L’érosion du pouvoir d’achat n’est pas la même partout parce que l’inflation diffère d’un pays à l’autre: 5,8% en France, 8,7% en Allemagne. (Photo: Shutterstock)

L’érosion du pouvoir d’achat n’est pas la même partout parce que l’inflation diffère d’un pays à l’autre: 5,8% en France, 8,7% en Allemagne. (Photo: Shutterstock)

L’inflation pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, qui sont obligés de revoir leurs priorités en matière de gestion du budget, mais aussi d’investissements. Quels sont les nouveaux comportements des particuliers investisseurs? Que leur conseillent les économistes des banques de détail?

Le 30 mai, la Commission européenne a annoncé un nouveau train de sanctions contre la Russie dont  voté à l’unanimité, tard dans la nuit, après de longues négociations avec la Hongrie, laquelle bénéficiera d’une sortie énergétique aménagée. Une décision qui, si elle a été anticipée sur les marchés nationaux de l’énergie européens, aura tout de même des répercussions sur l’inflation. Notamment sur la prolongation de cette situation qui provoque attentisme et prudence, dans toutes les sphères de la société, de la gouvernance d’État à la gestion du ménage familial.

, président du conseil d’administration de la banque Raiffeisen, également président de l’Association des banques et banquiers au Luxembourg, salue toutefois le geste: «C’est une décision importante, courageuse et utile. Elle aura des conséquences, et nous devons tous nous préparer à ce que le coût de l’énergie soit durablement élevé, car nous vivons une transition énergétique forcée et accélérée. Tant que nous serons en période de transition vers l’énergie renouvelable (elle peut durer encore trois ou quatre ans), l’énergie fossile sera plus chère.»

Nous devons tous nous préparer à ce que le coût de l’énergie soit durablement élevé, car nous vivons une transition énergétique forcée et accélérée.
Guy Hoffmann

Guy Hoffmannprésident du conseil d’administration Banque Raiffeisen

Pour , économiste, head of investment services à la BIL, la hausse des prix de l’énergie constituera un phénomène visible parmi d’autres, moins évidents a priori, inscrits dans une «spirale inflationniste» que l’on ne peut absolument pas maîtriser: «Plus de restrictions sur les importations dans un contexte de crise énergétique, c’est un facteur important d’inflation sur les prix de l’énergie. Mais il n’y a pas de certitude, car les prix du pétrole sont négociés sur les marchés financiers internationaux et il y a déjà une anticipation de cet embargo, intégrée dans les scénarios économiques. Néanmoins, d’autres effets de second tour sont à craindre aujourd’hui: salaire, alimentation, dans une spirale inflationniste qui s’enclenche. Investisseurs, sociétés, industriels, épargnants et consommateurs sont concernés… ce qui se répercute sur l’ensemble des prix des biens et services des produits manufacturés.»

L’opinion publique pousse les gouvernements à prendre des mesures de compensation du pouvoir d’achat. On assiste également à une pression des gouvernements sur les banques centrales. Le décalage entre une action de politique monétaire et l’effet est cependant de 12 à 18 mois. Entre-temps, les factures tombent et les rayons des supermarchés se vident des produits non approvisionnés en suffisance.


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Se focaliser sur une épargne non financière

Chaque citoyen est un client bancaire. Les particuliers qui ne peuvent absorber la hausse des coûts de la vie avec des revenus idoines sont tentés de revoir leurs priorités de gestion du budget, notamment en ce qui concerne l’épargne et l’investissement.

Globalement, les clients des banques affichent un comportement plus «frileux» selon Guy Hoffmann, sans qu’il note un véritable changement de stratégie dans la gestion de leur bas de laine. «Le changement de stratégie des clients des banques luxembourgeoises n’est pas notable sur les cinq derniers mois, mais sur les cinq dernières années. Ils avaient déjà commencé à bien diversifier leurs investissements. Ils sont plus frileux et ils ne savent pas où aller, dans une forme d’attentisme.»

Se protéger de l’inflation n’est pas simple, et les solutions qui s’offrent à eux sont différentes selon qu’ils soient épargnants ou souscripteurs de crédit. La plupart des ménages étant en fait dans les deux cas, comment la banque peut-elle les accompagner à passer ce cap difficile? Avec la hausse des taux, l’immobilier n’est aujourd’hui plus un produit à garantie absolue, y compris sur un investissement locatif. Guy Hoffmann conseille aux emprunteurs de garder un œil sur l’évolution des taux: «Ils sont aujourd’hui autour des 3% sur taux fixe à 25 ans, alors qu’il y a six mois, on était autour de 1,6%… Ce qui me semble adapté, c’est de souscrire un prêt à taux mixte, aux 2/3 fixe et à 1/3 variable.»

Il est crucial aujourd’hui de faire des placements sur des sociétés profitables, avec une dette raisonnable, des cash flows.
Olivier Goemans

Olivier Goemanshead of investments services and innovationBanque Internationale à Luxembourg

En ce qui concerne les investissements, «le seul conseil à donner c’est d’avoir une très grande diversification dans son épargne. C’était déjà le cas avant l’inflation, c’est encore plus vrai aujourd’hui. Il convient également de se focaliser davantage sur une épargne non financière, comme des actions sur des sociétés value oriented, plutôt que vers le rendement, moins volatiles.»

Après une année de reprise post-covid, embellie passagère sur des marchés montants, avec de forts rendements, c’est un peu la douche écossaise pour les placements des particuliers, lesquels n’ont pas forcément anticipé leurs positions comme l’auraient fait les professionnels. Olivier Goemans appelle à plus de discernement dans le choix des investissements en actions: «Ces dernières années, il a été relativement facile pour les investisseurs en bourse, professionnels ou non, d’obtenir des gains en capital, bien qu’il y ait eu quelques mirages. Il y a eu une frénésie sur le digital, les crypto assets, les NFT. Cette page-là est tournée, le contexte est différent. On constate qu’il y a trois actifs qui permettent aujourd’hui d’amortir ou de bonifier les effets de l’inflation pour avoir délivré des performances en rendement réel: l’or, les actions et l’immobilier. Cela n’est pas une vérité universelle, c’est une observation dans le cycle actuel. Sur les actions, il est crucial aujourd’hui de faire des placements sur des sociétés profitables, avec une dette raisonnable, des cash flows».

S’intéresser plus profondément à la composition d’un portefeuille de titres implique donc de faire l’effort de mieux connaître le marché, d’ancrer ses intentions, et de ne pas se laisser emporter par ses «émotions financières».