Hubert d’Ursel (Photo: DR)

Hubert d’Ursel (Photo: DR)

Monsieur d'Ursel, l’emballement des prix dans des ventes publiques, autour de certains artistes contemporains, ne risque-t-il pas de phagocyter la montée de nouveaux artistes, d’une «nouvelle génération créative»?

«Oui, la domination d'un petit nombre d’artistes due à la mode et la promotion mondiale par certaines galeries et auctioneers a créé un clivage entre ces artistes très en vogue et le reste de la création artistique. Peu d'artistes nouveaux arrivent à rentrer dans la cour des grands. Néanmoins, un certain rééquilibrage s'est fait ces 10 dernières années par l'arrivée de nombreux nouveaux artistes issus des pays émergents. Je pense en particulier à la Chine, certains pays du Golfe, l'Inde, le Brésil où d'immenses richesses se sont créées en un temps record. Des artistes de ces pays ont percé et certains sont des stars aujourd’hui soutenues par les millionnaires de leur pays d'origine.

L’art est en concurrence avec d’autres objets de collection, comme les voitures et des créations de design… Est-ce qu’il ne faudrait pas également redéfinir les frontières du marché de l’art?

«Non, l'art n'est pas en concurrence avec d'autres objets de collection. Tout est question de 'mode' du moment. La frontière entre l'art et les objets de collection se fait naturellement. Je prends pour exemple les voitures vintage, ce marché n'a jamais été aussi flamboyant qu'aujourd'hui! Ou encore le design: des designers célèbres ont été élevés au rang d'artiste depuis 2000. Diego Giacometti et le couple Lalanne et leur mobilier design sont devenus des artistes à part entière. Leurs meubles et objets sont des œuvres d'art et sont hyper à la mode. Les montres vintage et la BD ancienne sont d'autres exemples en marge de la création artistique qui connaissent une flambée sans précédent. La mode dicte tout, il n'y pas de frontière entre l'art et les objets de collections.

Le marché de l’art s’est mondialisé, et son centre – au moins pour les acheteurs – s’est déplacé vers de nouveaux pays: Chine, Russie, Brésil, pays du Golfe… Quelle place reste-t-il à la vieille Europe, en général, et au Luxembourg, en particulier?

«Le plus grand dominateur du marché en 2013 était les USA, reprenant la 1re place que la Chine leur avait prise pendant trois ans! L'Europe se porte bien, ou plutôt Londres et la Suisse sont très dominateurs en Europe. Londres est redevenue la place ‘hype’ pour l'art contemporain et talonne à nouveau les USA et la Chine sur ce segment. La France reste très en deçà de son potentiel, la fiscalité et la législation étant défavorables. La Suisse quant à elle possède un des plus grands stocks d’œuvres d’art au monde. L'Europe reste toujours le premier pourvoyeur d'art pour le marché mondial! Nos centres d'achat eux-mêmes ont glissé vers d'autres pays riches ayant des économies plus libérales. On observe quand même une décrue des stocks d'art en Europe, car les acheteurs y sont moins actifs. Les réglementations beaucoup plus restrictives quant à l'exportation d'œuvres d'art ont également freiné le marché de l'art dans nos régions, c'est inéluctable. Le Luxembourg se porte bien avec une nouvelle vague de collectionneurs d'art international. Le Mudam, l’ouverture de nouvelles galeries et des centres d'art comme le Casino et l'ouverture du Freeport ont indéniablement dynamisé la donne, les collectionneurs luxembourgeois sont plus nombreux qu'auparavant. En résumé, le marché se dirige vers les pays riches à plus forte croissance dont les économies sont plus libérales.»

Les inscriptions au 10x6 The business of art sont ouvertes sur le site du Paperjam Club.