La gouvernance est donc l’organisation de cette entité, quelle que soit sa forme, afin d’optimiser son développement et pérenniser ses actifs. (Photo: © Blitz Agency 2019)

La gouvernance est donc l’organisation de cette entité, quelle que soit sa forme, afin d’optimiser son développement et pérenniser ses actifs. (Photo: © Blitz Agency 2019)

Sujet majeur pour toutes les entreprises, notamment familiales, la gouvernance sert à maintenir un cap commun et éviter les conflits internes. Une gouvernance bien établie est alors synonyme de pérennité pour l’entreprise, qui plus est dans une période aussi bousculée que celle de la crise sanitaire.

Interview croisée avec 3 experts de la banque privée Degroof Petercam: Hélie de Cornois, Head of Estate Planning & International Patrimonial Services, Pierre Le Pahun, Senior Estate Planner, et Mickaël Bezagut, Head of Corporate Finance.

De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque la gouvernance des entreprises?

La gouvernance concerne tous les types d’entreprises.

Hélie de Cornois: Précisons d’emblée que la gouvernance concerne 3 contextes entrepreneuriaux différents. Celui d’une société qui peut être sans liens familiaux en son sein, dans un contexte d’entreprise familiale où le capital est ouvert à des individus extérieurs, mais également dans une entreprise strictement familiale. Évidemment, en tant que banque privée, nos interlocuteurs sont le plus souvent les entreprises familiales et leurs actionnaires, pour lesquels nous nous occupons aussi bien du patrimoine professionnel que privé. C’est ce cas que nous traiterons ici.

La gouvernance est donc l’organisation de cette entité, quelle que soit sa forme, afin d’optimiser son développement et pérenniser ses actifs.
Hélie de Cornois

Hélie de CornoisMarket Leader Southern Europe Canada & UK, Head of Estate Planning &  International Patrimonial ServicesDegroof Petercam

Elle sert également à éviter les conflits entre les différentes parties qui la constituent: l’entreprise familiale (les dirigeants, les salariés…), les actionnaires, et la famille en question. La gouvernance, c’est finalement l’interaction de ces 3 parties entre elles. Une fois dit que la gouvernance est un sujet transversal qui subsume de nombreuses problématiques diverses et singulières, on peut dire qu’il y a autant de modèles de gouvernance que ­de familles ou d’entreprises.

Les 3 piliers de la gouvernance

Pierre Le Pahun: Les acteurs externes qui traitent de ce sujet avec les organisations (avocats, banquiers, notaires…) abordent généralement la gouvernance sous 3 prismes principaux. Tout d’abord, l’actionnariat, c’est-à-dire l’organisation de la détention du capital d’une société, le droit de vote dans les AG, les problématiques de transaction du capital, de valorisation des parts, etc.

Ces sujets peuvent faire l’objet d’un encadrement par des outils juridiques en amont, notamment pour simplifier les problématiques de succession qui interviennent plus tard. Une autre thématique est celle du fonctionnement opérationnel d’une entreprise: le management, la nomination et le renouvellement des organes de direction, ainsi que la politique de rémunération de ces personnes. Les thématiques liées à la communication sont également fondamentales.

Dans certains cas, les processus de communication peuvent être complexes, mais doivent rester intelligibles pour tout le monde. Une des sources premières de conflit dans ces organisations familiales est d’ailleurs souvent une communication ou circulation de l’information incomplète ou insuffisante. Des pactes familiaux, des chartes, permettent d’éviter ces écueils.

Enfin, la vision familiale à long terme construite autour d’objectifs communs est incontournable. Ce dernier prisme peut être renforcé par différents biais: un conseil de famille régulier, un projet éducatif pour les jeunes générations, ou la création d’un projet philanthropique fédérateur, par exemple.

HC:  La psychologie est donc aussi importante que le droit dans les problématiques liées à la gouvernance. D’ailleurs, c’est parfois le processus décisionnel qui est plus important que la décision en elle-même. La réflexion juridique ne vient souvent que dans un second temps; elle n’est alors qu’un instrument qui sert à mettre en musique les réflexions prises par la famille. Notre rôle en tant qu’ingénieurs patrimoniaux au sein d’une banque est donc d’initier des réflexions avec les familles, pour ensuite se tourner vers d’autres experts, comme des avocats ou des notaires, qui mettront en place les solutions préconisées en amont.

Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs pour une gouvernance réussie?

PP: Il faut d’abord prendre conscience de la nécessité de se mettre autour de la table pour réfléchir à certains sujets et se rendre compte à quel point ils sont vastes et complexes. C’est le meilleur moyen de prévenir et d’éviter des difficultés futures ou des sources de conflit potentielles, qui pourraient émerger par la suite.

