Denis Scuto a participé à l'oeuvre collective, analysant «Le siècle du Tageblatt». (Photo : licence CC))

Denis Scuto a participé à l'oeuvre collective, analysant «Le siècle du Tageblatt». (Photo : licence CC))

Monsieur Scuto, comment résumer l’idée et le propos de cet ensemble de 5 livres, dont la sortie officielle a lieu ce jeudi?

«C’est un ouvrage collectif, pour lequel nous avons coordonné la démarche, en lui apportant la caution scientifique. C’est un travail de chercheurs, de lecteurs contemporains et d’historiens. Au travers du centenaire du Tageblatt, c’est l’histoire du pays que l’on suit, en 100 ans de perception de l’actualité. Il y a avait déjà eu un travail de compilation et d’analyse mené en 1995, dans le cadre de l’année culturelle.

En 1977, le Tageblatt avait publié une collection de unes notamment, à l’occasion de ses… 50 ans. Car c’est sous l’ère d’Alvin Sold, dans les années 80, que la une du Tageblatt a réaffiché la date de fondation véritable, 1913. Entre 1913 et 1927, le journal était celui du front des gauches, socialiste, libérale et radicale. En 1927, c’est le syndicat socialiste et le parti ouvrier qui ont pris la main sur le Tageblatt, après la scission du front, les libéraux étant considérés comme le camp opposé, celui des patrons… Donc, jusqu’à la fin des années 70, la ligne éditoriale de gauche avait comme effacé les premières années d’existence du journal…

Le coffret propose cinq livres, qui proposent cinq objets différents?

«Oui chaque livre a sa logique. Le 1, c’est la radioscopie du Tageblatt, l’analyse des grands jalons historiques, l’évolution de la ligne éditoriale en lien avec les dirigeants, les forces en présence, l’histoire du pays et le contexte politique et socioéconomique. On y évoque aussi les grandes figures qui ont marqué les 100 ans du quotidien. Le livre 2 est le fruit d’un gros travail collectif et permet vraiment d’analyser le fil de l’actualité sur cent ans, au travers de la façon dont ont été couverts les grands faits de l’actualité, comment ils ont été analysés, commentés, traités…

La troisième partie est bâtie sur une idée à laquelle Alvin Sold tenait: demander aux journalistes d’aujourd’hui de jeter un regard sur l’histoire de leur propre journal. C’est de l’archéologie journalistique menée par la rédaction contemporaine. Le livre 4, s’arrête, grâce au travail de Paul Lesch surtout, sur le talent et l’insolence méconnue d’Albert Simon, le caricaturiste attitré du Tageblatt des années 1930 au début des années 50. Le traitement de l’actualité en quelques traits, dans ces périodes troublées, du fascisme, du nazisme, est passionnant. Simon a eu, sous des dehors de dessins amusants, un côté très corrosif, très direct. On a donc là une forme d’hommage, assez fouillé et plutôt appuyé.

La dernière partie, enfin, propose de voyager à travers le siècle. C’est une sélection de grands articles, de sujets emblématiques.

Pour un historien, c’est aussi une sorte de devoir de mémoire, de plaidoyer pour l’importance de la presse?

«Absolument, la presse est un outil fantastique pour les chercheurs. Le Tageblatt fait partie intégrante de l’histoire du pays. L’ouvrage en cinq tomes est collectif et est le fruit de plusieurs regards aux origines différentes, ce qui permet un périple inédit à travers un siècle de changements dramatiques qui ont marqué le Luxembourg et l’Europe. Il y a une analyse, un décryptage, des points de vue de sociologues, de journalistes, d’historiens, d’archivistes. Je crois que ce travail de recherche a une valeur historique. Il pourra, qui sait, servir de base au travail de futurs chercheurs… Pourvu que, demain, il y ait encore des chercheurs pour s’intéresser à la presse. C’est un outil fondamental pour observer l’évolution d’une société.»