Pourquoi avoir choisi d’exporter votre talent en dehors du Luxembourg?
«Pourquoi pas? Les projets à Luxembourg sont ouverts à la concurrence internationale, et heureusement cela fonctionne aussi en sens inverse. Après la suppression des frontières en Europe, puis l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux, la notion d’‘international’ s’est diluée. Notre équipe illustre cette perméabilité transfrontalière: nous employons des spécialistes formés dans des universités de plusieurs pays d’Europe, qui ont leurs propres formations et références, et n’ont pas peur d’appréhender un projet dans une autre langue.
D’une part, lorsque nous travaillons à l’étranger, nous pouvons appliquer et continuer à développer nos compétences spécifiques, dans certains domaines comme les bâtiments scolaires ou l’architecture carcérale. La surface de notre territoire étant limitée, il est nécessaire d’élargir notre zone d’intervention au moins aux pays voisins.
D’autre part, travailler à l’étranger présente certes des inconvénients liés à la distance physique, mais cela se révèle aussi très enrichissant: nous découvrons des lieux, des personnes, et des méthodes de travail (en conception et en exécution) qui nous remettent en perspective nos propres méthodes.
Peut-on «exporter» une architecture luxembourgeoise à l’étranger?
«Notre vision de l’architecture est un développement organique, spécifique à chaque lieu. Nous aspirons au développement de bâtiments intemporels, c’est-à-dire qui enrichissent leur contexte, et maintiennent leurs qualités sur le long terme. Le critère du territoire national importe moins que le contexte urbanistique et historique des projets.
Exporter une architecture est un grand mot, cela concerne autant les volumes et les matériaux que la méthode de travail, la technique et l’interprétation du programme. Par exemple, lorsque nous remettons un projet de concours, le programme est souvent strict, mais il existe toujours une relative liberté d’interprétation de sa mise en forme (urbanistique, fonctionnelle, constructive, plastique). Nous nous adaptons au contexte, sans tenter d’imiter un style local, mais en proposant notre vision de la meilleure réponse architecturale.
Cela demande une analyse plus approfondie en amont, mais c’est également dépaysant et très motivant. Parfois, être un outsider peut être un avantage, car notre regard n’est pas perturbé ou préformaté par une vision ou des souvenirs attachés à un lieu ou un projet.
Il y a autant d’architectures luxembourgeoises que d’architectes.
Stéphane Schmit (A+A)
Y a-t-il une «architecture luxembourgeoise» à proprement parler? Comment est-elle reconnue à l’étranger?
«Il y a autant d’architectures luxembourgeoises que d’architectes. Évidemment, on peut identifier des sensibilités différentes, mais aussi des affinités ou des ambitions similaires (par exemple l’influence de projets allemands, suisses, italiens, flamands, autrichiens, scandinaves…). Constructivement, on peut observer l’emploi de matériaux et détails à priori similaires, qui résultent des habitudes et besoins locaux, des capacités financières des clients, mais aussi des compétences des entreprises et artisans régionaux.
En général, il y a des bureaux très compétents et une réelle motivation pour le développement de projets ambitieux et innovants. Vus de l’extérieur toutefois, hormis quelques réalisations emblématiques, la culture et le patrimoine architectural luxembourgeois sont souvent perçus comme une collection de bâtiments certes iconiques et conçus par des architectes célèbres… mais étrangers.
Cela contribue à la renommée du pays, mais cela ne doit pas se faire au détriment des structures locales. Heureusement, l’OAI propose depuis quelques années un petit guide ‘Architectour’ qui met en lumière la richesse et la diversité des réalisations sur tout le territoire.»
Vous pouvez vous inscrire au 10x6 Les architectes luxembourgeois qui s’exportent sur le site du Paperjam Club.