Monsieur Zippert, vous êtes – à travers l’association Etika – un des organisateurs de la conférence de ce jeudi consacrée à l’affaire des LuxLeaks et à ses conséquences. Qu’est-ce qui a motivé la mise sur pied d’une telle manifestation?
«Nous avons souhaité inviter Antoine Deltour car c’est une personne qui a permis de faire émerger à nouveau dans le débat public par son action de lanceur d’alerte la question de la justice fiscale.
Ce sujet a déjà largement été abordé dans le cas des personnes physiques, moins dans le cas des entreprises qui créent de la richesse dans un pays et qui tentent ensuite de se soustraire à l’imposition du pays dans lequel la richesse est réalisée.
Notre objectif à Etika est de donner au public luxembourgeois les différents points de vue sur cette question, comme nous l’avions déjà fait en octobre 2009 lors de la tenue du débat entre des représentants des ONG et de la place financière suite à la publication du rapport Falk sur les cohérences des politiques publiques d’aide au développement.
Nous avons d’ailleurs souhaité inviter des représentants du monde des affaires qui avaient publiquement défendu le principe des ‘tax rulings’ mais ceux-ci ont décliné l’invitation. Nous remercions Michèle Sinner, du Land, de l’avoir elle acceptée, sachant que son indépendance d’esprit et son refus de toute forme de complaisance – elle avait d’ailleurs durement critiqué le rapport Falk à l’époque de sa publication – nous garantissent une discussion de qualité avec le public pour jeudi.
Antoine Deltour, à l’origine de cette affaire, sera un des orateurs de cette soirée. Qu’a-t-il à apporter de plus que ce qu’on sait déjà?
«Antoine Deltour a répondu à notre invitation pour témoigner de sa condition de lanceur d’alerte et non de spécialiste des ‘tax rulings’ qu’il n’est pas et ne prétend pas être. C’est important qu’il puisse venir en homme libre à Luxembourg expliquer publiquement pour la première fois depuis la révélation de son identité les motivations de son geste qui lui valent d’être menacé actuellement par la justice luxembourgeoise d’une peine de prison et d'une condamnation financière très élevée.
Rappelons qu’il existe d’autres lanceurs d’alerte dont les noms ne sont pas connus dans les révélations des LuxLeaks et que comme toute démocratie moderne, le Luxembourg doit mettre en place une législation pour que des personnes qui révèlent des informations servant l’intérêt général soient protégées.
La bourgmestre de la capitale, Lydie Polfer, a estimé que sa présence à Luxembourg à la cinémathèque de la Ville n’était pas opportune… Comprenez-vous ce point de vue?
«Pas vraiment, car la question posée par les révélations des LuxLeaks dépasse de loin le cadre du Luxembourg, et l’excellent documentaire ‘Le prix à payer’ que nous avons présenté cette semaine à la cinémathèque l’a parfaitement illustré.
Antoine Deltour n’est pas dans une démarche visant à se présenter comme un martyr de la justice luxembourgeoise ou un employé aigri qui aurait un compte à régler avec son ancien employeur: dans une interview de Libération de décembre 2014, il a déclaré qu’il était ‘injuste que le Luxembourg soit le seul pays cloué au pilori, qu’un seul cabinet d’audit soit pointé du doigt, car ces pratiques sont systémiques.»