Pour Guy Castegnaro, si une entreprise a le droit de contrôler ses employés, toute surveillance doit être justifiée. (Photo: Julien Becker / Archives)

Pour Guy Castegnaro, si une entreprise a le droit de contrôler ses employés, toute surveillance doit être justifiée. (Photo: Julien Becker / Archives)

Qu’est-ce que l’arrêt du 12 février de la Cour européenne des droits de l’Homme est venu changer en matière de surveillance des salariés?

«Cette décision peut donner l’impression que tout est permis. Or, c’est loin d’être le cas. Elle n’introduit pas de changement fondamental. L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme s’applique sur le lieu de travail. Tout travailleur a droit au respect de sa vie privée. Ce n’est pas quelque chose de nouveau, les juridictions luxembourgeoises l’ont confirmé à plusieurs reprises. L’interdiction de lire la correspondance privée, qu’il s’agisse de sms, chats, faxs ou d’e-mails, n’est toutefois pas absolue. Dans l’arrêt en question, l’entreprise a utilisé une liste de communications personnelles pour justifier un licenciement. En aucun cas, le contenu des messages n’a été lu ou dévoilé. Si elle n’utilise pas les informations présentes dans ces échanges, elle peut tout à fait utiliser ce type de relevés comme preuves que la personne utilise son matériel professionnel à des fins privées dans le cadre de ses heures de travail. Cela étant dit, on ne peut aucunement se servir du contenu de ses communications contre lui.

Comment un employé peut-il se protéger?

«S’il veut être certain qu’un e-mail ne soit pas lu, il est important qu’il indique dans l’objet que son contenu est 'privé', 'personnel' ou 'confidentiel'. Ensuite, s’il se sent victime de surveillance excessive, il peut toujours aller au pénal, mais c’est très rare en dehors d’un litige. La plupart du temps, la situation se règle dans l’entreprise. Lors d’un licenciement, il appartiendra toujours à l’employeur de démontrer le fondement de sa démarche. Je conseille toujours aux entreprises de rédiger un code de bonnes pratiques ou un règlement de travail fixant ce qui est permis en matière de communications privées ou d’usage des réseaux sociaux et ce qui ne l’est pas. En ayant une politique claire et écrite, on peut anticiper certains litiges. Suite à l’explosion des moyens de communication, ce type d’affaires va continuer à se multiplier.

Que prévoit la loi luxembourgeoise dans ce domaine?

«La jurisprudence luxembourgeoise suit la même logique. Ainsi, dans un arrêt datant de novembre 2015, la Cour précise que si les intérêts de l’employeur l’exigent, il est possible de porter atteinte au respect de la vie privée, mais à certaines conditions précises. Une entreprise doit pouvoir contrôler ses travailleurs de manière raisonnable pour assurer le bon déroulement de ses activités. Cela ne veut pas dire qu’elle peut tout faire. Plusieurs lois fixent des principes de référence, dont celle du 2 août 2002 et du 30 mai 2005. Nous avons tout l’arsenal juridique nécessaire. Il ne faut, à mon sens, pas légiférer davantage, mais appliquer les principes de manière intelligente et responsable.»