Nicolas Buck: «Il nous faut d’une part atteindre une masse critique, et d’autre part travailler sur le financement.» (Photo: Gaelle lesure / Archives)

Nicolas Buck: «Il nous faut d’une part atteindre une masse critique, et d’autre part travailler sur le financement.» (Photo: Gaelle lesure / Archives)

Monsieur Buck, que manque-t-il à Luxembourg pour devenir une start-up nation? 

«Le Luxembourg a réalisé des progrès, c’est indéniable, mais nous manquons encore de visibilité au niveau international. Néanmoins, l’initiative Space Mining d’Étienne Schneider a des retombées positives sur l’image de notre économie et ceci englobe notre ambition de start-up nation. Le foisonnement des incubateurs est une bonne chose, car ils offrent des lieux de travail et de rencontre entre start-uppers et des espaces propices à la création. Combinés à la mise en place d’un urbanisme adapté à l’écosystème, ils sont importants, mais pas suffisants.

Au niveau du financement, aucun progrès n’a été enregistré ces cinq dernières années.

Nicolas Buck, président de la Fedil

Quels sont les éléments essentiels pour réaliser les objectifs ambitieux fixés par le gouvernement?

«Il nous faut d’une part atteindre une masse critique, et d’autre part travailler sur le financement. Concernant le premier point, la qualité de nos start-up n’est pas à un niveau comparable à celui d’autres écosystèmes européens. Les concours de pitch le soulignent régulièrement: le Luxembourg ne compte pas suffisamment de start-up de qualité, ce qui pose le problème de la taille critique. Il faudrait en compter 1.000 afin d’en ressortir 150 capables de grandir. Certaines feront alors 5 à 10 millions de CA, d’autres entre 20 et 50, et au final il en restera deux ou trois qui pourront prétendre atteindre des valorisations supérieures à 100 millions d’euros. Pour augmenter la masse critique, il convient de mobiliser l’école, l’université, les centres de recherche, mais aussi attirer des nomades qui viendront s’installer à Luxembourg et mobiliser les entreprises existantes pour favoriser l’open-innovation.

Au niveau du financement, aucun progrès n’a été enregistré ces cinq dernières années. Les potentiels investisseurs privés de type «business angels» n’ont pas été mobilisés et ne se sentent aujourd’hui pas concernés par l’écosystème start-up. Or, dans le financement d’une start-up, les business angels représentent 80% des capitaux contre 20% seulement pour les fonds de capital risque. Je vous donne l’exemple suivant: le LBAN (Luxembourg Business Angel Network) arrive à lever plus ou moins 6 millions d’euros par an avec son réseau de business angels. Un entrepreneur luxembourgeois vient pour sa part de lever 140 millions en six mois pour un fonds immobilier. Cela prendrait 23 ans au Lban pour mobiliser ce type d’épargne! Il faut donc repenser cette partie de l’écosystème de fond en comble.

L’État ne peut pas laisser prendre les risques financiers aux business angels sans contrepartie.

Nicolas Buck, président de la Fedil

Comment mobiliser l’épargne luxembourgeoise?

«Un moyen efficace est l’incitation fiscale. Le manque de volonté politique du ministre des Finances de porter ce type d’initiative s’avère particulièrement décevant. Le LBAN et l’UEL ont travaillé d’arrache-pied pour se retrouver in fine devant un constat d’échec. Ce maillage d’investisseurs est pourtant essentiel dans l’agrandissement et la pérennité de l’environnement start-up. L’État ne peut pas laisser prendre les risques financiers aux business angels sans contrepartie. Il doit avoir une vue dynamique de l’économie et garder à l’esprit que la plupart des start-up paieront des impôts un jour.»