Jan Grimbrandt (Boson Energy): «Être ‘circulaire’ fait beaucoup de sens dans le business» (Photo: Boson Energy)

Jan Grimbrandt (Boson Energy): «Être ‘circulaire’ fait beaucoup de sens dans le business» (Photo: Boson Energy)

Après la double annonce de l’étroite collaboration entre Paul Wurth et Boson Energy, les ambitions de la jeune société basée à Grevenmacher sont toujours plus élevées. Il se réjouit de trouver au Luxembourg un terreau fertile pour développer un modèle d’économie circulaire.

Monsieur Grimbrandt, pensez-vous que le concept de l'économie circulaire est vraiment bien compris et assimilé dans le monde des affaires? Ou bien reste-t-il encore beaucoup d'évangélisation à faire?

«D'une manière générale, la notion d’économie circulaire commence à bien prendre. Ce n’est donc pas comme si nous partions de zéro. Ceci étant dit, cela reste un concept très perturbateur et il y a un long chemin à parcourir pour en saisir toutes les implications à tous les niveaux: technologique, commercial, opérationnel.

Aller vers ce mode circulaire plutôt que de rester sur un mode linéaire traditionnel dans la façon de ‘vendre des choses’ nécessite de nouvelles approches, que ce soit de la part des entreprises et des consommateurs, mais aussi du secteur public. Alors oui, il y a encore de l’évangélisation à faire. Mais plus important encore, nous devons fournir des exemples issus la vie réelle, avec des business models selon lesquels nous sommes passés de la vente de ‘choses’ à la vente d’une performance tout au long d’un cycle de vie.

Si les producteurs ne franchissent pas ce pas et ne prennent pas leurs responsabilités, les bénéfices que l’on peut tirer de la chaîne de valeur ne seront pas ce qu'ils devraient être et l’économie circulaire n'ira nulle part. Je crois fondamentalement en un changement poussé par le volet commercial. Être ‘circulaire’ fait beaucoup de sens dans le business. Les entreprises qui sont capables de le faire correctement seront en mesure de ‘boucler la boucle’.

Le Luxembourg est-il un laboratoire idéal pour de tels développements ?

«Je pense que le pays dispose d'un certain nombre d’atouts intéressants pour prendre les choses en mains en la matière. Tout d'abord, il a maintenu une base industrielle de productions à forte valeur ajoutée employant des personnes hautement qualifiées. Posséder cette base industrielle aide évidemment, si vous voulez réussir à innover et réinventer des produits et des procédés industriels. Nous avons aussi choisi le Luxembourg pour cela et nous avons trouvé avec Paul Wurth, SAB et Apateq, des partenaires stratégiques compétents ayant eux aussi l'ambition d'innover.

Ensuite, il y a ici des investissements massifs dans les TIC, et l'accent mis sur la sécurité des données, sur la puissance de calcul, et sur les approches big data, qui sont essentielles dans une économie performante.

Prenons l’exemple de notre domaine d’activité: la gazéification de combustibles solides. Il s’agit d’une technologie ancienne et très ‘traditionnelle’. Mais pour obtenir des performances supérieures, on a besoin de contrôles avancés pour optimiser le processus; on a besoin de modéliser l'usure pour optimiser la construction, l'entretien et le service; on a besoin de comprendre et de modéliser l'utilisation par les clients finaux de la puissance et de l'énergie thermique qui est produite. Nous avons recruté un mathématicien qui travaille en profondeur sur tous les aspects de notre technologie et de notre business.

Enfin, le Luxembourg a réussi la transition d'une économie très industrielle vers une économie largement basée sur les services. Cela va aider à entreprendre le mouvement suivant pour passer d’un modèle linéaire à un modèle circulaire.

Il n'y aura pas de changement de paradigme sans les bons outils de financement.

Jan Grimbrandt, CEO de Boson Energy

Le financement et l’ingénierie financière joueront également un rôle-clé dans cette transition. Avoir au Luxembourg une place financière de ce niveau est donc très pratique, à condition qu’elle aussi soit prête à faire ce changement.

Enfin, la taille du pays, l’approche pro-business et le soutien du gouvernement joueront également un rôle-clé.

Comment les modes de financement doivent-ils justement être adaptés pour répondre aux défis de l'économie circulaire?

«Tout d'abord, il est clair qu’il n'y aura pas de changement de paradigme sans les bons outils de financement. Le mot ‘circulaire’ dit tout: il faut ‘encercler’ l’entièreté de l’écosystème, tout le parcours depuis l'ingénierie mécanique jusqu’à l'ingénierie financière.

Si notre business consiste à vendre la performance tout au long du cycle de vie, nous allons alors exiger de nos fournisseurs la même approche, et ils vont pousser plus loin leur démarche à leur tour.

Mais à un moment donné, il faudra bien acheter la matière première (neuve ou recyclée) et c’est là qu’il faudra avoir les financements nécessaires.  

Conserver de l’argent sur des comptes bancaires n’est pas très intéressant à l’heure actuelle, avec des taux d'intérêt négatifs. Les institutions financières ‘traditionnelles’, les banques, devront vraiment faire un acte de foi, sans quoi elles vont complètement perdre leur pertinence dans le financement d'un monde circulaire.

Pour offrir des performances tout au long du cycle de vie, il doit y avoir des choses mises en place, même si elles génèrent avant tout un service plutôt qu’une vente. L’ingénierie financière demeure donc la clé.

Aujourd’hui, les institutions financières qui ne sont pas prêtes à bâtir les compétences pour générer de la valeur ajoutée ni à partager le risque qui en découle ne sont pas prêtes d’être récompensées.

D'autres acteurs vont prendre leur place dans la chaîne de valeur, tout comme cela se passe avec les fonds de pension dans le domaine des énergies solaires et éoliennes et qui gèrent leurs projets eux-mêmes.»