Le palais grand-ducal doit accueillir une nécessaire réforme sous peine de briser la confiance entre les citoyens et leur famille régnante, estiment les députés. (Photo: LCTO /Archives)

Le palais grand-ducal doit accueillir une nécessaire réforme sous peine de briser la confiance entre les citoyens et leur famille régnante, estiment les députés. (Photo: LCTO /Archives)

Le rapport Waringo sur le fonctionnement et la gestion des ressources humaines de la Cour grand-ducale a reçu un très bon accueil d’un bout à l’autre de l’échiquier politique, qui compte bien l’utiliser pour réformer la Cour grand-ducale.

Un rapport «excellent» pour (CSV), «très important» pour (Déi Gréng), «très complet et très objectif» pour (Piraten), une «très bonne analyse» pour (LSAP): les 44 pages remises par Jeannot Waringo à la semaine dernière ne recueillent que des louanges de la part des différents partis à la Chambre. Même si l’opposition, CSV en tête, ne se prive pas d’épingler le retard d’un tel rapport. «On aurait peut-être dû le faire beaucoup plus tôt, mais le mérite revient au gouvernement de l’avoir fait», tranche Georges Engel (LSAP).

Si le style «sobre» de l’ancien haut fonctionnaire a plu au chef de la fraction LSAP, c’est la perspective d’améliorations tangibles qui a séduit la classe politique. «Ce rapport très factuel a le mérite de faire des propositions concrètes», poursuit M. Clement, joint lors d’un déplacement à Washington. Revoir l’organigramme de la Cour, «mieux définir les règles d’octroi des aides ne venant pas directement de l’État» comme la gratuité sur les télécommunications, «doter la Cour d’une personnalité juridique qui clarifie certains rôles et permettra au Parlement d’avoir un minimum de contrôle du budget»: autant de pistes à creuser pour le député Piraten.

Nous sommes contents que le document officiel soit là et nous en discuterons en toute sérénité pour en tirer les conclusions au niveau politique.

Claude Lambertydéputé et secrétaire général du DP

«Les temps ont changé et les citoyens de notre pays s’attendent à ce que nous veillions à ce que leur argent soit correctement investi», ajoute Georges Engel, chef de la fraction LSAP. «Nous ne discutons pas le montant en soi, mais il faut discuter de comment et pour quoi cet argent est utilisé.»

«Il doit être clairement visible pour les citoyens ce qu’il advient de l’argent que la Cour grand-ducale reçoit de l’État par le biais de la Constitution», abondait Laurent Mosar sur les ondes de RTL lundi matin – alors que le CSV se refusait à commenter le rapport avant sa présentation officielle en commission des institutions mercredi matin.

«Nous sommes contents que le document officiel soit là et nous en discuterons en toute sérénité pour en tirer les conclusions au niveau politique», indique également , secrétaire général du DP et redevenu député il y a quelques jours, sans se prononcer davantage sur les détails du rapport, afin de laisser la primeur au Premier ministre.

[Le rapport évoque] presque franchement un abus de pouvoir, implicitement un détournement de fonds publics (…), des dysfonctionnements très graves au niveau de l’organisation et des agressions et des violences au sein de l’administration qui sont intolérables.

Marc Baumdéputé Déi Lénk

«Je veux d’abord entendre M. Bettel avant de dire ce que j’en pense, c’est à lui de dire ce qu’il veut faire», commente Josée Lorsché, chef de fraction Déi Gréng et membre de la commission des institutions. Tout en donnant le fond de sa pensée: «On ne va pas s’arrêter là, il faut tirer des conséquences de ce rapport très important. (…) Il faut analyser tout le rapport, y compris en matière de droit du travail.»

Difficile en effet de mettre sous le tapis les constats de M. Waringo. «Les faits analysés par M. Waringo sont assez graves à nos yeux», souligne le député Déi Lénk , qui y voit des éléments traduisant «presque franchement un abus de pouvoir, implicitement un détournement de fonds publics puisqu’il y a un mélange entre les intérêts privés et publics, des dysfonctionnements très graves au niveau de l’organisation et des agressions et des violences au sein de l’administration qui sont intolérables».

Ce n’est pas une attaque contre la Grande-Duchesse, mais plutôt un questionnement des dépenses de la Cour et la volonté de garantir une certaine transparence.

Sven Clementdéputé Piraten

Des épisodes violents auraient en effet eu lieu au sein de la Cour, sans qu’aucune plainte n’ait été déposée, d’après des informations citées dans plusieurs médias. M. Waringo n’en touche pas un mot même s’il évoque l’ambiance de travail délétère qui règne à la Cour. Il ne faut pas oublier que c’est le suicide d’un membre du personnel de la Cour qui a conduit M. Bettel à nommer M. Waringo afin de faire toute la lumière sur la gestion des ressources humaines.

Et lorsque M. Baum évoque un possible détournement de fonds publics, il fait allusion aux limites ténues entre les activités publiques et privées du couple grand-ducal, en particulier en ce qui concerne la fondation et l’asbl Stand Speak Rise Up créée à la suite du symposium éponyme de mars 2019 avec en figure de proue S.A.R. la Grande-Duchesse. M. Waringo a également interrogé le fait que les sites internet afférents soient pris en charge par le personnel de la Cour. «Ce n’est pas une attaque contre la , mais plutôt un questionnement des dépenses de la Cour et la volonté de garantir une certaine transparence», souscrit M. Clement.

C’est une grande chance pour la Cour grand-ducale de pouvoir se donner un air moderne et transparent.

Georges Engeldéputé et chef de fraction LSAP

Ce qui amène à la délicate question du rôle imputé à S.A.R. la Grande-Duchesse Maria Teresa – que Josée Lorsché et Georges Engel préfèrent appeler «l’épouse du Grand-Duc», à défaut de dénomination prévue par la Constitution. «Les dysfonctionnements qui existent et le vide réglementaire ont permis à une personne de remplir le vide et de gagner de plus en plus de pouvoir», résume M. Baum. «C’est un Grand-Duc faible qui laisse un vide occupé par sa femme.» Déi Lénk est d’ailleurs le seul parti à évoquer une possible abdication du souverain si les abus relevés s’avéraient exacts – un parti de toute façon républicain. «Il n’y a pas de crise des institutions à mon avis, mais il faut résoudre les problèmes qui se posent», tempère Mme Lorsché.

«Je trouve que c’est une grande chance pour la Cour grand-ducale de pouvoir se donner un air moderne et transparent», appuie M. Engel. «Si ces réformes ne sont pas faites, la Cour sera d’autant plus difficile à légitimer.» Sachant que les autres monarchies européennes ont déjà ouvert la voie, de la Belgique au Royaume-Uni en passant par la Suède et les Pays-Bas, comme l’a abondamment documenté M. Waringo. Il serait alors de bon ton pour la Cour grand-ducale de davantage collaborer à cette entreprise – et pas en envoyant ses avocats comme elle l’a maladroitement fait lorsque M. Waringo a osé demander des détails concernant le recrutement d’une personne par le secrétariat de S.A.R. la Grande-Duchesse.