Parmi ses préconisations, BearingPoint recommande de simplifier le processus de recrutement à l’hôpital. (Photo: Shutterstock)

Parmi ses préconisations, BearingPoint recommande de simplifier le processus de recrutement à l’hôpital. (Photo: Shutterstock)

Dans une étude, le cabinet BearingPoint recense les bonnes pratiques en matière de recrutement dans le secteur hospitalier mises en place dans certains pays européens pour tenter d’enrayer la pénurie de personnel. On a voulu savoir si elles pouvaient être reprises au Luxembourg.

Tour d’Europe des bonnes pratiques. Active dans plus d’une vingtaine de pays (dont le Luxembourg), la société de conseil en gestion et en technologie BearingPoint s’est penchée sur la problématique du recrutement à l’hôpital, établissant dans une récente étude une liste de huit propositions pour améliorer les processus à l’aide d’exemples d’initiatives novatrices.

Paperjam a demandé , de trier le bon grain de l’ivraie en interrogeant la pertinence de telles initiatives à l’échelle du Grand-Duché.

• Proposition numéro 1

«Définir sa promesse employeur et travailler sur l’image de marque de l’établissement.» L’image de marque de l’établissement doit s’appuyer sur une promesse employeur claire et partagée avec le personnel, indique BearingPoint, en se posant des questions simples. Quelle est la mission de notre hôpital? Quels sont nos objectifs pour le territoire, les professionnels de santé, les patients? Une image de marque solide, valorisant une organisation centrée sur le patient et sur les collaborateurs, communiquant sur l’expertise de l’établissement et les opportunités de développement de carrière, peut aider à se distinguer de la concurrence. L’efficacité de la communication sur cette image de marque passe par des messages ciblés, via une diffusion multicanale (rencontres en physique, événements, ambassadeurs internes, réseaux sociaux, médias, etc.).»

L’exemple à suivre. Pour répondre aux défis de recrutement, les Hospices Civils de Lyon (France) ont lancé en 2024 une campagne baptisée «Ici je peux». Diffusée dans le métro et sur les réseaux sociaux, celle-ci met en avant les témoignages de sept employés sur leur parcours, leur équilibre de vie et les opportunités de carrière aux HCL. Pour adapter ses messages, la campagne s’appuie sur les retours des 24.000 salariés.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «Il est essentiel de redéfinir la relation de travail à partir de l’image de marque de l’employeur.

L’exemple à suivre est très parlant, on peut aussi faire le choix de définir les valeurs de l’organisation et les déployer à travers des faits concrets qui mettent en scène les salariés, ce qui parlera davantage aux futurs talents.»

• Proposition numéro 2

«Nouer des partenariats avec les centres de formation.» Interagir avec les étudiants lors de forums ou lors de formations permet de mieux comprendre leurs attentes et de valoriser l’hôpital. Offrir des missions rémunérées de plusieurs mois constitue un levier de recrutement efficace, incitant ceux ayant vécu une expérience positive à envisager une carrière dans l’établissement. Cette approche répond aux besoins immédiats tout en permettant de constituer un vivier de talents pour le futur.

L’exemple à suivre. En Norvège, certains postes permettent aux infirmiers de concilier travail clinique et formation spécialisée financée par l’hôpital. Les collaborateurs conservent leur ancienneté et leurs cotisations retraite. Ces postes sont mis en place via des partenariats avec les écoles, et les infirmiers s’engagent à travailler pendant un à trois ans après leur formation pour l’hôpital qui a mis la main à la poche.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «L’investissement dans la formation initiale des personnels soignants peut passer par un dispositif qui se rapprocherait de l’alternance, entre des temps en école et du temps de travail rémunéré à l’hôpital. Ainsi, on ouvrirait une possibilité aux étudiants de bénéficier d’un apprentissage au contact du terrain plus long que les périodes de stage, et plus rémunérateur.»

• Proposition numéro 3

«Élargir le vivier de candidats potentiels en soutenant des programmes de reconversion et d’apprentissage.» Créer de nouvelles voies d’accès aux établissements de santé permet d’élargir le creuset de candidats, de pallier les pénuries et de favoriser la diversité. Les programmes de reconversion, d’apprentissage et la reconnaissance de qualifications alternatives, comme les cours en ligne ou les diplômes internationaux, attirent des profils variés.

L’exemple à suivre. Face aux difficultés de recrutement d’aides-soignants, le North Lincolnshire and Goole NHS Foundation Trust (Royaume-Uni) a lancé un programme intitulé «Career confidence». Il encourage de nouveaux candidats à envisager cette carrière grâce à un apprentissage repensé et des passerelles basées sur les qualifications en sciences et santé. Le programme permet d’accéder à des postes d’assistant infirmier ou praticien en 18 mois à deux ans.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «Attention à ne pas dévaloriser la profession de soignant! Il serait préférable de chercher à niveler les exigences de connaissances et de compétences métiers vers le haut.

Les validations des acquis des compétences doivent suivre une volonté de reconnaissance des parcours professionnels pour offrir des opportunités d’évolution de carrière, et pas uniquement pour conforter une situation initiale.»

• Proposition numéro 4

«Simplifier le processus de recrutement au sein de l’hôpital.» Un processus d’embauche lent peut décourager les candidats. Mesurer les délais et améliorer la clarté des offres aide à optimiser le recrutement. L’automatisation et l’IA accélèrent le tri des CV et la planification des entretiens. Des stratégies plus réactives, comme des entretiens sur place lors de salons, peuvent aussi être mises en place.

