Monsieur Masset, peut-on dire que l’entrée en vigueur de la directive AIFM a entraîné un changement de paradigme en termes de «valuation» pour les fund managers et professionnels des fonds?
«La directive AIFM introduit un standard de gouvernance pour les processus d’évaluation des investissements alternatifs. L’évaluation d’actifs non cotés impliquant un certain niveau de subjectivité et de jugement, il était important de mettre en place des consignes claires, cadrant le choix des méthodologies et paramètres d’évaluation utilisés. La notion de ségrégation des tâches entre les activités de gestion et d’évaluation est ainsi devenue sous la directive AIMF un élément essentiel du processus d’évaluation, limitant les conflits d’intérêts et risques de biais.
L’impact de ces nouvelles obligations est néanmoins variable selon le type et la taille des acteurs concernés. Si la directive ne constitue pas une révolution pour tous, elle hisse au rang d’obligation une bonne pratique qui était jusque-là en place principalement auprès des sociétés de gestion de premier ordre.
Les fund managers et professionnels de l’industrie des fonds sont face à de nombreuses questions liées à la fonction de valorisation dans le cadre de la mise en place de ces nouveaux processus.
Existe-t-il une méthodologie qui peut être partagée par tous à cet égard ou chacun doit effectuer ses devoirs pour trouver la solution dans le contexte de marché et réglementaire actuel?
«Il n’existe pas de recette unique qui puisse être appliquée à l’ensemble des situations. Les méthodes de valorisation, ainsi que les processus d’encadrement et de supervision de ces méthodes varient en fonction de la classe d’actifs dans lequel le fonds investit, de la taille de l’organisation et des compétences disponibles en interne.
Ceci étant, une série de principes est de manière générale applicable, à savoir: une définition claire de la politique de valorisation, une transparence concernant la manière dont cette politique est exécutée, l’implication de personnes disposant de l’expérience nécessaire pour appréhender les particularités de la classe d’actif sous-jacente, une absence de conflit d’intérêt et un processus de supervision et de contrôle de l’ensemble de la chaîne de valorisation.
M. Heukmes, faut-il déléguer à une tierce partie la fonction de valuation?
«Ceci va dépendre des compétences techniques représentées au sein de l’organisation à qui la question se pose. L’environnement actuel, caractérisé par des taux d’intérêt extrêmement bas, a une influence non négligeable sur le besoin des investisseurs institutionnels de s’orienter vers les actifs alternatifs dont la valorisation est par définition complexe. En outre, se tenir au fait des dernières évolutions dans ce domaine peut être consommateur de temps sans être le cœur de métier de ces organisations.
Certaines structures ont toutes les compétences en interne pour comprendre, analyser et valoriser ces classes alternatives. Pour d’autres, ceci va requérir un investissement en temps et en formation qui n’est pas nécessairement à l’ordre du jour. Pour les premiers, une délégation de la fonction de valorisation n’est pas nécessaire alors que pour le second groupe, ceci peut avoir du sens d’un point de vue économique.
Le second facteur important est la taille de l’organisation. Si la fonction de valorisation demeure en interne, il est nécessaire que celle-ci soit indépendante des opérations d’investissement afin d’éviter tout conflit d’intérêt. Bien qu’ayant les compétences techniques, toutes les organisations n’ont pas nécessairement la taille suffisante pour pouvoir mettre en place une fonction de valorisation totalement indépendante. Dans ce cas de figure, un certain degré de délégation s’impose.
De manière générale, nous observons que la solution la plus populaire auprès de nos clients est de conserver la fonction de valorisation en interne, tout en faisant appel à un professionnel de la valorisation pour des éléments spécifiques. Ces points couvrent par exemple la revue de la politique de valorisation au moment de sa mise en place, une revue annuelle des modèles utilisés pour évaluer les actifs, la fourniture de données de marchés nécessaires pour ces modèles et enfin une assistance ad hoc pour résoudre certaines questions plus épineuses. Cette approche permet aux professionnels du secteur de se concentrer sur leur cœur de métier tout en conservant la maitrise de la fonction de valorisation.»
Le premier volet du cycle de conférences dédiées au thème de la valorisation se déroule ce soir dans les installations de Deloitte.