Pour Raphaël Charlier, le secteur des Professionnels du secteur financier (PSF) a en 2020 fait preuve «d’une étonnante résilience». (Photo: Deloitte)

Pour Raphaël Charlier, le secteur des Professionnels du secteur financier (PSF) a en 2020 fait preuve «d’une étonnante résilience». (Photo: Deloitte)

Si, depuis 2011 – année durant laquelle il y a eu le plus de PSF actifs sur la Place –, le nombre d’acteurs diminue, le secteur continue de croître et d’amener plus d’emplois et de plus-value à l’économie luxembourgeoise. Raphaël Charlier fait le point sur l’évolution du secteur.

En 2020, le secteur des Professionnels du secteur financier (PSF) a fait preuve «d’une étonnante résilience», estime Raphaël Charlier, Partner et PSF Leader chez Deloitte Luxembourg. «Malgré une diminution temporaire du nombre d’employés en 2020 par rapport à 2019, une tendance post-Covid se dessine clairement, avec une augmentation du nombre d’employés revenant presque au niveau d’avant pandémie, soit plus de 16.500 professionnels employés par 265 entités en octobre 2021.»

2020 a également vu une diminution des résultats. Diminution à mettre au passif de la diminution du revenu des dividendes d’un acteur majeur, qui a été principalement gardé en réserve pendant la crise. Et de ce point de vue, les choses s’améliorent également.

Ce qu’il est important de garder à l’esprit, c’est que le secteur continue à croitre en termes de valeur ajoutée.
Raphaël Charlier

Raphaël CharlierPartner, PSF LeaderDeloitte

On compte au sein des PSF trois familles: les firmes d’investissements – des entreprises qui fournissent des services d’investissements à des tiers –, les PSF spécialisés – des entités actives dans le secteur financier et qui ne proposent pas de service d’investissement comme les sociétés de domiciliation –; et les PSF de support – des entreprises offrant des services opérationnels pour le compte des établissements de crédit le plus souvent en tant que sous-traitants.

Ces trois familles ont connu des évolutions divergentes en 2020.

On comptait fin 2020 267 PSF. Soit 11 de moins que fin 2019. Ce sont le PSF spécialisés qui ont vu leurs effectifs fondre le plus, passant de 105 à 98. Les firmes d’investissements sont restées stables, ne perdant qu’un membre à 98 unités. Les PSF de support sont eux passés de 74 à 71.

Une évolution qui n’inquiète pas Raphaël Charlier. «Si depuis 2011, année record en termes de nombre d’acteurs avec 322 acteurs recensés, leur nombre a diminué de près de 20%, dans le même temps, leurs effectifs ont cru de plus de 20%. Ce qu’il est important de garder à l’esprit, c’est que le secteur continue à croitre en termes de valeur ajoutée. La concentration des acteurs s’explique de manière différente en fonction de la famille de PSF observée.»

Forte tendance à la concentration

Les entreprises d’investissements, «des sociétés souvent de taille réduite avec en moyenne 17 à 18 salariés. Ce sont de petites entités qui en termes de rentabilité ont peut-être plus de difficultés que les autres.» Face à «la pression d’une exigence réglementaire toujours soutenue», elles sont constamment à la recherche d’économies d’échelles. 

«La recherche de la taille critique et d’un certain niveau d’industrialisation est nécessaire pour qu’elles puissent être rentables et durable», ajoute Adil Sebbar, Director dans le département Audit de la firme.

L’entrée en vigueur de l’IFR/IFD, le nouveau régime prudentiel de l’UE pour les entreprises d’investissement qui permet d’adapter les exigences réglementaires à la taille des acteurs va faire baisser la pression du coût réglementaire. «Mais le renforcement des exigences en termes de gouvernance maintiendra la tendance à la concentration», complète Raphaël Charlier.

Pour les PSF spécialisés, la tendance à la concentration se retrouve, mais pour des raisons différentes. Ici, les acteurs veulent grandir «proactivement» pour être plus efficaces et plus rentables. Raphaël Charlier voit le marché devenir plus concurrentiel avec moins d’acteurs plus spécialisés. «Les grands acteurs internationaux cherchent à faire des acquisitions locales qui leur permettent de prendre pied sur ces marchés plus rapidement en ayant déjà un acteur en place, une réputation et une base de clients conséquente.»

