Romain Poulles: «Rien ne se fera par des initiatives isolées.»  (Photo: Christophe Olinger / archives)

Romain Poulles: «Rien ne se fera par des initiatives isolées.»  (Photo: Christophe Olinger / archives)

Monsieur Poulles, que faut-il attendre de ce Circular Economy Hotspot qui se déroule cette année au Luxembourg?

«La première chose est que cet événement permet enfin de placer le pays sur la scène internationale. Le profil des délégations internationales qui seront présentes montre à quel point cela est loin d’être anodin: nous aurons une vingtaine de représentants de Taïwan, une dizaine de Corée du Sud et, bien sûr, aussi, beaucoup venant d’Europe.

Mais nous savons aussi que pour la conférence de l’architecte américain William McDonough (l’inventeur du principe ‘cradle-to-cradle’, coordinateur, entre autres, d’un gros projet urbanistique au Kirchberg, ndlr), mardi soir, plus de 500 personnes sont inscrites et que pour les conférences à la BEI jeudi matin, l’audience sera aussi importante, avec sujets très forts.

Mais le but de l’événement est surtout de montrer réellement ce que l’on fait, sur le terrain, et c’est pour cela que les quelques visites sur site seront aussi des moments-clés de ces trois jours. Il s’agira de pouvoir sensibiliser à la thématique devant des cas réels et de créer une réelle émulation, un échange, à un niveau international.

C’est un travail de longue haleine.

Romain Poulles, président du cluster ÉcoInnovation

Depuis la présentation, en février 2015, des résultats d’une étude menée sur l’économie circulaire, les choses ont-elles vraiment avancé?

«Bien sûr, mais tout ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a une courbe d’apprentissage et de changement, au travers des actions de sensibilisation, de présentation de projets pilotes, de formations et d’informations… sur ce plan-là, on est plutôt bien en route.

Mais c’est un travail de longue haleine. Les changements profonds ne se sont évidemment pas encore installés, mais le mouvement est lancé et d’ici à deux ou trois ans, il y aura vraiment un développement massif d’initiatives et de réalisations. Il y aura comme un basculement et la courbe sera alors très fortement ascendante.

Du reste, des projets concrets existent déjà: à Lentzweiler, l’étude pour l’extension d’une zone industrielle entièrement circulaire vient de s’achever et le projet va entrer dans sa phase de réalisation; à Wiltz, toute la ville a pris le sujet en mains et au 1er juin dernier, un project manager dédié à cette seule thématique a été recruté; toujours à Wiltz, le Fonds du logement est en train de développer un programme circulaire sur 28 ha; au Kirchberg, des groupes de travail planchent en ce moment même sur le développement d’un nouveau quartier de 80 hectares; à Roost, une étude est en cours de finalisation pour adapter le nouveau campus Automotive… Nous travaillons aussi avec LuxFlag pour la création d’un label ‘économie circulaire’ pour les fonds d’investissement.

D’ici à deux ou trois ans, il y aura comme un basculement.

Romain Poulles, président du cluster ÉcoInnovation

C’est tout le pays qui bouge! Un projet pilote est en cours dans quelques communes pour intégrer les principes d’économie circulaire dans le pacte climat signé avec les communes. D’ici à 18 mois, si les résultats sont concluants, ces mesures seront transposées dans le pacte que pratiquement toutes les communes du pays ont signé (à l’exception de la seule commune de Weiswampach, dans le Nord, le bourgmestre libéral Henri Rinnen estimant pour l’heure que les mesures figurant dans ce pacte ne portent pas leur fruit, ndlr), ce qui fera aussi du Luxembourg un pionnier.

Le processus Rifkin aborde aussi cette thématique de manière transversale. Plusieurs groupes de travail ont été constitués autour des thèmes des adaptations fiscales, de la formation et des jeunes ou encore des nouveaux business model. Les premiers résultats de ces réflexions sont attendus pour octobre.

Est-ce le premier pas qui est le plus difficile à faire pour les entreprises?

«Peut-être, mais on voit aussi qu’une fois que quelqu’un s’est lancé, bien souvent, tout le monde suit. Regardez Apple avec l’écran tactile de son iPhone. Aujourd’hui, tout le monde le fait! Il y a à peine deux ans, Philips a développé un business model où il a commencé à vendre non plus des ampoules, mais de la luminosité. Aujourd’hui, nous venons de lancer dans ce domaine un appel d’offres international et cinq entreprises y ont postulé.

Le vrai changement de paradigme ne peut arriver que si le monde se lance dans cette voie.

Romain Poulles, président du cluster ÉcoInnovation

Nous avons mis en œuvre récemment le programme Fit4Circularity avec Luxinnovation. Plusieurs entreprises y ont adhéré. Une entreprise de construction comme Astron, par exemple, ne connaissait que très peu de choses sur l’économie circulaire il y a deux ans. Aujourd’hui, elle en fait clairement sa priorité et dépose régulièrement de nouveaux brevets mondiaux liés à cette approche.

L’un des messages que nous porterons au cours de ce hotspot, c’est celui de dire que rien ne se fera par des initiatives isolées. Le vrai changement de paradigme ne peut arriver que si le monde – ou du moins une grande partie – se lance dans cette voie. Il faut que les acteurs politiques autant qu’économiques ou financiers soient sensibilisés et stimulés.»