Me Schiltz, la législation sur la santé et la sécurité au travail est-elle correctement balisée et étoffée, au Luxembourg? Le cadre est-il précis?
«Il existe toute une ribambelle de textes et de jurisprudences. Cette réglementation est très étoffée, il suffit pour s’en convaincre de consulter l’excellent ouvrage de José Aullo et Jean-Luc Putz (Recueil santé et sécurité au travail, éditions Promoculture, 2012, ndlr), un pavé d’un bon millier de pages! Tout est réglementé: le lieu de travail, la protection et les équipements des travailleurs, les installations techniques, les machines… La distance, la hauteur, la largeur…
J’irais jusqu’à dire que l’on est ‘surréglementé’. La tendance générale est de tout légiférer, on ne peut plus rien faire qui ne tombe sous le coup d’une loi.
Les textes existent, mais sont-ils appliqués? En d’autres termes, les chefs d’entreprise ont-ils tendance à sous-estimer leurs responsabilités?
«Très clairement! Les chefs d’entreprises ne se rendent pas compte… Le non-respect de ces réglementations peut conduire très loin, avec des conséquences que les gens n’imaginent même pas. En cas d’accident avec un blessé grave voire un mort, il peut y avoir des poursuites pour homicide involontaire, à l’encontre de différentes personnes: le chef d’entreprise, mais aussi le délégué à la santé et à la sécurité.
L’employeur néglige généralement de nommer le travailleur désigné; et quand il le fait, il s’agit trop souvent d’une personne qui n’a pas suivi les formations requises, qui n’a pas de qualifications particulières. Des hommes de paille, quoi! Le souci est le même avec le délégué à la sécurité, désigné quant à lui par la délégation du personnel; même si, généralement, les salariés sont plus diligents sur ces questions.
Dans mon intervention, je vais présenter deux cas concrets. Le premier est une procédure en cours, contre le patron d’une entreprise de construction, poursuivi pour non-respect des obligations en matière de sécurité. S’il est condamné pour homicide involontaire, il y aura une inscription dans son casier judiciaire. S’ouvrira alors le volet administratif. Le ministère des Classes moyennes pourrait s’interroger pour savoir si les conditions d’honorabilité du chef d’entreprise sont toujours réunies… et s’il n’y a pas lieu à un retrait de l’autorisation d’établissement. Cela peut donc mener à la fermeture pure et simple de l’entreprise.
Le second cas concerne l’affaire de la crèche de Steinsel, où une armoire était tombée sur un petit garçon et l’avait écrasé. Entre autres responsables, le délégué à la sécurité de l’établissement a été condamné (en novembre 2010) pour homicide involontaire, à 12 mois de prison avec sursis intégral.
Sur quels points, en particulier, les employeurs doivent-ils être davantage attentifs?
«Il faut tout simplement prendre les textes et les appliquer! Les lois et réglementations concernant la santé et la sécurité existent, ils sont en vigueur.
Si un pépin arrive, l’ITM (Inspection du Travail et des Mines, ndlr) va être saisie et mettre son nez dans l’entreprise, il faut en être bien conscient. Si une enquête est ouverte, un expert judiciaire est nommé, il va vérifier point par point, point par point, si tous les textes ont été appliqués, si toutes les mesures de prévention ont été prises… Dans l’affaire précitée (entreprise de construction, ndlr), le compte-rendu de l’expert représente deux gros classeurs. Il a tout décortiqué.
Les employeurs ont donc tout intérêt à prendre les dispositions légales très au sérieux.»