La Chambre, suite aux manifestations Black Lives Matter de 2020, avait demandé au gouvernement de réaliser une étude du racisme dans le pays dans différents secteurs. Notamment le logement, le lieu de travail, l’éducation et les soins de santé.
«Les gens se sentent discriminés et nous voulions objectiver la discussion», a déclaré la ministre de la Famille et de l’Intégration, (DP), lors d’une conférence de presse mardi 8 mars, ajoutant que l’enquête aiderait les décideurs politiques à «voir où sont les problèmes.»
Un aperçu du montre, par exemple, qu’une personne sur 10 ne veut pas être voisine à côté de personnes d’une certaine origine ethnoraciale. Un peu plus de 15% des personnes interrogées ont déclaré que les réactions racistes sont parfois justifiées et 4,3% ont dit croire que certaines races sont supérieures aux autres.
«Le racisme idéologique est relativement rare», a déclaré Frédéric Docquier, de l’Institut luxembourgeois de recherches socio-économiques (Liser), qui a mené l’enquête en collaboration avec l’institut interculturel Cefis. Au lieu de cela, il y a eu une «transformation du racisme direct et agressif en micro-agressions dans la vie quotidienne», a-t-il ajouté.
Environ la moitié des personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes de discrimination lors de la recherche d’un logement, contre 44,5% lors de la recherche d’un emploi. Un peu moins de la moitié des victimes ont déclaré s’être senties attaquées en raison de la couleur de leur peau, de symboles culturels ou parce qu’elles ne parlaient pas le luxembourgeois.
Un phénomène «invisible»
Une série approfondie de 20 à 30 entretiens est en cours pour déterminer plus concrètement comment le racisme et la discrimination s’expriment. De nombreuses victimes ne signalent pas leurs expériences parce qu’elles ne savent pas à qui s’adresser ou pensent que signaler les incidents ne fera aucune différence. «Le phénomène reste invisible», déclare Frédéric Docquier.
Environ un tiers des personnes interrogées pensaient que le racisme avait augmenté au cours des cinq dernières années. Plus de 38% des répondants noirs s’attendaient à être victimes de racisme dans le futur.
Environ 3.000 personnes ont répondu à l’enquête, qui visait à recueillir des informations auprès d’un échantillon représentatif de la population, mais avec une surreprésentation des groupes minoritaires afin de mieux comprendre leurs impressions.
Par exemple, 17,3% des personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes de discrimination au travail. Mais ce chiffre s’élève à 38% chez les répondants noirs, 28% chez les personnes musulmanes et 33% au sein de la communauté portugaise – alors qu’il est de 13% pour les autres ressortissants étrangers issus de l’UE.
L’étude révèle également un manque de compréhension et de sensibilisation, de stratégie et de formation des administrations publiques en matière de racisme et de discrimination. Corinne Cahen a annoncé que, pour commencer, les employés communaux se verront proposer une formation sur la diversité et la non-discrimination.
Pas de plan d’action contre le racisme
Mais il n’y aura pas de plan d’action national contre le racisme. En 2020, la Chambre avait demandé au gouvernement d’élaborer un tel plan sur la base des résultats de l’étude présentée mardi 8 mars. Mais Corinne Cahen a expliqué qu’il existait déjà un plan national d’intégration et qu’il n’y aurait pas d’autre document pour traiter spécifiquement du racisme.
La ministre a déclaré que le gouvernement continuerait à travailler avec les chercheurs, sans préciser sur quels projets. «Se contenter d’analyser davantage sans que rien ne se passe… c’est inutile». Le ministère a prévu des réunions avec l’UEL (union des entreprises luxembourgeoises) pour discuter des résultats de l’étude et des plans d’action possibles. Il étudie également d’autres mesures, comme la signature par les agences immobilières, dans le cadre de leur licence, d’un engagement à ne pas discriminer les minorités.
«L’étude va bien au-delà des attributions du ministère de la famille et de l’intégration», a déclaré Corinne Cahen.
Les personnes qui ont participé à l’enquête estiment qu’il est clairement nécessaire d’agir, puisque plus des deux tiers d’entre elles déclarent que de nouvelles mesures de lutte contre le racisme et la discrimination sont nécessaires. Un peu plus de la moitié a déclaré que les mesures actuelles visant à identifier et à punir la discrimination sont insuffisantes.
Ce taux était sensiblement plus élevé, à environ 80%, parmi les répondants noirs, musulmans ou portugais.
Le lieu de travail, l’éducation et le logement sont considérés comme trois domaines prioritaires, avec des mesures visant à favoriser l’intégration, des sanctions plus sévères et des campagnes de sensibilisation comme autant de pistes à suivre.
Les chercheurs qui ont travaillé sur l’étude ont recommandé cinq grands domaines d’action: la sensibilisation, le renforcement du cadre juridique, la collaboration avec les institutions, l’amélioration de la base de connaissances et des données sur le racisme et la discrimination, ainsi que l’amélioration de l’accès au signalement pour les victimes.
«Nous devons passer à l’action», a déclaré Corinne Cahen.
Cet article a été rédigé par en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.