellera, après quelques jours. Histoire de savoir s’il était sérieux. Il l’était. Contrat paraphé, Christelle Noel a gagné les rangs de l’actuel quatrième employeur luxembourgeois quelques semaines semaines plus tard.
Des métiers propices au turnover
Des histoires de recrutement pareilles, cela n’arrive certes pas tous les quatre jeudis. Il n’empêche… Avec 2.585 embauches effectuées en 2023, sur un total d’environ 4.700 salariés, en hausse de pratiquement 250 unités par rapport à l’année précédente, Dussmann est passé maître dans l’art d’attirer les bonnes compétences. Au bon endroit.
Une nécessité, compte tenu de l’activité même des quatre entités installées au Grand-Duché par le géant allemand Dussmann Group, aux 66.000 collaborateurs à travers le monde: Dussmann Service (nettoyage), Dussmann Security, Dussmann Catering et Dussmann Lavador (blanchisserie). Autant de métiers propices au turnover, compte tenu des profils qu’ils réclament et de ce qu’il faut bien appeler… l’air du temps. Soit un mélange d’absentéisme en flèche – comme l’a souligné le dernier rapport de l’Inspection générale de la Sécurité sociale (IGSS) – et de recherche d’une work-life balance toujours plus avantageuse.
Beaucoup moins de personnes qu’avant viennent se présenter spontanément.
«C’est un challenge, oui. Beaucoup moins de personnes qu’avant viennent se présenter spontanément, le recrutement se fait plus difficilement. Heureusement, nous avons bonne réputation. Dussmann est présent au Luxembourg depuis plus de 45 ans et incarne une entreprise où le facteur humain compte énormément, nous essayons de répondre aux besoins et aux attentes de nos collaborateurs. Actuellement, nous avons deux conventions collectives, une troisième sera finalisée courant 2024, nous sommes au-delà du salaire minimum, il y a des jours de congé en plus, une prime d’ancienneté et une prime d’assiduité… Dans les métiers de la sécurité, il y a un 13e mois. Qui le sait? Le dialogue social est primordial, chacun a conscience qu’à tout moment il peut venir me voir, il n’y a pas d’antichambre», pose Tun Di Bari depuis son bureau au troisième étage du siège social de la société, à Contern.
Assidu d’entre les assidus, lui-même affiche 27 années de fidélité à Dussmann au Luxembourg. Ses prédécesseurs, Jean-Paul Neu et Angelo Rossi, avaient respectivement atteint la barre des 34 et des 40 ans. «Et lors de chaque fête organisée en fin d’année, on attribue un certificat de longévité à partir de 15 ans, assorti d’un cadeau, à plus d’une centaine de collaborateurs», mentionne le CEO. «Il y a un vivier de salariés sur lesquels on peut compter. Certains d’entre eux prennent leur pension chez nous. On se réjouit, et on est fiers de cela. C’est pour nous un indicateur clé de notre positionnement en tant qu’‘employer of choice’.»
Longévité et vivier
Un autre vivier intéresse cependant Dussmann. Au plus haut point. Et celui-ci n’a encore jamais glissé un orteil dans les couloirs de la société. Il s’agit du pool de candidats à l’embauche au sein duquel la cellule de recrutement luxembourgeoise des entités locales «pioche» avec confiance au gré des aléas et des nécessités.
Cinq collaborateurs s’y consacrent, qu’appuie un outil informatique développé par un prestataire et déployé après la parenthèse Covid de 2020, durant laquelle l’équipement était en phase de test. «Cet outil sert à la fois à recueillir des candidatures et comme tableau de bord en interne pour gérer les dossiers reçus», indique Christelle Noel. Du sur-mesure. «On a tout tablé sur nos véritables besoins», résume-t-elle.
Dans les faits, c’est assez simple. Et surtout très fluide. Deux options se présentent aux candidats à l’embauche: s’enregistrer sur les bornes attenantes au bureau du personnel, à Contern, ou via le site internet de Dussmann à Luxembourg, récemment toiletté afin de répondre au mieux aux spécificités locales. «Où la personne souhaite-t-elle travailler? Où est-elle localisée? Jusqu’où est-elle prête à se déplacer? Est-elle véhiculée? À quelles heures peut-elle travailler? Quels jours? A-t-elle de l’expérience? En fonction des réponses, on constitue un vivier de personnes directement ‘contactables’, pour des métiers très précis. L’outil opère une sélection en fonction de nos besoins», développe la cheffe de projet marketing et RH.

Christelle Noel lors de sa participation à un récent 10x6. La cheffe de projet marketing et RH reçoit en moyenne plus de 700 candidatures chaque semaine. (Photos: Marie Russillo/Maison Moderne)
Au nombre moyen de 720 chaque semaine, les candidatures réceptionnées sont conservées trois mois sur les serveurs (ou pendant 6 mois, si le candidat consent à cette possibilité), avant d’être «anonymisées». À l’issue de ce délai, il est toutefois possible d’effectuer une nouvelle inscription. Quand un dossier coche toutes les cases, il est rapatrié dans le fameux «vivier» au sein duquel Dussmann sait pouvoir trouver son bonheur. Et celui de ses clients. «Toute personne susceptible de nous rejoindre est vue et reçue. Pour celles qui ne sont pas retenues, un courrier est adressé. C’est la moindre des choses. L’humain est notre capital», insiste le CEO Tun Di Bari.
«Des pics incroyables d’embauches»
Chez Dussmann, le recrutement obéit à une régulière saisonnalité expliquant ce haut taux de recrutement. Pour synthétiser, et sans surprise, Noël et les vacances d’été constituent les deux intervalles dans l’année où les effectifs évoluent dans les proportions les plus élevées. «Des pics incroyables d’embauches de courte durée», souligne Christelle Noel. «Mais ce sont des remplacements bénéfiques, car ils permettent de faire de la prospection, en repérant les talents en mesure d’intégrer notre vivier», complète Tun Di Bari. L’onboarding forme une étape décisive. Et ce d’autant plus que «se tromper dans un recrutement, cela a un coût», rappelle le CEO. CQFD.
Nous n’avons aucune culture du CDD.
En 2023, Dussmann a signé 1.129 contrats à durée indéterminée sur les 2.585 embauches bouclées. Le reste se distribue entre CDD et environ 200 jeunes accueillis dans le cadre de leurs études. «Pour autant, nous n’avons aucune culture du CDD», précise Tun Di Bari. «Nous n’y avons recours que pour des remplacements ponctuels. Parce que nos collaborateurs doivent pouvoir compter sur un engagement ferme leur offrant une plus grande sécurité et stabilité.»
Quoi qu’il en soit, la stratégie de recrutement s’est éloignée des standards d’antan. Oubliées, les petites annonces, sur le print ou online. En communiquant via ses canaux internes et l’application propre aux salariés, MyDussmann, Dussmann mise d’abord – et avant tout – sur le premier réseau social d’entre tous: le bouche-à-oreille. «Faites le calcul: 4.700 collaborateurs, multiplié par cinq ou dix. C’est une force sur laquelle on s’appuie. Nos salariés sont nos ambassadeurs. Si vous êtes bien dans une entreprise, vous êtes plus enclins à en faire la promotion», conclut Tun Di Bari. En foot, cela porte un nom: on appelle ça l’esprit d’équipe.