Les fondamentaux économiques de l’Italie ne sont pas réjouissants. Sur les 30 dernières années, la part des exportations italiennes dans les exportations mondiales a été divisée par deux, passant d’un peu plus de 5% à seulement 2,5%. En 20 ans, le niveau de PIB par habitant, qui est en soi la meilleure mesure de performance économique d’un pays, a baissé de 10%, alors que cette mesure de prospérité a progressé de près de 20% en Allemagne.
À cela s’ajoute un autre problème de taille: la dépopulation et le chômage des jeunes. La population totale du pays a commencé à baisser en 2014. Selon les Nations unies, la population de l’Italie, actuellement de 59 millions d’habitants, atteindra 52,2 millions d’habitants en 2050, ce qui représente une perte de 11,5%. La baisse à venir de la population en âge de travailler – les personnes âgées de 25 à 64 ans – est encore plus inquiétante. Selon les projections, cette tranche de la population devrait chuter d’un peu moins de 30% sur la même période. Cela signifie que la dette publique accumulée dans le passé sera supportée par un nombre plus restreint de travailleurs. À 21%, le taux de chômage des 15–24 ans est quatre fois plus élevé qu’en Allemagne. Les mauvaises perspectives sur le marché du travail poussent un grand nombre de jeunes à émigrer.
Un enchaînement de crises
Les crises s’enchaînent en Italie, si bien que le pays n’a toujours pas récupéré son niveau d’activité économique de 2008. Après la récession économique de 2008 et la crise de la dette de la zone euro de 2011, puis celle du Covid en 2020, les Italiens sont maintenant confrontés à une crise du coût de la vie due à la hausse de l’inflation. En Italie, la perte de pouvoir d’achat est parmi les plus élevées des pays de la zone euro. Les derniers chiffres faisaient état d’une inflation de 9,5%, alors que les salaires ne progressaient que de 1,4%. Par conséquent, le pouvoir d’achat des Italiens recule de 8,1% sur un an.
En d’autres termes, la récession qui se profile en Italie sera probablement bien plus sévère qu’ailleurs si des mesures ne sont pas rapidement prises pour limiter la hausse du coût de l’énergie au niveau européen. Sans oublier que près de la moitié des quelque 2.800 milliards de dette publique arrivent à échéance avant la fin de 2026. Cette dette va donc devoir être refinancée à des taux d’intérêt moins favorables. L’année dernière, le paiement des intérêts sur la dette publique représentait environ 10% des dépenses totales de l’État italien. Cette partie des dépenses de l’État va indéniablement augmenter, ce qui risque de restreindre la marge de manœuvre budgétaire de l’Italie.
Le questionnement des marchés
À un moment donné, l’Italie sera de nouveau confrontée au questionnement des marchés sur la capacité du pays à honorer sa dette. Lorsque la défiance des marchés sera telle que les rendements sur la dette italienne deviendront intenables, une décision politique devra être trouvée. Il existe plusieurs solutions pour éviter un défaut de paiement, un rééchelonnement de la dette ou pire, une sortie de la zone euro de l’Italie.
L’une d’entre elles consiste à mutualiser une partie de la dette italienne au niveau de la zone euro. Le problème, c’est que ce sujet est politiquement sensible dans les pays du nord. Une autre solution serait l’activation d’un plan d’achat illimité par la Banque centrale européenne, qui ne pourrait venir que d’un compromis politique entre le gouvernement italien et la Commission européenne. Il est en effet difficile d’imaginer une action de la BCE si une procédure de déficit excessif est lancée par la Commission européenne contre l’Italie et si la dette publique est jugée insoutenable à long terme.
Cette deuxième solution semble être la plus probable, mais malheureusement, il faudra sans doute compter un nouveau moment de défiance du marché obligataire avant que ce mécanisme d’achat de la BCE ne soit enclenché. Si des achats massifs de la banque centrale peuvent alléger la souffrance à court terme, d’un point de vue fondamental, le seul moyen à long terme de rendre la dette publique soutenable dans un environnement de taux d’intérêt en hausse et de croissance économique faible est de faire plus d’efforts d’un point de vue budgétaire. Une réalité difficile à entendre pour tout parti politique au pouvoir!