Selon Guy Wagner, Chief Investment Officer de la société de gestion BLI - Banque de Luxembourg Investments, les actions combinées de la Réserve fédérale américaine et des autorités chinoises pourraient accélérer la croissance.

Guy Wagner, contrairement aux prévisions pessimistes, l’économie américaine résiste. Faut-il y voir un bon signe?

Oui, en effet. L'économie américaine est très dépendante de la consommation privée et pour l'instant, les dépenses de consommation restent relativement soutenues. D’un autre côté, on peut aussi s'inquiéter quelque peu de l'absence d'autres facteurs de soutien puisque c'est effectivement en grande partie cette consommation privée qui semble soutenir l'économie américaine et, partant de là, l'économie mondiale.

La Réserve fédérale américaine a abaissé d’un seul coup ses taux directeurs de 50 points de base. Comment expliquez-vous ce geste fort?

Il montre que la Fed a changé de priorité. Il ne s’agit plus de lutter contre l'inflation, mais plutôt désormais de soutenir le marché de l'emploi qui a montré quelques signes de détérioration. 

En Europe, en revanche, les indicateurs sont toujours dans le rouge et les locomotives habituelles, la France et l’Allemagne, sont au ralenti, presque à l’arrêt. Comment analysez-vous cette situation?

Il est important de différencier les secteurs. Le secteur manufacturier est en récession depuis un certain temps, ce qui explique aussi la faiblesse de l'économie allemande. Quant au secteur des services, bien qu’il soit plus résilient, il affiche également des signes de ralentissement. De manière générale, c’est une question plus fondamentale. L’économie allemande souffre d’une sorte de désindustrialisation, qui s'explique par des erreurs passées. En France, ce qui inquiète surtout, c’est la détérioration des finances publiques. Ces signes ne sont pas encourageants.

Du côté des marchés financiers, la tendance est à la hausse au terme du 3e trimestre. Quelles sont, en termes de région, les performances les plus attrayantes du moment?

Une fois n'est pas coutume, ce sont les marchés asiatiques, hors Japon, qui ont connu la meilleure performance au 3e trimestre. Cela s’explique par une série de mesures prises par la Chine pour soutenir son marché intérieur qui pèse beaucoup dans les indices. A l’opposé, le Japon a connu un mois d’août très volatil avec la hausse des taux d'intérêt de la Banque du Japon et l'appréciation du yen. Cela a pesé sur les cours. Les Bourses occidentales, quant à elles, se situent entre les deux, avec à nouveau le marché américain qui a surperformé par rapport aux marchés européens.

Les marchés asiatiques se trouvent pourtant près de 10 % en-dessous de leur niveau de début 2021, alors que l’indice mondial a entretemps doublé. Peut-on encore espérer une belle marge de progression?

Oui. Ce sont des marchés qui ont été assez délaissés ces derniers temps. Les indices de la région sont portés par des grosses valeurs comme TSMC ou Samsung, mais d'une manière générale, ils présentent aujourd'hui des valorisations plus intéressantes et peut-être un potentiel de croissance supérieur. C’est donc une combinaison à priori favorable.

Qu’en est-il des secteurs d’investissement? Les grosses valeurs technologiques tiennent-elles toujours le haut de l’affiche? Les plus petites capitalisations ne peuvent-elles pas tirer leur épingle du jeu?

Au 3e trimestre, nous avons observé un début de rotation: les grosses valeurs technologiques, qui ont clairement tiré les marchés cette année, notamment aux États-Unis, ont légèrement sous-performé. Ce sont d'autres secteurs et d'autres valeurs de plus petites capitalisations qui ont pris la relève. Cela s’explique partiellement par cette idée qu’avec la baisse des taux d'intérêt de la Réserve fédérale et les mesures de stimulation de l’économie prises par la Chine, nous pourrions tendre vers une accélération de la croissance. L’idée d'une récession est clairement aujourd'hui oubliée pour les marchés, tout comme la notion de "soft landing". On parle désormais de "no landing", voire d’accélération. Cela est favorable à un certain nombre de secteurs plus cycliques et aussi de moindre capitalisation.

Dans le contexte global actuel d’aggravation des déficits budgétaires nationaux, le marché obligataire semble être une victime collatérale, avec une perte d’intérêt en comparaison au marché actions. Est-ce une tendance appelée à durer?

Sans doute. Les grands pays industrialisés font face à une forte croissance de leurs dettes publiques, ce qui explique les émissions d’emprunts obligataires. Mais on peut se poser la question de qui va encore acheter tous ces emprunts ! Nous assistons clairement à un changement de paradigme sur les marchés obligataires : le segment traditionnellement considéré comme le moins risqué, c'est-à-dire les emprunts d’État des pays industrialisés, devient nettement plus risqué , et c’est peut-être d’autres segments, comme celui des pays émergents, voire celui des emprunts «corporate», qui offrent plus de potentiel, tout en étant bien sûr plus volatils.

Et pendant ce temps-là, l’or continue son envolée…

Le climat est toujours favorable au métal jaune. La demande physique reste importante, avec notamment les achats des Banques centrales des pays de l’Est. À cela s’ajoute désormais une demande financière en hausse, portée par la baisse des taux d'intérêt : il y a à nouveau des entrées de capitaux dans les fonds négociés sur l'or. Nous ne sommes évidemment pas à l’abri d’une correction et de prises de bénéfices, mais fondamentalement, l’environnement reste très favorable.

Est-ce le bon moment pour se tourner vers les entreprises qui, jusqu’à présent, n’avaient pas vraiment bénéficié de cet effet porteur?

Depuis le 2e trimestre, la demande financière est progressivement revenue et les entreprises aurifères participent maintenant à la hausse du cours de l’or. En parallèle, avec la baisse de l’inflation et le recul des cours du pétrole, les coûts de ces entreprises se sont stabilisés, voire ont baissé. Leurs marges bénéficiaires ont donc beaucoup augmenté. Toutefois il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un segment extrêmement volatil et que des risques géopolitiques - liés aux réserves des mines d'or - demeurent. Il faut donc rester très prudent, mais fondamentalement, pour l'instant, c’est le bon moment pour s'y intéresser.

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