Isabelle Weill met à profit son expérience du recrutement dans le secteur des médias, dans lequel elle a longtemps été active en France. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Isabelle Weill met à profit son expérience du recrutement dans le secteur des médias, dans lequel elle a longtemps été active en France. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Isabelle Weill dirige la branche luxembourgeoise du cabinet de recrutement Hunteed, dont la promesse est de faire matcher candidats et employeurs par l’intermédiaire de la technologie et des consultants en recrutement.

Qu’est-ce qui vous a motivé à investir du temps et de l’argent dans ce challenge?

 «J’ai toujours fait du recrutement lors de mes fonctions précédentes dans le secteur des médias dans lequel j’ai été longtemps active. Cette expérience m’a permis de prendre conscience d’à quel point la valeur d’une entreprise est fonction de ses collaboratrices et de ses collaborateurs.

Le capital humain, un terme qui n’est pas galvaudé?

«Il est d’autant plus vérifiable en cas d’erreur de casting. Un mauvais recrutement peut coûter très cher.

Pourquoi avez-vous été convaincue par Hunteed?

«Une de mes amies, Sylvie Fleury, venait de quitter Meetic et voulait proposer une nouvelle approche dans le recrutement autour d’une vision: le recrutement, c’est du matching. Hunteed a été fondée en 2016 grâce à un tour de table composé de proches. Avec nos ambitions actuelles rimant avec expansion européenne, nous allons lever des fonds dans les prochains mois.

Ce «matching» dans le domaine du recrutement se passe entre le candidat et l’entreprise par l’intermédiaire de la plateforme et du consultant en recrutement. Quelle est la répartition des rôles?

«Notre promesse est de raccourcir les délais de recrutement grâce à notre technologie qui permet de faire matcher les profils aux attentes des entreprises. Celles-ci nous font part de leurs offres sur notre plateforme, en s’inscrivant tout simplement. Elle s’engage uniquement à payer au succès. Les consultants en recrutement, eux aussi inscrits sur Hunteed, sans paiement, soumettent quant à eux des profils qu’ils ont préqualifiés grâce à un entretien. Hunteed permet donc aux responsables des ressources humaines et aux consultants en recrutement de se concentrer sur les entretiens avec les candidats, leur valeur ajoutée. Grâce à la technologie, les entreprises élargissent leurs sources potentielles de recrutement et les consultants leurs possibilités de remporter des missions.

Comment vous rémunérez-vous?

«Nous pratiquons une commission équivalente à 18% du salaire brut annuel sous condition que le candidat reste au moins un mois et 20% pour trois mois. Nous la partageons à 50% avec les consultants en recrutement.

Un mauvais recrutement peut coûter très cher.
Isabelle Weill

Isabelle Weill

L’algorithme est donc le cœur du réacteur. Comment est-il développé et alimenté?

«Nous l’avons développé en interne et il est alimenté par plus de 30.000 CV anonymes – les données des candidats restent dans les mains des consultants en recrutement – qui ont circulé via la plateforme depuis sa création. Ces CV nous permettent d’affiner au fur et à mesure les mots clés et les critères de recherche en fonction des métiers et des profils, un atout supplémentaire pour les PME qui ont parfois des difficultés à bien définir leurs besoins.

Pourriez-vous vous passer des consultants en recrutement?

«Non, car nous ne voulons pas devenir un ‘job board’ supplémentaire. Quand les entreprises reçoivent un CV, elles ont la garantie qu’il a été traité par le consultant en recrutement et que la définition de l’offre a été affinée grâce à notre technologie. J’ajoute que les interactions interpersonnelles sont primordiales pour faire aboutir les recrutements au plus vite et au mieux.

Visez-vous certains profils de candidats ou de postes?

«Nous sommes sur un marché de volumes. Nous ne nous limitons pas à un certain type de profil. Nous recrutons pour le compte de nos clients aussi bien dans le médical, l’éducation, la finance, que des chaudronniers ou des bouchers!

