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«L’intégration d’une pensée de recyclage dans le processus de développement d’un projet doit se faire avant la construction, c’est-à-dire au moment où les plans et les stratégies d’urbanisme portant sur les affectations et dimensions des bâtiments sont couchés sur papier.» 

Madame Fabeck, comment la durabilité impacte-t-elle le marché de l’architecture: est-ce un facteur de différenciation, une valeur ajoutée ou une contrainte?

«Depuis 15 ans plus ou moins, les certifications poussent de terre comme des champignons. Les clients se posent la question de savoir quelle certification choisir pour accompagner le développement de leurs projets. Dans le terme ‘marché de l’architecture’ se cache le nerf de la guerre qui est celui de l’investissement, de la valeur.

Il est intéressant pour nous, architectes, de voir que certains de nos clients refusent de faire certifier un bâtiment, pour d’autres, c’est un must. Malheureusement ou heureusement, la certification est devenue aujourd’hui un indicateur pour mesurer la durabilité du bâtiment et donc sa valeur dans le temps. Personnellement, j’espère que d’ici quelques années, on n’aura plus besoin de certifier des bâtiments et qu’on ne parlera plus de différenciation, valeur ajoutée ou de contrainte, mais qu’on parlera simplement de responsabilité morale, de bon sens et d’innovation, et que les acteurs développeront des constructions mettant au premier plan le bien-être de l’humain. Le système de points et de cases cochées des certifications ne garantit pas nécessairement une qualité architecturale et urbanistique.

La façon de construire de manière durable ne doit plus être un choix, mais une démarche naturelle de tous les acteurs. 

L’intégration d’une pensée de recyclage dans le processus de développement d’un projet doit se faire avant la construction.

Tatiana Fabeck

Comment intégrez-vous le «recyclage» de bâtiments dans votre réflexion de construction?

«On n’a jamais parlé autant de ‘recyclage’ ou de ‘upcyclage’ de bâtiments que depuis un certain nombre d’années, c’est-à-dire depuis le constat flagrant que bon nombre de bâtiments ne sont que difficilement recyclables et nécessitent d’être rasés pour faire place à de nouvelles constructions.

L’intégration d’une pensée de recyclage dans le processus de développement d’un projet doit se faire avant la construction, c’est-à-dire au moment où les plans et les stratégies d’urbanisme portant sur les affectations et dimensions des bâtiments sont couchés sur papier.

Ainsi, pour les développements de quartiers de ville ou en milieu rural, c’est le politicien, ensemble avec l’urbaniste, qui a les rênes en mains, car ils définissent les affectations et les mètres carrés. Dans un monde qui change aussi rapidement que le nôtre, il faudrait cependant davantage d’outils permettant de simplifier au maximum des changements d’affectations, sans que cela engendre des procédures administratives longues et fastidieuses.

Lors du développement concret d’un projet, nous devons intégrer la notion de recyclage dans l’ensemble de nos réflexions. Ainsi, une structure porteuse bien pensée et flexible, accompagnée d’une installation technique accessible et facilement démontable, une absence de couches indissociables sont des atouts permettant de générer des bâtiments simples et intelligents.

‘Last but not least’, nous avons une responsabilité majeure dans le choix des matériaux que nous choisissons pour construire.

Nous vivons donc une phase de sensibilisation et de transition.

Tatiana Fabeck

Les coûts de l’innovation et de la durabilité sont-ils un frein au développement de l’architecture?

«Tout est une question de temps. Si à l’heure actuelle le fait de construire de manière durable et innovatrice peut engendrer des coûts qui peuvent être un obstacle, j’estime toutefois que cela ne constitue pas un frein au développement de l’architecture, mais génère une éternelle recherche. Nous vivons une période extrêmement intéressante, dans laquelle notre société, après de longues années de gaspillage de ressources, est fortement sensibilisée à respecter ces dernières. Nous vivons donc une phase de sensibilisation et de transition. S’il existe une prise de conscience générale, accompagnée d’un plus fort intérêt pour l’innovation et la durabilité, les coûts y afférents vont s’harmoniser, car c’est une question d’offre et de demande. Ainsi, par exemple, la construction en bois est en train de se développer à grande vitesse, car la demande est forte et forcément les prix deviennent plus attractifs.

L’architecte et l’ingénieur ont un rôle primordial dans la sensibilisation et le conseil envers leurs clients pour les orienter vers des projets durables et innovateurs en analysant les priorités avec du bon sens. Pour garantir cette façon de procéder, les architectes et ingénieurs doivent constamment se former et s’intéresser aux nouveautés sur le marché de la construction.»

Les inscriptions au «10x6 Architecture: Innovation & Sustainability» sont ouvertes sur le site du Paperjam Club.