Bertrand Brackman (SAP Luxembourg): «Les entreprises ont parfois des difficultés à bien évaluer le retour sur investissement de la transformation numérique.» (Photo: SAP)

Bertrand Brackman (SAP Luxembourg): «Les entreprises ont parfois des difficultés à bien évaluer le retour sur investissement de la transformation numérique.» (Photo: SAP)

Monsieur Brackman, on parle beaucoup de transformation digitale depuis quelque temps. Avez-vous le sentiment que les entreprises sont réellement conscientes des enjeux et bien engagées dans ce processus?

«Je remarque que la plupart des entreprises ont l'intention d'investir dans l'innovation, et ce surtout afin de renforcer leur position concurrentielle. D’après les résultats de l’enquête sur la transformation digitale que Market Probe a réalisée pour SAP Belux, ce qui ressort surtout, c’est un sentiment d’imminence au changement.

En effet, 25% des entreprises s’attendent à ce que 2016 soit l’année où les innovations numériques vont changer profondément leur industrie. Cette tendance de la transformation digitale est bien plus rapide et plus profonde que ce que l’on aurait pu croire.

Les entreprises sont pragmatiques, surtout dès qu'il s'agit d'innovation.

Bertrand Brackman, country sales manager de SAP Luxembourg

Par contre, notre enquête montre également que si quatre entreprises sur cinq déclarent souhaiter investir dans l’innovation technologique dans les années à venir, elles ne consacrent que seulement 25% de leurs budgets informatiques à de nouveaux projets. Il y a donc une contradiction réelle entre la volonté de se tourner vers la transformation digitale et les décisions qui sont prises dans la pratique.

Les entreprises sont pragmatiques, surtout dès qu'il s'agit d'innovation. Même en comprenant le potentiel du digital, elles ont parfois tendance à se tenir à distance parce qu'elles craignent des problèmes de sécurité; elles ne veulent pas davantage de systèmes ou processus trop intrusifs. J'observe aussi que les entreprises ont parfois des difficultés à bien évaluer le retour sur investissement.

 

Quel est, en matière de transformation digitale, le volet le plus crucial pour les entreprises?

«C’est la notion même d'innovation qui est parfois trop large, trop étendue, au point qu’on ne puisse plus savoir à qui revient la responsabilité. D’après notre enquête, on remarque que le département IT pourrait jouer un rôle plus important dans la stratégie d'innovation des entreprises mais je trouve qu’il faudrait aussi impliquer dans le processus davantage de responsables de différents services de l’entreprise.

En effet, on remarque que ce sont les PME qui sont les plus innovantes. Ce qui n’a rien d’étonnant. Si les PME innovent plus que les plus grandes organisations, c'est surtout parce qu'elles sont plus souples, et donc moins tenues à des règles de fonctionnement qui étouffent la créativité out of the box.

Très peu d'entreprises ont un département spécifiquement en charge de l'innovation

Bertrand Brackman, country sales manager de SAP Luxembourg

Les entreprises sont parfaitement conscientes de l'importance de l'innovation numérique, mais, dans la pratique, les initiatives dans ce domaine font encore défaut. Une seule très petite part du budget IT des entreprises belges est investie dans le changement et très peu d'entreprises ont un département spécifiquement en charge de l'innovation. On observe la même situation au Luxembourg.  Pourtant, la transformation numérique est une donnée réelle dont les entreprises doivent plus que jamais tenir compte pour ne pas se retrouver à la traîne.

Il est d'une importance capitale que les entreprises revoient à temps leur modèle économique, ainsi que leurs approches du marché dans le cadre de la transformation numérique, avant que de nouveaux concurrents numériques se profilent avec une offre disruptive.

 

Le Luxembourg vous semble-t-il un terrain plus propice que d’autres pour avancer rapidement dans cette démarche de transformation digitale?

«Le Luxembourg se montre toujours très dynamique lorsqu’il s’agit d’anticiper les nouvelles pratiques. On peut prendre pour exemple la stratégie du gouvernement en matière d'innovation qui est un modèle en la matière. Le pays est aussi une figure de proue, au niveau européen, que ce soit via les capacités offertes en matière de connectivité ou de centres de données ultra-modernes.

Le pays compte aussi une offre importante, que ce soit publique ou privée, pour soutenir des start-up innovantes. D’ailleurs, il est intéressant de noter que le Luxembourg vient d’être classé neuvième dans le dernier Global Innovation Index (source: Metropole May 2016, Vienna), devant l’Allemagne et le Canada par exemple.

Pour le reste, il me semble que le pays a toujours été en phase avec l’évolution du monde et dans bien des domaines un pays de référence. Sa prospérité est essentiellement due à sa capacité depuis des années à développer de vraies expertises et à exister, malgré sa petite taille, sur l’échiquier mondial. Je dirais donc que pour préserver cette position, le Luxembourg doit plus que d’autres innover, et tirer profit de l’économie digitale pour proposer ses expertises fortes au reste du monde et accroître ses parts de marché.

Enfin, la transformation digitale trouve sa raison d’être dans l’impératif sine qua non de rencontrer les attentes de l’utilisateur final, qu’il soit citoyen ou client, et d’interagir avec lui en temps réel à bon escient lors de chaque interaction. À ce titre, les aspirations des clients ou citoyens au Grand-Duché ne sont pas différentes de ceux du reste du monde.

Donc, je dirais que l’innovation au Luxembourg est en marche car ce n’est pas un choix, mais une question de survie.»

SAP Forum, le 1er juin à Neimënster