Les PSF de support en quête d’une norme exportable

Pour les PSF de support, les scénarios d’évolution sont plus incertains. «Les incertitudes viennent du fait que même s’il y a de la croissance et des développements à faire – notamment dans la cybersécurité –, le business model de ces entreprises va changer. Les traditionnels managed services vont s’effacer au profit de services à plus de valeur ajoutée avec des compétences en termes de sécurité et de développements.» Avec à la clé de nombreuses incertitudes quant à la possibilité de trouver ou même de former les ressources humaines et au niveau d’activité générées par de nouveaux services.

«La baisse du nombre d’acteurs est due à la concurrence. Mais si le secteur se concentre, le nombre d’emplois reste stable, voire croit légèrement.»

Les PSF de support cherchent également une plus grande reconnaissance de leur savoir-faire hors des frontières. À l’origine, l’agrément PSF était censé faciliter l’exportation des services, un peu comme le label Ucits a pu le faire pour l’industrie des fonds d’investissement. Un scénario qui ne s’est pas réalisé. «Il y a quelques années, la CSSF avait édicté une réglementation qui instaurait le RAR, le rapport d’analyse des risques. C’était quelque chose d’assez luxembourgo-luxembourgeois finalement très peu exportable, même si la législation permettait de pouvoir le communiquer aux clients. Je pense qu’en pratique, les clients ne le demandaient pas et que cela n’a pas du tout été un outil de développement et de communication.»

L’association des PSF de support, Finance & Technology Luxembourg a été mandatée par le Haut comité de la place financière pour travailler à un label exportable. L’idée est de pouvoir développer une norme ISO ou ISAE plus reconnue à l’international et qui permettrait d’exploiter les compétences nationales à l’international. On attend pour la fin de l’année une communication sur l’avancée de ce projet.

La rentabilité se maintient

Pour ce qui est des données financières, le bilan total de tous les PSF s’élevait à 8,6 milliards d’euros au 31 décembre 2020. Si on relève une baisse de 2,2% par rapport au 31 décembre 2019. Toutefois, le total du bilan est remonté à 9,1 milliards d’euros au 30 novembre 2021, «ce qui représente une augmentation significative», détaille Raphaël Charlier.

La diminution entre 2019 et 2020 est principalement due aux PSF spécialisés (-82 millions soit une diminution de 1%) et aux PSF de support (-204 millions d’euros représentant une diminution de 11%). Baisses partiellement compensées par une augmentation du bilan total des entreprises d’investissement de 90 millions d’euros (+8%).

En matière de résultat, le Covid a pesé sur les comptes. Le résultat net pour 2020 a diminué sur un an de 48% à 233 millions d’euros. 2021 sera une année bien meilleure. Au 30 novembre 2021, la CSSF a estimé à 254 millions le bénéfice net provisoire. Un chiffre à comparer aux 223 millions d’euros totalisé au 30 novembre 2020.

Pour Raphaël Charlier, la rentabilité de ce secteur ne diminue pas. Il en veut pour preuve les multiples pour les rachats de ces groupes orientés à la hausse, «témoins du potentiel de croissance et de rentabilité de ce secteur dans le futur». Cependant, le bénéfice net moyen d’un PSF est passé de 1,62 million en 2019 à 0,88 million en 2020.

L’emploi enfin. Le secteur des PSF employait fin 2020 16.248 personnes, soit 34% des 48.467 emplois de la Place. Et si par rapport à 2019, l’emploi a fléchi de 4% sur un an, la tendance s’est inversée en 2021 où la CSSF dénombrait 16.600 jobs à la fin septembre 2021.

Pour les mois à venir, Raphaël Charlier et Adil Sebbar s’attendent à une poursuite de la concentration des acteurs, mais à une augmentation de l’activité globale portée notamment par l’essor de l’ESG. «Il y a pour moi plus d’opportunités que de craintes», conclut Raphaël Charlier.