Pieyre-Alexandre Anglade: «Il faut faire en sorte que les infrastructures de transport permettent aux frontaliers d’accéder correctement au Luxembourg pour pouvoir travailler.» (Photo: DR)

Pieyre-Alexandre Anglade: «Il faut faire en sorte que les infrastructures de transport permettent aux frontaliers d’accéder correctement au Luxembourg pour pouvoir travailler.» (Photo: DR)

Monsieur Anglade, pour la deuxième fois en à peine un mois, le président français Emmanuel Macron va rencontrer ce mardi – à Luxembourg, après Paris en juillet – le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel. Quel est selon vous le message de ce type de rencontre dans le contexte européen que l’on connaît?

«Le Luxembourg est un pays frontalier, voisin et ami de la France, et fondateur de l’Union européenne. Et il y a une proximité historique et géographique entre nos deux pays qui fait que le chef d’État français est amené à se rendre régulièrement à Luxembourg. S’y ajoutent par ailleurs une proximité générationnelle entre les deux hommes – qui sont plus ou moins du même âge – et une proximité idéologique et intellectuelle puisque les deux sont dans un courant politique et philosophique qui peut se rapprocher à certains égards.

Dans le contexte européen du moment, affirmé du côté français, il existe une véritable volonté de transformer cette Union européenne qui – aux yeux du président de la République – ne fonctionne plus comme elle devrait fonctionner. Il souhaite donc rencontrer celles et ceux qui sont constructifs, veulent travailler et souhaitent aller de l’avant sur cette refondation. Et Xavier Bettel en fait clairement partie, comme le Premier ministre belge Charles Michel, la chancelière allemande Angela Merkel et quelques autres.

Xavier Bettel est quelqu’un d’important, qui est au pouvoir depuis quelques années. Il est au cœur de l’Union européenne, dont il connaît bien l’ingénierie, les rouages. Il est donc naturel que les deux hommes soient amenés à se rencontrer régulièrement.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la situation politique en France, au vu notamment de la cote de popularité d’Emmanuel Macron, qui n’atteint que 40% d’opinions favorables?

«Vous savez, je regarde ça avec beaucoup de détachement. Parce qu’on ne peut pas uniquement regarder les sondages pour gouverner, et encore moins les sondages de popularité. J’ai des souvenirs d’hommes et de femmes politiques qui étaient extrêmement populaires dans l’opinion mais qui, in fine, au moment d’élections, ne gagnaient jamais ou n’arrivaient jamais à convertir cette popularité, cette affection que les Français pouvaient leur porter, en capital politique.

Alors aujourd’hui, il y a effectivement une cote de popularité de notre président qui apparaît comme faible ou peu favorable, et ça nous dit des choses. Mais je crois qu’il ne faut pas rester les yeux collés là-dessus. Nous assumons une part d’impopularité à condition que la politique que nous allons mettre en place fonctionne.

Peut-être faut-il aussi redonner un peu de sens à ce que l’on fait. Peut-être n’a-t-on pas suffisamment expliqué l’orientation qui est la nôtre. En France, c’est très important qu’expliquer où l’on va – dans un premier temps – puis comment on y va. Et cela, on ne l’a peut-être pas fait assez clairement.

En tant que député des Français du Benelux, quelle priorité souhaiteriez-vous suggérer à votre président en termes de renforcement des relations franco-luxembourgeoises?  

«Pour en parler au président, il faut d’abord que ce soit quelque chose d’important. Je crois que l’Union européenne est centrale, et qu’il convient de rassembler aujourd’hui celles et ceux qui veulent transformer l’Union européenne parce que sa façon de fonctionner – ainsi que celle de ses institutions – donne aux Européens le sentiment qu’ils ne sont plus maîtres de leur destin, ce qui génère du populisme.

Ça, il faut absolument qu’on le transforme rapidement, et c’est ce vers quoi notre président souhaite entraîner Xavier Bettel, même si c’est déjà le cas.

Au niveau des relations entre nos deux pays, il y a la question des 90.000 frontaliers. Pour eux, il faut faire en sorte que les infrastructures de transport leur permettent d’accéder correctement au Luxembourg pour pouvoir travailler. Il va falloir qu’on avance là-dessus. J’espère que c’est un sujet qui, lorsque notre président de la République rencontrera Xavier Bettel, fera l’objet d’un échange.

Mais il faut faire en sorte que le Luxembourg y mette aussi un peu du sien, car le Grand-Duché bénéficie de ces frontaliers qui viennent chaque jour y travailler. C’est du donnant-donnant. Il faut qu’ensemble, avec les régions concernées, dans la Grande Région, on arrive à faire en sorte que les infrastructures de transport pour les frontaliers soient plus efficientes. Ce qui n’est pas le cas. Et si on n’arrive pas à régler ça, un jour les relations économiques entre nos deux pays – qui sont plutôt bonnes – se dégraderont. Et tout le monde sera perdant. Des deux côtés de la frontière, on a intérêt à prendre ça en compte au plus vite.»