Si la mutation digitale est primordiale, «tout futur modèle devra impérativement conserver cet aspect humain», indique Olivier Carré, banking leader chez PwC Luxembourg. (Photo: PwC Luxembourg)

Si la mutation digitale est primordiale, «tout futur modèle devra impérativement conserver cet aspect humain», indique Olivier Carré, banking leader chez PwC Luxembourg. (Photo: PwC Luxembourg)

M. Carré, pourquoi le secteur de la gestion de patrimoine peine-t-il à se mettre au «tout» digital?

«Actuellement, la gestion de patrimoine est l'un des secteurs les moins digitalisés du monde financier. Très peu de gestionnaires de patrimoine ont automatisé leurs services de gestion et digitalisé leur interaction avec les investisseurs, excepté leurs services de back-office et les fonctions administratives. Selon notre dernier rapport, les acteurs utilisent des canaux obsolètes ou standards. La plupart d’entre eux investissent dans des sites web et des applications mobiles de base, autant dire avec 10 ans de retard.

Quant aux nouveaux canaux de communication, à peine un gestionnaire sur 10 utilise les médias sociaux pour se mettre en relation avec ses clients. C’est d’autant plus effrayant que nous assistons à un déni collectif. Alors que certains n’ont pas conscience de leurs lacunes technologiques, d’autres surestiment leur capacité digitale en offrant simplement à leurs clients un site web. Cette réticence était pendant longtemps justifiée par le fait que les clients souhaitaient conserver un contact direct et personnel avec leur banquier privé. Bien que cela constitue et constituera toujours un pilier important de la qualité de service, complémenter cette relation par des canaux digitaux deviendra selon nous l’élément distinctif dans les années à venir. 

Qu’en est-il justement de la clientèle et de ses besoins?

«Les deux tiers (69%) des clients très fortunés (plus connus sous le nom de 'high net worth individuals') utilisent des services de banque en ligne, près de la moitié d’entre eux ont recours à ces canaux pour consulter leur portefeuille et plus d'un client sur trois utilisent déjà des services en ligne pour la gestion de leur portefeuille. L'offre actuelle ne correspond donc plus du tout aux attentes des clients. Le secteur est devenu vulnérable et le risque est bien entendu de se faire coiffer au poteau par les fintech.

Quelles stratégies les gestionnaires de patrimoine doivent-ils mettre en place à la lumière de ces constats?

Plusieurs pistes sont à envisager, parmi lesquelles:

  • Créer une infrastructure digitale complète intégrant tous les aspects de leurs activités et de la culture d'entreprise, du back-office à la relation client en passant par les opportunités d’affaires.
  • Exploiter le potentiel du digital pour la gestion des coûts et faire avancer leur offre client en se fondant sur une large gamme de données disponibles.
  • Créer des tandems stratégiques avec les fintech pour fournir des solutions technologiques à la mesure des attentes du marché.  

Si la dimension digitale est de rigueur, elle doit aller de pair avec une relation client de proximité. Ceci sera d’autant plus important dans un contexte réglementaire de Mifid II, imposant une qualification des services rendus et un suivi accru en termes de reporting aux clients. Le gestionnaire de patrimoine bénéficie de facto d’une grande confiance de la part de son client. Tout futur modèle devra impérativement conserver cet aspect humain.»