«Art et investissement» (éd. Ars Vivens) propose une analyse de la formation de la valeur de l’art. (Photo: DR)

«Art et investissement» (éd. Ars Vivens) propose une analyse de la formation de la valeur de l’art. (Photo: DR)

Monsieur d’Espiguers, vous avez récemment écrit «Art et investissement», un ouvrage dans lequel vous faites valoir que l’art est une classe d’actif tout à fait pertinente dans un portefeuille moderne. En quelques mots, pourquoi?

«Aujourd’hui, l’art mérite d’entrer dans les patrimoines les mieux gérés pour au moins trois raisons. La rentabilité de l’art est souvent bonne, même si les outils ou techniques pour la mesurer déroutent un peu les financiers. Le constat des rendements positifs de l’art est fait depuis plus de trois décennies par les économistes.

Le marché de l’art s’est développé, sécurisé. Il est désormais mature et attire des millions de collectionneurs habituels et des dizaines de millions d’acheteurs occasionnels. Cette évolution apporte plus d’efficacité, de visibilité, de liquidité. L’Internet accroît l’accès aux informations sur les œuvres, aux procédures d’achat en ligne ou aux enchères. Les mécanismes de valorisation s’améliorent, rendant l’achat d’art plus sûr.

Et la conjoncture est plus favorable. Un actif est intéressant en relation avec ce qu’offrent d’autres investissements. Aujourd’hui les faibles rendements et les niveaux de risques accrus affectent toutes les classes d’actifs et les déprécient. Dans ce contexte, avec un marché de l’art paraissant décorrélé des autres marchés, l’art reste une belle valeur refuge, avec le plaisir de surcroît.

Le gouvernement luxembourgeois travaille justement sur l’art comme axe de diversification de sa place financière avec notamment l’ouverture imminente d’un port franc. Quel regard portez-vous sur cette stratégie?

«Tout ce qui va dans le sens de la liberté, de l’assouplissement des contraintes et des procédures est une bonne nouvelle. Et inclure l’art pour diversifier la place financière est une excellente idée. Vous me direz que c’est normal venant d’un spécialiste de l’investissement en art. Pourtant c’est vrai.

L’art est un produit de très haute civilisation et de grande valeur ajoutée. Miser dessus n’est jamais un mauvais choix. Bien des instruments patrimoniaux peuvent être créés pour l’art, des stratégies, des outils, des fonds d’investissement de tous types. Cependant l’art est exigeant. Il demande des habitudes, des compétences spéciales qui doivent être maîtrisées pour assurer la réussite de tels projets. Il existe des règles propres au monde de l’art qu’il convient de respecter, des protocoles comportementaux, une forme d’art compliance, de conformité aux bonnes pratiques culturelles et économiques qui conditionnent la plupart des opérations, par exemple l’accès aux œuvres, les modalités de vente et revente ou les relations avec les artistes, les curateurs ou les galeristes.

L’investissement dans l’art comporte évidemment son lot de risques, notamment sa valorisation. Comment les juguler?

«La mesure du risque se fait à l’aune de la rentabilité. De ce point de vue, contrairement à une idée reçue, l’investissement en art n’est pas davantage risqué que l’achat de certaines dettes souveraines, d’immobilier de loisir au soleil ou de matières premières. La question est de connaître les stratégies, les techniques pour limiter les risques, comme je le montre dans mon tout récent livre Art et investissement (éditions Ars vivens, ndlr).

Le risque vient surtout de la méconnaissance. Savoir comment fonctionne le marché de l’art, où, quand, comment se forme la valeur des œuvres permet de bien acheter pour bien revendre et surmonter les difficultés associées à la valorisation.

Le risque est aussi lié à l’absence de stratégie d’investissement cohérente, correspondant à ses buts et moyens. Je propose de s’inspirer de stratégies qu’utilisent les grands collectionneurs, les fonds d’investissement ou les centres d’art, comme la diversification, la propension, la consolidation ou la spécialisation. À ces conditions (et quelques autres), il est tout à fait possible de considérer l’art comme un actif patrimonial rentable, plaisant et stimulant.»