Certaines familles sont persuadées d’avoir réglé le problème de la gouvernance, mais en réalité, ce n’est que partiellement le cas.
Pierre Le Pahun

Pierre Le PahunSenior Estate Planner (France, Monaco, Switzerland Markets, Southern Europe, Canada & UK Markets)Degroof Petercam

Un sujet comme la succession, au sens de la transmission juridique des titres sociaux, peut effectivement avoir été anticipé, mais il entraîne nécessairement d’autres sujets, qui, eux, ne l’ont pas été. Il faut donc établir une check-list des sujets, réfléchir à des solutions si nécessaire, et accompagner les familles dans ce parcours.

HC: Les entrepreneurs doivent se projeter dans le temps, par rapport à leur situation particulière et par rapport à ce qu’ils veulent faire de leur entreprise. S’ils souhaitent pérenniser une entreprise, par exemple, ce qui est presque toujours le cas, la question qu’ils doivent se poser, c’est de savoir s’ils ont autour d’eux des enfants ou une famille prêts à s’associer à cette pérennité. Ensuite, il s’agit de mettre en place des processus qui garantissent cette transmission de manière optimale.

Mickaël Bezagut: Beaucoup d’entrepreneurs, lorsqu’ils arrivent à la retraite, sont satisfaits des résultats de leur société et ne vont pas chercher de nouveaux marchés ou de nouveaux clients.

Mon conseil est de constamment chercher de nouveaux axes de développement. Ainsi, lors de la vente, la valorisation de la société sera nettement supérieure si des perspectives de croissance apparaissent pour les repreneurs.
Mickaël Bezagut

Mickaël BezagutHead of Corporate FinanceDegroof Petercam

Prenons l’exemple concret de la cession d’une entreprise. Que recommandez-vous?

MB: J’alerte souvent les entrepreneurs sur le fait qu’une cession s’anticipe, notamment car les acquéreurs seront très attentifs aux risques financiers, fiscaux et juridiques identifiés lors de leurs analyses. Si tous ces éléments ne sont pas correctement adressés en amont, cela sera le plus souvent au détriment du vendeur.

En anticipant l’analyse de ces différents éléments, il est donc possible d’améliorer sensiblement les offres d’un point de vue financier, mais également les conditions de la transaction. Les situations «d’urgence» sont relativement fréquentes et ne sont évidemment pas optimales dans le cas d’une cession.

Être conseillé par des experts est donc fortement recommandé, quitte à repousser la vente pour préparer au mieux la phase d’analyse. La sélection de ces derniers devra se faire sur base de leur expérience en fusion-acquisition et de leur expertise sectorielle. Ceci afin d’éviter certains écueils particulièrement complexes à appréhender. De leur côté, les acheteurs seront presque toujours accompagnés de conseillers financiers, juridiques et fiscaux, mais ils feront parfois appel à d’autres experts selon les besoins (un expert sectoriel, technologique ou environnemental, par exemple).

La crise sanitaire a-t-elle bousculé l’échiquier de la gouvernance?

PP: Il est évident que cette soudaine crise sanitaire a mis en lumière les problématiques liées à la gouvernance, d’une part, mais aussi que ces dernières ne s’improvisent pas. C’est un processus qui dure généralement plusieurs mois au minimum. De façon très concrète, nous constatons très souvent que le décès est anticipé par voie de donation ou de testament, mais l’incapacité à gérer son patrimoine pour différentes raisons (déficience physique ou mentale, hospitalisation longue, etc.) ne l’est pas, ou insuffisamment. Dans le cas d’une entreprise opérationnelle qui nécessite une réactivité, cela peut devenir vraiment problématique.

HC: La dimension internationale d’un pays comme le Luxembourg, mais aussi la mobilité de plus en plus importante des personnes, est un paramètre important à considérer dans la mise en place d’une gouvernance; les confinements récents dus à la crise sanitaire ont eux aussi mis en lumière cet impératif. Dans l’organisation d’une gouvernance, il est donc clé de pouvoir intégrer de manière efficiente des éléments d’extranéité, qui ont des incidences en matière civile ou fiscale.

Quels services Degroof Petercam propose à ses clients au sujet de la gouvernance?

La banque privée comme coordinateur et chef d’orchestre de la gouvernance

PP: Nous proposons à ces entreprises familiales de procéder à des entretiens spécifiques, dans le but de faire un audit de leur situation propre, pour savoir ce qui a été fait, et ce qui ne l’a pas été. Lors d’entretiens complémentaires, nous établissons ce vers quoi les clients souhaitent aller en matière d’actionnariat, de management et de vision à long terme de leur entreprise. Puis, nous leur proposons de mettre les réflexions et les thématiques évoquées en pratique. La banque intervient alors comme coordinateur et chef d’orchestre. Nous travaillons également main dans la main avec les avocats de la famille, et nous leur en conseillons si elles n’en ont pas.

