Le CEO de Vous souhaite avant tout conserver la créativité, la passion, mais aussi le goût de l’aventure au sein de son équipe. (Photo: Julien Becker / Archives)

Le CEO de Vous souhaite avant tout conserver la créativité, la passion, mais aussi le goût de l’aventure au sein de son équipe. (Photo: Julien Becker / Archives)

Monsieur Hesse, à la création de Vous, l’orientation vers le web et le «360°» était un défi. Quels ont été les obstacles et les succès en la matière?

«Dès le début, nous avons développé l’agence en misant sur trois principes fondamentaux, afin d’assurer une croissance dans cette vison 360°: la proximité des clients, la maîtrise technologique et la créativité. Le grand défi a été de casser le mur qui séparait alors des métiers qui s’ignoraient complètement et de créer une nouvelle synergie dans l’approche et l’intégration de la stratégie de communication. 

Les agences, encore aujourd’hui, parlent de vision à 360°, mais n’intègrent pas, ou pas entièrement, le digital, qu’ils sous-traitent ou qu’ils gèrent comme un département à part, car leurs ressources internes ne sont pas en capacité de se comprendre les unes les autres, et en cela n’évoluent pas.

Un département Web et un département Création, c’était deux mondes, deux planètes distinctes reliées par une ‘navette’ Com peu efficace, à l’image de la conquête de la Lune. Mais au-delà, chez l’annonceur aussi, encore aujourd’hui, on retrouve des modes de fonctionnement avec un département Web qui intègre le digital et qui reste distinct et séparé du département Communication. C’est dommageable pour l’entreprise, car sa communication n’est plus cohérente, et génère même des surcoûts pour l’annonceur. 

Un défi directement lié a été d’accompagner le changement de culture de nos collaborateurs tout au long de notre croissance. Comment motiver des ‘strategic planners’ usant de leur cursus marketing classique, des créatifs reconnus – très inspirés au siècle dernier – à se renouveler dans leur approche professionnelle, mais aussi dans leur culture ‘pub’? Pour les ‘digital natives’, les programmeurs: comment les ouvrir à un monde plus large, qui conçoit de ne pas rejeter ce qui n’est pas en code, en ligne, en réseau…? 

Il aura fallu former, instruire nous-mêmes ce qui aujourd’hui encore n’est pas dans le cursus scolaire et élever les connaissances et la motivation de nos collaborateurs, ce qui n’a pas toujours été facile; certains collaborateurs nous ont quittés, n’ayant pu assimiler cette transformation culturelle et relever le défi du changement. 

Enfin, comment proposer cette stratégie englobante à nos clients? Nous avons dû les convaincre qu’une collaboration à long terme est plus efficace pour mettre en place et gérer tous les paramètres d’une stratégie qui englobe tous les supports off- et online. Les former pour comprendre l’environnement média d’aujourd’hui de façon graduelle. Leur faire accepter une certaine prise de risque en s’aventurant sur des chemins encore peu empruntés...

Pour évoquer les succès, je donnerai trois exemples, en matière de stratégie digitale. En 2012, nous avons convaincu Fruit@Office de passer en mode digital pour ce qui était du site internet avec système de paiement. Cela a été relativement facile au niveau du système, mais encore fallait-il capter les clients et les transformer en mode ‘achat’ sur le site, et donc, pour ce qui est de la stratégie de communication, notre plan d’action essentiellement digital n’a pas immédiatement convaincu, opposé a une stratégie pure médias TV plus rassurante. Finalement, le client a pris le risque et s’est lancé dans l’inconnu; la croissance des ventes a été immédiate et continue, et a pu réellement mesurer l’impact de notre plan com.

Afin de développer l’empathie de la marque BGL BNP Paribas envers ses clients frontaliers et de les familiariser par la suite avec un canal de communication dédié via un nouveau site web, l’agence a proposé de réaliser la première web série à Luxembourg. Les deux saisons sont devenues cultes, ce qui a permis de développer une véritable empathie envers la marque avec un budget médias très limité.

Le marché de la communication et de la publicité connaît régulièrement de nouveaux acteurs et semble de plus en plus saturé. Qu’en pensez-vous?

«Je ne crois pas qu’il y ait une véritable saturation du marché. Cycliquement, de nouveaux acteurs apparaissent et disparaissent, mais l’offre correspond forcément à la demande du marché, qui augmente, car les marques sont en repositionnement permanent face au pouvoir du consommateur et à son accès amplifié à l’information. Les nouveaux acteurs sont souvent de petites structures qui s’essaient ou qui innovent dans des niches spécifiques, ou des grandes qui se divisent ou se démultiplient. Pour les grandes agences, il y a, graduellement sur les années, plus d’acteurs, mais la multiplication des moyens de diffusion, la croissance du marché luxembourgeois en sont les conséquences logiques. Nous sommes aujourd’hui la seule agence à être capable d’accompagner des clients luxembourgeois en saturation sur leur propre territoire, sur les marchés voisins et notamment sur la Belgique, où nous communiquons pour Join et Enovos.

Le drame, c’est plutôt le fait que la qualité, la compétence des acteurs de la communication, de façon générale, soient en diminution face aux nouveaux moyens de diffusion, et qu’encore trop d’annonceurs font leur marché dans plusieurs ‘agences’ sans profiter d’une approche stratégique plus globale. Je voudrais aussi souligner que c’est un secteur qui est en perpétuel changement, en renouvellement permanent. Il y a donc beaucoup de créativité, aussi dans l’émergence de nouvelles structures sur le marché. Mais je voudrais le souligner, un secteur d’activité qui se structure et qui se fédère, l’an dernier, la Markcom, sous la présidence de Netty Thines (merci à elle), a considérablement évolué en intégrant plus largement les acteurs du marché de la com. Le nombre de membres a considérablement augmenté, et la Markcom devrait encore intégrer plus d’acteurs, je l’espère, et a enfin véritablement commencé a faire un plaidoyer pour réglementer le secteur, qui se voit largement abusé par certains annonceurs qui font travailler parfois 10 agences parallèlement sur des dossiers qui représentent des centaines d’heures de travail et qui ne sont au final pas rémunérées. Dans ce cadre, la CLC fait un véritable travail d’information et de conseil pour communiquer les bonnes pratiques auprès des annonceurs.

À 10 ans, on n’est pas encore vraiment adulte… Comment voyez-vous les prochains développements de l’agence?

«On ne sera jamais adulte. La curiosité, la passion, la créativité, le risque, la bonne humeur, l’aventure, l’intuitivité, l’assimilation, l’innovation, le jeu, la stratégie, la collégialité, l’amour... ce sont des jeux d’enfants. Et on récompense beaucoup les enfants, en 10 ans nous avons reçu plus de 40 récompenses. Rien que pour 2016, nous avons remporté le Mupi d’or JCDecaux, conjointement avec notre client BGL BNP Paribas, 12 nominations et 2 prix aux Awards de la communication pour la Chambre des métiers et Luxair, le prix de ‘Best Brand & Creative Agency of the Year’ aux Luxembourg Marketing & Communication Awards, et finalement un ‘German Design Award Special 2017’ en Allemagne, pour la nouvelle ligne packaging de la Brasserie Simon. Ce qui fait de nous l’agence probablement la plus récompensée en 2016, beau cadeau pour nos 10 ans.

Donc pour nous, les prochains développements sont naturellement dans l’amélioration, la performance, l’innovation, la découverte, et cela reste une passion partagée par tous nos clients et collaborateurs.

Un ami m’a dit un jour: ‘L’expérience est une lanterne qui n’éclaire que le chemin parcouru’… et pour nous, c’est une évidence!»