Les entreprises qui ne présentent pas de diversité en leur sein ont tendance à se scléroser et ne progressent pas ou plus.
Isabelle Weill

Isabelle Weill

Comment les plateformes comme les vôtres peuvent-elles contribuer à une meilleure diversité en entreprise?

«Le recrutement permet d’agir à la base de la diversité en entreprise. Notre plateforme et le travail des consultants en recrutement aboutissent à repérer des profils et des talents aux origines, parcours et compétences variés. Ils ne sont pas issus, du même moule. Loin de là. La diversité va bien entendu au-delà des genres et concerne les origines culturelles et de profils dans leur ensemble. Je remarque d’une part que les plus belles réussites en recrutement sont réalisées lorsque l’on prend le pari d’embaucher un candidat en qui on décèle un potentiel, et ce même si la personne ne connaît pas forcément le secteur de l’entreprise. Les entreprises qui ne présentent pas de diversité en leur sein ont tendance à se scléroser et ne progressent pas, ou plus.

Quels sont les premiers retours en local sur votre proposition de services?

«Je remarque que l’ouverture d’esprit propre à l’écosystème économique du pays se vérifie. Notre modèle reçoit une oreille attentive de la part de nombreux décideurs. Le fait que le pays se trouve au carrefour de la France, de l’Allemagne et de la Belgique entraîne, par exemple, l’intérêt de consultants belges et des entreprises actives sur le Luxembourg et la Belgique. Notre plateforme a par ailleurs une vocation multilingue pour couvrir des marchés comme le Luxembourg ou la Suisse.


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Comment vendre le Grand-Duché pour convaincre un candidat de s’y établir?

«Le Luxembourg est riche de nombreux atouts, encore faut-il les faire connaître. La qualité de vie, l’offre culturelle, son caractère naturel et international peuvent convaincre des talents de s’y établir.

Reste l’enjeu du logement…

«Les prix sont certes élevés, mais au même niveau que la région parisienne avec moins de problématiques de transports. La mobilité est un enjeu propre à chaque capitale… Je pense que les atouts du Luxembourg peuvent compenser ces problèmes.

Les employeurs peinent globalement à trouver des talents. Vit-on une crise de vocation ou d’orientation professionnelle?

«On peut parler de crise d’orientation professionnelle. Les choses bougent de nouveau progressivement en faveur de métiers plus manuels et techniques, mais cette évolution prend du temps. Ceci dit, nous constatons que, de plus en plus, des personnes de 35, 40 ans se retrouvent dans des situations d’épuisement professionnel. Ce qui les amène à se reconvertir dans des métiers en pénurie de main-d’œuvre.

Quelle trace va laisser la crise sur le recrutement?

«La quête de sens dont font preuve les candidats se confirme. Je note aussi un lien de plus en plus marqué entre le logement et le travail, sous l’effet de la pratique du télétravail pendant les confinements. La venue au bureau se fait sur un autre rythme. Dans l’immobilier, les biens situés à la campagne, plus espacés, sont prisés. Observerons-nous un retour de balancier lorsque ces collaborateurs qui se sont ‘éloignés’ voudront retrouver davantage de lien social? Toujours est-il que cette tendance semble lourde, surtout lorsqu’on y ajoute la considération de la mobilité. Enfin, la crise en Ukraine entraînera l’arrivée de profils qualifiés qui voudront le cas échéant rester en Europe et qu’il faudra, dans tous les cas, réussir à intégrer.

Finalement, que nécessite un bon recrutement?

«Tout ne passe pas par la technologie, loin de là. Il faut que la personnalité du candidat cadre avec la personnalité de l’entreprise – et celle de son dirigeant – ainsi que les valeurs de celles-ci. Sinon, cela ne fonctionne pas. Comme nous sommes sur un marché de candidats, ce matching est primordial pour que la relation de travail soit pérenne.»

Cette interview a été rédigée in extenso pour  parue le 30 mars 2022.

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