HC: Notre force est de pouvoir offrir à nos clients une expertise juridique et fiscale au sein de notre maison, tant au Luxembourg que dans les autres entités du Groupe. Nous disposons à cet égard d’une trentaine d’ingénieurs patrimoniaux coordonnés sur les sujets internationaux à partir du Luxembourg, mais aussi d’une expertise très complémentaire assurée par l’équipe Corporate Finance.

Comment procédez-vous pour accompagner vos clients dans le cadre de la vente de leur société?

MB: L’accompagnement à la vente se fait en six étapes. Notre mission consiste d’abord à établir une approche adaptée aux prérequis du client, à définir les critères de vente, le type d’investisseur à contacter, puis à réaliser une analyse de marché pour savoir si c’est le moment opportun pour vendre.

La deuxième étape est la préparation de la documentation marketing (le mémorandum d’information, en particulier) qui va présenter l’entreprise, son marché, ses clients, sa stratégie, ses concurrents, l’équipe dirigeante, ou encore les éléments financiers. Il faut être transparent et précis, tout en mettant en avant les points forts de la société.

La troisième étape est l’établissement de la liste des acquéreurs potentiels et la soumission de la documentation à ces derniers après un engagement formel de leur part en ce qui concerne le respect de la confidentialité de la transaction.

Cette phase sera en général actée par la soumission d’offres indicatives. Les candidats acheteurs les mieux positionnés entreront alors dans la phase de «due diligence», et pourront alors accéder à tous les éléments du dossier, tels que les contrats, les déclarations fiscales et la comptabilité. S’ensuivra une phase de négociation du contrat de vente relative aux offres formulées. Puis, aura lieu la finalisation effective de la transaction.

3 questions à Kris De Souter , responsable de la banque privée et membre du comité de direction chez Degroof Petercam Luxembourg

Notre accompagnement se distingue d’abord par sa proximité avec nos clients.
Kris De Souter

Kris De Souterresponsable de la banque privée et membre du comité de directionDegroof Petercam Luxembourg

Quelle philosophie distingue Degroof Petercam sur le secteur de la banque privée?

Nous ne sommes pas un mastodonte du secteur, mais nous ne sommes pas non plus un petit acteur du marché. Nous occupons donc une place particulière sur le marché, ce qui présente beaucoup d’avantages pour nos clients, notamment le fait que notre actionnariat soit familial, et ce depuis 1871. Degroof Petercam est une banque humaine et à taille humaine: nos clients ne sont pas des numéros, nous les connaissons et entretenons avec eux des relations personnalisées et dans la durée. Certains d’entre eux sont d’ailleurs des familles pour qui nous travaillons depuis longtemps.

D’ailleurs, eux-mêmes connaissent leurs interlocuteurs au sein de la banque. Et puis, nous réfléchissons à moyen et long terme, car nous n’avons pas la pression de la Bourse, comme d’autres acteurs financiers. Nous sommes une banque d’entrepreneurs pour des entrepreneurs, dont nous comprenons les problématiques. Dernier point de différenciation, c’est notre avancement sur les thématiques et les produits ESG responsables, pour lesquels nous sommes reconnus en Europe, ainsi que nos services performants en lien avec le Private Equity.

Quel type d’accompagnement Degroof Petercam propose-t-il à ses clients?

Notre accompagnement se distingue d’abord par sa proximité avec nos clients, dont nous connaissons parfaitement les exigences et les objectifs. C’est d’ailleurs ce que nos clients apprécient particulièrement, que ce soit au niveau de la banque privée ou de l’Estate Planning.

D’autre part, la dimension One-stop Shop de notre accompagnement permet à nos clients de disposer d’une multitude de services à partir d’un même interlocuteur, qui est la banque et le banquier privé. Bien sûr, chacun de ces services est prodigué par un spécialiste, lui-même en relation avec les autres services, toujours pour mettre les meilleures compétences au service de nos clients.

La période actuelle a-t-elle modifié l’activité du Private Banking?

La réponse est clairement oui. Même si nous avons fait en sorte que nos services ne soient aucunement altérés, certaines interactions ne sont bien entendu plus possibles avec nos clients, comme, par exemple, les visites chez eux ou un échange autour d’un déjeuner. La proximité s’est alors faite de manière digitale, mais nos clients ont apprécié le fait que, malgré ces événements imprévus et exceptionnels, notre disponibilité et notre communication avec eux n’aient pas changé. Les préoccupations des clients sont les mêmes. Sur le volet financier, leurs objectifs et leurs besoins sont restés identiques. En revanche, la crise leur a fait prendre conscience qu’il est bon d’anticiper sur certains points, notamment sur les problématiques transfrontières, puisque nous sommes aujourd’hui confinés...

Pour plus de conseils sur la gouvernance de votre entreprise, téléchargez notre Dossier dédié en cliquant ou contactez nos experts : 

Pierre Le Pahun:

Mickaël Bezagut: