L’annonce de la fin du compte chèque postal obligatoire pour les fonctionnaires a été faite dès le 2 janvier de cette année par les ministres des Finances et de la Fonction publique, Pierre Gramegna (DP) et Marc Hansen (DP). (Photo:LaLa La Photo/Archives)

L’annonce de la fin du compte chèque postal obligatoire pour les fonctionnaires a été faite dès le 2 janvier de cette année par les ministres des Finances et de la Fonction publique, Pierre Gramegna (DP) et Marc Hansen (DP). (Photo:LaLa La Photo/Archives)

Les fonctionnaires ne devront bientôt plus disposer d’un CCP pour le versement de leur salaire. Ce sont donc plus de 28.000 personnes qui auront bientôt le choix de migrer vers d’autres banques. Une aubaine pour les autres enseignes de la Place?

Une petite révolution. Dans les prochains mois, les agents de l’État ne devront plus impérativement disposer d’un CCP pour recevoir leur salaire. par les ministres des Finances et de la Fonction publique, (DP) et (DP).

Dans un communiqué, ils plaçaient cette initiative dans le cadre de la digitalisation accrue des services de l’État. Au ministère de la Fonction publique, on explique que la digitalisation permet désormais ce changement, et que le Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’État (CGPO) est dorénavant à même d’offrir la possibilité de changer de numéro de compte de manière électronique via un site sécurisé. Dès le printemps, en principe, cette opération se fera par le portail web de l’État «myRH», via une procédure d’authentification forte de Luxtrust.

La démarche concerne environ 30.000 agents, qui pourront désormais aller vers la banque de leur choix. Un coup dur pour Post Luxembourg, qui risque de voir cette clientèle captive migrer vers d’autres enseignes? «Nous savions que ça allait se faire, ce n’était qu’une question de temps», explique-t-on auprès de l’institution postale. La question était dans l’air et a fait l’objet de questions parlementaires ces dernières années. Mais jusqu’à la récente annonce de ce début d’année, le gouvernement n’avait pas laissé entendre la moindre ambiguïté sur sa volonté de maintenir cette pratique.

Gratuité et simultanéité

Dans une réponse à une question parlementaire sur le sujet en 2014, le ministre des Finances Pierre Gramegna rappelait que cette formule permettait de limiter les coûts liés à la gestion administrative de la base de données des fonctionnaires. Historiquement, la volonté de l’État était avant tout que l’ensemble du personnel de l’État puisse toucher son salaire en même temps.

Or, via le CCP, le versement était quasi simultané, alors qu’il pouvait prendre plusieurs jours dans les autres banques. Un argument qui n’est plus vraiment valable aujourd’hui. Dans sa réponse de 2014, le ministre pointait aussi le fait que «l’ouverture et la tenue d’un compte sont sans frais pour le titulaire du compte» et que «les ordres permanents exécutés depuis un CCP vers une autre banque sont gratuits». Ce qui permet à chaque fonctionnaire de transférer son salaire vers la banque de son choix.

À la Confédération générale de la fonction publique (CGFP), , son porte-parole, parle d’une «évolution, pas une révolution». Des demandes de la part de membres pour que cesse ce système unique ont été régulièrement enregistrées et redirigées vers les ministères responsables du dossier, mais, comme l’admet Max Lemmer, elles ne représentaient pas non plus un pourcentage important des agents de l’État.

Pas de panique

Doit-on dès lors s’attendre à un mercato bancaire de la part des fonctionnaires? «Nous ne prévoyons en tout cas rien de particulier pour retenir absolument ce segment de clients, explique Post Luxembourg. Lorsque nous menons une opération de promotion, c’est pour l’ensemble de notre clientèle.» Post compte aussi sur son alliance avec la banque ­coopérative Raiffeisen, dont elle détient 10% du capital depuis février 2016, pour séduire sa clientèle existante avec une offre élargie de services bancaires.

Pour Raiffeisen aussi, donc, cette décision pourrait représenter une source d’inquiétude. Quelque 28.000 clients en sursis, ce n’est évidemment pas rien. «Cette annonce n’aura pas de répercussion sur le partenariat [avec Post], et nous ne pensons pas qu’elle impactera le développement de nos activités», confie Romain Funk, directeur Marketing et Communication chez Raiffeisen, constatant que Post est un des principaux acteurs de la Place et sert une clientèle très diversifiée.

Des banques à l’affût

Au sein des autres banques de détail, la perspective de cet afflux de clients potentiels sur le marché domestique est regardée parfois avec intérêt, d’autres fois comme un non-événement. «Le compte chèque postal obligatoire pour les fonctionnaires de l’État luxembourgeois se limitait uniquement à la domiciliation des salaires. Donc, mis à part pour leur rémunération, les fonctionnaires étaient déjà libres de choisir leur compte bancaire auprès de la banque de leur choix», estime ainsi la banque BGL BNP Paribas.

De fait, personne ne regarde cela comme le nouveau «Graal», mais à la Banque internationale à Luxembourg (Bil), l’impression est plus positive. «Nous accueillons tout changement susceptible de lever un frein à la concurrence favorablement. La fin de l’obligation du compte chèque postal pour les fonctionnaires est donc une bonne nouvelle, dont il faut cependant nuancer la portée », commente Alessandra Simonelli, head of customer journey and client centricity à la Bil. Elle admet que beaucoup d’agents de l’État sont déjà clients d’autres institutions bancaires, comme la Bil, pour leurs prêts immobiliers ou leurs placements. «L’opportunité se situe donc principalement au niveau des services du quotidien (services de paiement, par exemple), où nous pensons pouvoir faire une différence.»

Un son de cloche assez similaire résonne chez ING, qui y voit «une opportunité pour les banques retail de la Place. C’est la fin d’une tradition, et donc un marché s’ouvre aux banques retail privées. Cela va permettre une concurrence plus naturelle entre les différents acteurs de la Place.»

Ceci dit, personne ne semble vouloir lancer une campagne marketing monumentale pour attirer les fonctionnaires. Les choses devraient se passer en douceur.