Corinne Baylac: «Le monde globalisé impose d’organiser les solidarités linguistiques.»  (Photo: DR)

Corinne Baylac: «Le monde globalisé impose d’organiser les solidarités linguistiques.»  (Photo: DR)

Madame Baylac, ce samedi débute la Semaine de la francophonie. De quelle manière va-t-elle se traduire au Luxembourg? Quelles manifestations vont y être associées?

«Interrogé sur la Fête de la francophonie, Grand Corps Malade, qui est un célèbre artiste français, a répondu qu’‘il est important de garder le lien entre les francophones’. C’est le sens qu’il faut donner à la ‘Semaine de la langue française et de la francophonie - Enlivrez-vous, 12-20 mars 2016’.

La semaine de festivités rassemble autour de valeurs universelles, dont celle qui prône la diversité culturelle, plus de 250 millions de locuteurs dans le monde. Toutes les institutions culturelles et éducatives du Luxembourg, fervents artisans de la culture francophone, y sont naturellement associées. 

L’Institut français du Luxembourg organise, autour de la Journée internationale de la francophonie du 20 mars, une douzaine d’événements éducatifs et culturels. Je citerai trois événements qui me tiennent à cœur parce qu’ils s’adressent aux plus jeunes. D’abord, la Fête de la francophonie à l’École européenne II (Mamer) dont le point d’orgue est le concert du musicien belge Théo Mertens. L’artiste présentera des instruments de musique du monde et chantera des chansons francophones à l’occasion d’un concert interactif auprès des 24 classes de maternelle et de primaire de l'école.

Ensuite, en partenariat avec Tarantula Luxembourg, nous avons invité cinq classes d’élèves, âgés de 8 à 13 ans, à la projection du film ‘Tout en haut du monde’ du réalisateur français Rémi Chayé. Ce film d’animation a obtenu le prix du public au dernier festival d'Annecy. Il met en scène une jeune héroïne qui part sur les traces de son grand-père explorateur disparu en tentant de rejoindre le pôle Nord. Enfin, pour la troisième année consécutive, nous organisons un atelier slam au lycée de l’Athénée, animé par le slameur français Cyrille Dutilleux, alias Ozarm, organisateur de slams de poésie et événements poétiques et musicaux. 

Pour connaître l’ensemble des manifestations culturelles, il suffit de consulter notre agenda sur la page FB de l’Institut français du Luxembourg.

Comment se porte la francophonie au Luxembourg? Le français vous semble-t-il menacé par rapport à l’allemand ou au luxembourgeois, voire au portugais?

«Le français est une langue commune à la France et au Luxembourg, source de valeurs et de partage. Je ne plaide pas en faveur du français contre l’apprentissage des autres langues, mais dans le respect de toutes les langues.

La francophonie n’est pas une lutte contre l’anglais, mais une lutte contre le ‘tout anglais’. Notre approche se base sur le soutien à la diversité linguistique qui met à l’honneur la richesse des langues.

À ce titre, le Luxembourg reste un exemple formidable de mise en valeur des langues au quotidien. Ce qui importe, c’est la sauvegarde du multilinguisme tel qu’il est de tradition au Luxembourg et qui est une composante essentielle de l’identité luxembourgeoise et en même temps un garant pour une économie prospère et durable.

Il y a toute une panoplie de raisons qui me permettent de penser que la francophonie se porte bien au Luxembourg. Le français, langue officielle du Luxembourg, reste la langue la plus utilisée au travail, pour une part en raison du taux élevé de frontaliers provenant de France et de Belgique, et à la maison devant l’allemand et l’anglais. Il est aussi la langue véhiculaire de l’enseignement du second degré.

La place du français se consolide au Luxembourg au moyen d’actions de coopération intersectorielle. Par exemple, la 29e édition du concours des meilleurs élèves de français organisé au sein de l’ensemble des établissements secondaires luxembourgeois a remporté un franc succès.

De même, la demande d’apprentissage en français dans la formation continue connaît une forte croissance. À l’Institut français, nous enregistrons une augmentation de notre activité directe d’enseignement du français à destination des particuliers, des actifs ou encore des agents des institutions européennes.

Dans un monde globalisé où l’anglais s’affirme plus que jamais comme la seule langue universelle, quelle est la place qui doit être réservée au français?

«Dans le monde d’aujourd’hui, parler une seule langue étrangère ne suffit pas. Un élève qui parle plusieurs langues multipliera ses chances sur le marché luxembourgeois de l’emploi et au niveau international.

Apprendre une autre langue, c’est acquérir une richesse supplémentaire et s’ouvrir d’autres horizons, personnels et professionnels. Le français est une langue mondiale, parlée par 270 millions de locuteurs dans une trentaine d’États sur les cinq continents. Il est l’une des rares langues à être enseignée dans les systèmes éducatifs de tous les pays.

Pour accompagner la mondialisation, le français ne peut plus être une langue de culture réservée à une élite. L’apprentissage du français est utile pour les possibilités éducatives, économiques et créatives qu’offrent les pays qui l’ont en partage. Dans le monde, si l’anglais est de très loin, avec deux milliards d’élèves, la langue la plus apprise, le français se place en deuxième position avec près de 120 millions d’élèves. 

Certes l’anglais s’est imposé comme langue de transaction dans les sciences, la vie diplomatique, la finance et l’internet. Mais cela n’empêche pas le français de conserver un caractère de langue internationale, langue de travail dans les enceintes multilatérales (Onu, OMC, OCDE, OIT), européennes et au Conseil de l’Europe.

Le monde globalisé impose d’organiser les solidarités linguistiques. Les pays qui ont une langue en partage tendent à accroître leurs échanges de biens et de services dans de fortes proportions. Le français est une langue de communication internationale et la francophonie, dont le Luxembourg est un membre fondateur, est un véritable groupe d’influence dans les enceintes et les grands débats internationaux. Les évolutions du monde lui sont favorables.»