Céline Bardet, Fabrice Croiseaux et Nicolas Sanitas. (Photo: Mike Zenari)

Céline Bardet, Fabrice Croiseaux et Nicolas Sanitas. (Photo: Mike Zenari)

L’ONG We Are Not Weapons of War et la société Intech ont fait converger besoins et expertises vers une plate-forme, le «Back Up», pour aider les victimes du viol de guerre et collecter les infos susceptibles d’en condamner les auteurs.

Quand la «tech for good» participe à la reconstruction de vies meurtries. En rencontrant Céline Bardet, les dirigeants de la société Intech – qui évolue dans le giron de Post n’auraient probablement pas imaginé l’impact potentiel de leurs développements techniques sur des personnes dont l’existence a été marquée à jamais par un viol perpétré dans le contexte d’une guerre ou d’une région en proie à une grande instabilité.

Des victimes auxquelles la juriste spécialisée dans les crimes de guerre et crimes internationaux vient en aide depuis 2014 avec l’ONG  qu’elle a créée. Son équipe de juristes agissant pro bono a pour ambition de traduire en justice les auteurs de viol de guerre et surtout d’apporter support, aide et réconfort aux victimes.

Le viol de guerre est comme une kalachnikov.
Céline Bardet

Céline Bardet fondatrice et présidenteWe Are Not Weapons of War

De passage au Luxembourg mardi pour participer au forum international , Céline Bardet explique à Paperjam la réalité du viol de guerre:

Isolées, souvent réfugiées dans le mutisme, la priorité est de repérer ces victimes pour leur venir en aide. Avec un premier contact qui peut passer par le cercle familial. Et pourquoi pas en utilisant internet.

«Contrairement aux idées reçues, même dans des endroits reculés et sensibles, on voit circuler les tablettes, car ce sont les seuls moyens d’information, là où les chaines TV ne passent plus», explique à Paperjam Céline Bardet.

 Céline Bardet est intervenue durant la première journée du  forum international «Stand Speak Rise Up!». (Photo: Anthony Dehez)

 Céline Bardet est intervenue durant la première journée du forum international «Stand Speak Rise Up!». (Photo: Anthony Dehez)

Un «Back Up» dédié

Et si une plate-forme web était le moyen de collecter les données sur ces cas tragiques et d’amasser une masse d’informations qui pourront être agrégées, recoupées et traitées pour, le cas échéant, identifier des auteurs de crime ou repérer un foyer de violences?

C’est ainsi que «Back Up» est née de la rencontre d’Intech et de We Are Not Weapons of War, par l’intermédiaire du programme Tech For Good de l’incubateur parisien Station F: . La société luxembourgeoise a dédié des ressources humaines à ce projet dans le cadre de sa politique RSE.

Paperjam.lu

 

«Nous avons opté pour un site web en version mobile et non une appli, pour des raisons de sécurité, afin de laisser le moins de traces possible et maximiser les chances d’accès même lorsque le réseau est de mauvaise qualité, déclare Nicolas Sanitas, manager chez Intech. Il détaille les piliers techniques, de l’intelligence artificielle à la blockchain, qui ont permis d’apporter des réponses au besoin initial:

Hébergés sur les serveurs d’EBRC, une autre branche du groupe Post, les données et fichiers, comme des photos, pourraient être versés au dossier judiciaire.

«Héberger les données au Luxembourg fait aussi du sens en raison de la législation sur le statut de PSDC (prestataires de services de dématérialisation et/ou de conservation, ndlr) qui assure une valeur probante aux originaux numériques archivés et renverse la charge de la preuve», déclare , le CEO d’Intech.

Une première bataille en Libye

Actuellement en phase de «MVP», une version viable de base, la plate-forme a été testée en Libye, notamment auprès d’hommes victimes de viol en prison.

«La plate-forme leur a permis de s’exprimer plus facilement qu’ils ne l’auraient fait auprès d’une personne, ajoute Céline Bardet. L’utilisation en Libye nous a d’ailleurs permis de cartographier les prisons et de déposer une première plainte à Paris à l’encontre d’un haut gradé.»

Neuf migrants sur dix ont subi des violences sexuelles.
Céline Bardet

Céline Bardet fondatrice et présidenteWe Are Not Weapons of War

L’action de l’ONG se situe sur plusieurs fronts et notamment auprès des migrants qui connaissent le viol sur la route de l’exode, comme l’explique Céline Bardet:

Composée d’une quinzaine de questions non obligatoires ou encore d’un code pour rester éventuellement en contact avec l’ONG, la plate-forme va continuer à évoluer au fil de l’usage avec comme objectif de couvrir cinq zones cette année, qu’il s’agisse de pays ou de camps de réfugiés.

À la recherche de fonds

En parallèle, l’ONG va former ses relais locaux – juristes ou agents psychosociaux – pour en répandre l’usage et compter sur les précieux souvenirs des victimes lorsque ceux-ci sont encore vivaces pour parvenir à cerner les auteurs de ces crimes.

Intech va, de son côté, continuer à dédier des ressources humaines à la finalisation de la plate-forme.

Mais les prochains mois rimeront aussi avec recherche de fonds auprès de bailleurs internationaux pour We Are Not Weapons of War.

Au croisement de l’innovation et du droit international, l’enjeu sera de trouver des sources de financement institutionnelles qui acceptent de soutenir rapidement une solution déployée relativement rapidement, dans un mode agile et continu.

La technologie a peut-être aussi «disrupté» le modèle de soutien aux ONG.