Répondant à une exigence croissante de l’opinion, accomplissant une promesse de l’accord de coalition de 2018, le ministre des Finances (DP) a annoncé, lors de la présentation de son projet de budget 2021, l’introduction d’un prélèvement sur les revenus provenant d’un bien immobilier situé au Luxembourg. Une «mesure sérieuse» visant «à la fois à lutter contre des injustices clairement reconnues et à fermer des portes de derrière, tout en ne mettant pas en question la compétitivité de l’économie luxembourgeoise et de l’industrie des fonds.»
Il s’agit pour le gouvernement de réagir face à une réalité: «Aujourd’hui, il est possible pour certains acteurs d’agir sur le marché de l’immobilier en étant quasiment exonéré d’impôt alors que d’autres doivent payer l’impôt normal», indique M. Gramegna. Le prélèvement immobilier instauré par le projet de budget doit combler cette lacune et s’élever à 20% des revenus générés par les biens immobiliers dans lesquels investit un FIS, à savoir les loyers perçus, la plus-value réalisée lors de la vente d’un bien et le revenu tiré de la vente de parts dans le fonds. Cette mesure était évoquée dans l’accord de coalition de 2018-2023 alors même que quelques mois avant les élections, le gouvernement DP-LSAP-Déi Gréng
La révélation selon laquelle – notamment de grands promoteurs immobiliers – lors de la vente d’un bien immobilier alors que le pays est confronté à une pénurie de logements et de terrains à bâtir sous l’effet notamment d’une spéculation prospère.
Les dividendes et les plus-values sont taxés selon le régime de droit commun fixé par la loi d’imposition sur le revenu.
De quoi conduire à certains raccourcis favorisés par la méconnaissance de l’industrie des fonds. «Un fonds d’investissement agit, par nature, comme un intermédiaire», rappelait l’Alfi dans un communiqué publié après le débat à la Chambre sur la question de la fiscalité des FIS. «Il collecte l’épargne des investisseurs pour l’investir, dans l’intérêt de ces derniers, dans des actifs et selon une politique d’investissement prédéfinie.»
, vice-directeur général de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi), déplore effectivement un «amalgame». «Le principe est que généralement, le fonds d’investissement doit être fiscalement neutre. L’investisseur qui investit dans le fonds, qui reçoit des revenus ou qui vend des parts de ce fonds est imposé. Les dividendes et les plus-values sont taxés selon le régime de droit commun fixé par la loi d’imposition sur le revenu.»
C’est donc bien l’investisseur qui est imposé, au taux pratiqué pour les personnes physiques, et pas le fonds – «un principe reconnu par l’OCDE et la Commission européenne», souligne M. Béchet, et auquel le Luxembourg déroge déjà avec une taxe d’abonnement «qui n’existe pas dans la plupart des pays».
En réalité, le débat actuel est «un problème domestique», estime M. Béchet. «Certains fonds luxembourgeois investissent dans l’immobilier au Luxembourg et sont détenus par des personnes physiques résidant au Luxembourg, et sont dans certains cas structurés d’une manière très particulière qui génère une absence d’imposition.» Soit «un tout petit nombre de FIS immobiliers».
Vers un recensement des FIS investissant dans l’immobilier grand-ducal
C’est là que réside la difficulté: ni le ministère des Finances, ni l’Alfi, ni la CSSF ne sont aujourd’hui en mesure de quantifier ces FIS si particuliers. Tout au plus peut-on affirmer que la Place comptait 1.147 FIS au 31 août dernier (48 de moins qu’en 2019, selon la CSSF), divisés en 3.376 compartiments, représentant un volume de 593,5 milliards d’actifs sous gestion. «14,7% des FIS investissent dans l’immobilier, mais nous n’avons aucun détail sur la part qui est effectivement investie dans l’immobilier luxembourgeois.»
De fait, le ministère des Finances admet son ignorance à ce sujet, et c’est bien pour cela qu’il jette dans le projet de budget 2021 les bases d’un recensement de ces fonds. Tout fonds investissant dans l’immobilier devra fournir des informations à l’Administration des contributions directes.
Le projet de budget prévoit ainsi que «les véhicules d’investissement, qu’ils perçoivent ou réalisent des revenus provenant d’un bien immobilier ou qu’ils ne perçoivent ou ne réalisent pas de tels revenus au cours des années civiles 2020 et 2021, doivent informer le bureau de la retenue d’impôt sur les intérêts de l’Administration des contributions directes, dans la forme prescrite, au plus tard le 31 mai 2022, sur leur détention de biens immobiliers sis au Grand-Duché de Luxembourg ou sur la détention de biens immobiliers sis au Grand-Duché de Luxembourg», quel que soit l’intermédiaire de cette détention, y compris les fonds communs de placement.
Retour fiscal inconnu
Le ministère des Finances est tellement peu sûr du nombre de FIS concernés et de ce que pourrait rapporter cette nouvelle taxe qu’il n’a prévu aucune recette dans son projet de budget pluriannuel. Il enregistrera un premier retour seulement au printemps 2022 pour l’année 2021. Et ce alors qu’un déchet fiscal de 300 millions d’euros est avancé par certains députés de l’opposition – d’autres allant jusqu’à estimer à 1 milliard d’euros la taxation perdue.
En attendant, l’Alfi et les intermédiaires de la Place, comme le ministère des Finances, ont dû éteindre quelques incendies nés de l’annonce de ce nouveau prélèvement. Certains médias ont ainsi laissé entendre que tous les FIS seraient désormais taxés à 20%. De quoi effrayer les investisseurs étrangers. «Il existe un risque réputationnel pour l’industrie des fonds luxembourgeoise si de mauvaises informations sont données», avertit M. Béchet.