Murielle Filipucci (Photo: PwC Luxembourg)

Murielle Filipucci (Photo: PwC Luxembourg)

Madame Filipucci, le 1er janvier entrera en vigueur l’échange automatique d’informations entre les États membres de l’Union européenne. Peut-on rappeler les modalités de cet échange entre administrations et ce qu’il va impliquer comme changements pour l’administration luxembourgeoise?

«La loi du 25 novembre 2014 qui a été adoptée sur la base du champ d’application de la directive 2003/48/CE, dite directive Épargne, prévoit l’échange automatique d’informations concernant les paiements d’intérêts que des agents payeurs établis au Luxembourg effectuent en faveur de personnes physiques qui ont leur résidence fiscale dans un autre État Membre de l’UE.

Ceci signifie qu’à partir du 1er janvier 2015, la retenue à la source sur intérêts prévue de façon transitoire par le Luxembourg sur la base de la directive épargne et qui était de 35% ne sera plus prélevée par les agents payeurs luxembourgeois. Il sera dès lors procédé à l'échange automatique d'informations portant sur les revenus d'intérêts.

L’agent payeur luxembourgeois devra transmettre les informations requises à l’Administration des contributions directes, qui communiquera ensuite les informations aux autorités fiscales compétentes des autres États Membres. La première communication automatique d’informations entre autorités compétentes aura lieu en 2016 et portera sur les revenus d’intérêts payés en 2015.

Est-ce que les établissements financiers sont prêts? Quel a été le coût de cette préparation?

«Depuis avril 2013, une date déterminante pour le Grand-Duché qui acceptait de sortir de la période transitoire de la directive européenne sur l'épargne, la mise en place de cet échange automatique avait été anticipée par les banques et leurs clients. De nombreux établissements financiers encourageaient d’ailleurs déjà leurs clients à se mettre en règle avec les autorités fiscales de leur pays de résidence.

Paradoxalement, les coûts liés à ce premier échange automatique de données ne devraient pas être trop importants pour les agents payeurs. En effet, ni le protocole informatique ni le canal de transmission vers l'administration utilisés n'ont été modifiés depuis leur mise en place en 2005. En effet, depuis 2005, et à la demande expresse de certains de leurs clients souhaitant déjà dans le passé échanger ce type d'informations, les agents payeurs transmettaient les données à l'administration fiscale luxembourgeoise sur la base du même périmètre d'instruments financiers concernés. Seuls les volumes de données vont être plus importants et le passage à un envoi automatique sans validation manuelle peuvent nécessiter de nouveaux développements informatiques voire le changement de certaines procédures en interne.

Afin d’éviter tout surcoût, une attention particulière de la part des banques devra néanmoins porter sur le délai et l’exactitude des informations à transmettre. En cas de communication tardive ou inexacte d’informations, l’agent payeur peut encourir une pénalité allant jusqu’à 0,5% du montant qui aurait dû être communiqué.

Enfin, il conviendra pour les banques de s’assurer que les procédures en place ménagent toute possibilité d’atteinte à la vie privée et à la protection des données personnelles dans le cadre de l’échange.

L’échange qui débutera ces prochains jours découle d’une directive de 2003 sur les produits de l’épargne. Qu’en sera-t-il en 2017 lorsqu’elle sera étendue? Se dirige-t-on vers un échange d’autres produits? Et si oui, lesquels?

«L’échange automatique d’informations sur la base de la directive Épargne est un début, une première brèche dans le secret bancaire. L’échange automatique d’informations connait une évolution accélérée sous l'impulsion du G20 et de l'OCDE en direction d'une approche qualifiée de 'big bang' de l'échange d'informations dès 2017, via la création d'une norme mondiale unique pour l'échange automatique de renseignements ('Common Reporting Standard' ou CRS).

Cette accélération est déjà en cours. Au niveau européen, le Conseil a adopté une proposition de modification d’une autre directive, la directive Coopération administrative (2011/16/EU) en prenant appui sur la norme CRS, élargissant le champ d'application de l'échange automatique d'informations pour des raisons fiscales au sein des 28 États Membres de l’Union européenne et applicable dès 2017.

Le projet de directive Coopération administrative révisé étendra ainsi substantiellement le champ d'application de l’échange automatique d’informations qui s’appliquera aux intérêts, aux dividendes, au produit brut de la vente d'actifs financiers et aux autres revenus financiers, ainsi qu'aux soldes de comptes. Le champ d’application est donc proche de celui de Fatca, étant entendu que l’échange aura lieu cette fois-ci entre les 28 États Membres. Cet échange s'établira de manière progressive mais les banques devront être prêtes dès le 1er janvier 2016 notamment dans la connaissance de la résidence fiscale de leurs clients.

Plus large encore, cet échange ne sera pas restreint aux personnes physiques, mais serait également applicable en cas de détention par des structures intermédiaires. Certaines dispositions visent en effet à limiter les possibilités de soustraction à la transparence par la mise en place de structures patrimoniales.

Enfin, la norme CRS s'appliquera également au-delà des frontières de l'Union européenne dans la mesure où, au total, 51 pays signataires se sont engagés à débuter l'échange d'informations dès septembre 2017, et une trentaine d'autre pays se sont engagés dans un accord séparé à être prêts dès 2018 (dont la Suisse).

Cette nouvelle vague de transparence confrontera donc les banques luxembourgeoises à des défis bien plus larges en termes d’adaptation de leurs systèmes informatiques et de connaissance de la conformité fiscale de leurs clients, défis qu’elles devront relever tout en maitrisant les coûts et les risques liés à cette transition.»