L’exemple à suivre. En France, le CHU de Nantes organise des jobdatings ciblés sur certains profils, permettant des entretiens courts et individuels avec les recruteurs. Ce processus accélère l’embauche et aide les candidats à se projeter grâce aux échanges avec le personnel en poste. En octobre 2023, cette méthode a permis de pourvoir une centaine de postes dans divers domaines.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «C’est un excellent processus! Le Luxembourg maîtrise parfaitement ce dispositif et nous, CHL, sommes présents sur ces événements. Ils encouragent le contact direct, cassent les barrières et facilitent la communication directe.

Et surtout, l’approche directe sur salons correspond à la volonté des candidats génération Z de suivre un process plus rapide et plus flexible, à l’image de leurs attentes professionnelles.»

Notre témoin: Olivier Schmitt, directeur du département ressources humaines du CHL. (Photo: CHL)

Notre témoin: Olivier Schmitt, directeur du département ressources humaines du CHL. (Photo: CHL)

• Proposition numéro 5

«Accompagner les nouveaux collaborateurs à s’installer et à s’intégrer.» Des aides au logement, un soutien financier ou un programme d’intégration facilitent la mobilité des candidats et leur prise de poste. Ces avantages, adaptés aux spécificités locales et aux profils recrutés, peuvent influencer leur choix et renforcer l’image d’un employeur attentif aux besoins de ses employés.

L’exemple à suivre. En 2023, le conseil régional de Norrbotten, en Suède, a lancé une initiative pour attirer des infirmiers et dentistes en finançant leurs déplacements, l’hébergement et ceux de leurs familles. Destinée à 66.000 infirmiers et 6.000 dentistes, cette offre a généré de nombreuses candidatures et visait à combler les postes vacants, notamment durant l’été, tout en incitant les professionnels à s’installer sur le long terme et à résoudre la pénurie de logements dans certaines zones.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «L’accompagnement dans l’installation du nouveau collaborateur et de sa famille est un levier essentiel pour attirer de futurs talents.

On peut ajouter l’aide à l’inscription dans les écoles pour les enfants ou encore la dispense des cours de langue.»

• Proposition numéro 6

«Fidéliser les internes avec une proposition de valeur ciblée.» Recruter les meilleurs internes nécessite un programme d’intégration et d’engagement efficace, incluant formation, mentorat et avantages spécifiques. Créer un environnement de travail positif pour tous les employés est également essentiel pour inciter les internes à envisager une carrière au sein de l’établissement après leur stage.

L’exemple à suivre. En France, le Centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) a lancé l’application mobile InternApp pour faciliter l’intégration des internes en médecine. Cette app propose des outils pratiques, comme un annuaire des services hospitaliers et des calculateurs médicaux. Elle permet aussi à la direction de communiquer directement avec les internes. L’application a été téléchargée plus de 400 fois, et un sondage a montré qu’elle est jugée très utile au quotidien.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «L’outil digital répond au style de vie des jeunes recrues. Au CHL, nous développons des parcours d’intégration pour nos médecins en voie de spécialisation qui sont d’ailleurs salariés de l’hôpital le temps de leur formation.»

• Proposition numéro 7

«Accueillir les nouvelles recrues avec un programme d’intégration efficace.» Les infirmiers récemment diplômés rencontrent souvent une surcharge de travail en passant du statut d’étudiant à celui de professionnel. Un programme d’intégration structuré, incluant des sessions de présentation, des visites des services, des formations personnalisées et des programmes de mentorat avec des membres expérimentés, facilite leur intégration en leur expliquant leur rôle, la culture de l’établissement et les procédures à suivre.

L’exemple à suivre. Au début de chaque mois, les nouveaux employés de l’Universitätsklinikum Hamburg-Eppendorf (UKE), en Allemagne, participent à des journées d’intégration pour découvrir l’établissement, ses objectifs et sa stratégie. Ces journées incluent des séminaires et ateliers interprofessionnels, suivis de formations spécifiques aux postes, avec des plans d’intégration personnalisés ou standards. L’ambiance est conviviale, et les représentants de l’établissement présentent les missions et le fonctionnement de la structure.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «L’onboarding des nouveaux collaborateurs est le rendez-vous fondateur de la relation de travail entre l’hôpital et le salarié. L’image de l’établissement autant que la diffusion factuelle de ses valeurs passent par un accompagnement dès l’arrivée des salariés pour les placer dans les meilleures conditions d’apprentissage ou d’exercice de leur profession.

La célébration des nouvelles recrues permet aussi de les faire entrer dans la famille hospitalière et de leur donner une place au sein des équipes.»

• Proposition numéro 8

«S’appuyer sur les professionnels de santé en tant qu’ambassadeurs». Une stratégie de recrutement efficace consiste à encourager les employés actuels à promouvoir leur organisation. Leur témoignage aide les futures recrues à mieux se projeter et renforce l’engagement des employés, qui valorisent ainsi leur structure. Les collaborateurs peuvent être incités, par exemple avec des primes, à participer à des événements de recrutement ou de cooptation.

L’avis d’Olivier Schmitt (CHL): «Attention à ne pas faire de nos salariés des head hunters!

Inciter nos salariés à promouvoir leur hôpital en dehors des horaires de travail est une nécessité, notamment à travers les réseaux sociaux professionnels ou l’entourage familial et amical.

Mais l’incitation des salariés à monétiser les recrutements risque de déstabiliser les règles et les processus RH au détriment de l’attractivité.»